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Violences faites aux femmes : les défis des régions rurales

En Estrie, agir contre les violences conjugales et à caractère sexuel

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Lorsqu’il s’agit de violences conjugales, les femmes vivant en région éloignée font face à plusieurs défis, notamment en matière d’accessibilité des services et de sécurité. En Estrie, des organismes se concertent pour accompagner les femmes dans le partage de la garde des enfants, et pour agir contre les violences conjugales et à caractère sexuel.

Le Centre des femmes Le point d’ancrage, qui offre ses services dans les MRC de Val-Saint-François et des Sources, a choisi de s’attaquer aux situations problématiques qui surviennent lors des échanges de garde des enfants. « On avait plusieurs témoignages de violences physiques et psychologiques pendant les échanges, affirme Arianne Gravel, intervenante psychosociale à l’organisme Le point d’ancrage. Étant donné l’environnement rural, aucune mesure particulière n’est offerte aux femmes pour assurer leur sécurité. »

En effet, la Maison CALM, chargée de superviser les droits d’accès pour la région de l’Estrie, est située à Sherbrooke. « Au Québec, presque la totalité des lieux d’échanges de garde se trouvent dans les grandes villes, poursuit Arianne Gravel. En général, on compte un organisme par région administrative. Si les parents veulent ce type de services, ils doivent se déplacer dans les grands centres. » Les parents sont souvent laissés à eux-mêmes, ce qui donne lieu à des situations problématiques qui rendent les familles vulnérables.

C’est ce qui a motivé la conception du projet pilote du service d’échange de garde, qui sera lancé à l’hiver 2022 dans la MRC des Sources. « D’une part, on veut démontrer qu’il existe des besoins, même si seulement une petite population est concernée, et d’autre part, on espère que ce projet pilote devienne exportable dans d’autres MRC, dans d’autres régions moins populeuses. »

Un accompagnement sécuritaire

Arianne Gravel, intervenante psychosociale

Concrètement, le Centre des femmes Le point d’ancrage souhaite offrir aux citoyennes un milieu d’échange neutre. « Ça peut amener un sentiment de sécurité, estime Arianne Gravel. On demande que ce soit dans un endroit assez fréquenté, bien éclairé, où les policiers pourraient patrouiller régulièrement. » Tout en sachant qu’il n’y a pas de poste de police dans cette municipalité.

La Maison des familles FamillAction de Val-des-Sources offrira également l’option d’un échange de garde supervisé, en présence d’éducatrices spécialisées. Les parents viendront à tour de rôle après avoir discuté virtuellement avec des intervenantes de la maison CALM. Celles-ci serviront d’intermédiaire entre les deux parents pour le partage de l’information.

« Les enfants seront en sécurité et ne seront pas témoins des échanges entre les deux parents, qui ne sont pas censés se croiser, explique Arianne Gravel. En même temps, on bénéficie de l’expertise de la maison CALM sans que les intervenantes se déplacent à une heure de route, car ça peut devenir coûteux. »

À cela s’ajoute un volet de sensibilisation et de formation destiné aux actrices et acteurs de la communauté. « On veut les aider à déceler les cas où il y a de la violence, des conflits de séparation, mais aussi les outiller pour savoir quoi recommander aux parents sur la manière de gérer les situations problématiques. »

La force du nombre

Jinny Mailhot, directrice du CDC du Haut-Saint-François

Du côté de la MRC du Haut-Saint-François, un autre petit territoire, on compte deux fois plus de violences à caractère sexuel rapportées à la police que la moyenne canadienne, selon des données de la Sûreté du Québec. Chiffres à l’appui, la Corporation de développement communautaire (CDC) du Haut-Saint-François, la maison d’hébergement pour femmes victimes de violence conjugale La Méridienne et le Centre des femmes du Haut-Saint-François La Passerelle ont déposé une demande de subvention au Fonds canadien d’action féministe, en vue de mettre sur pied un projet de table de concertation.

Grâce à ce financement, Le réseau des partenaires uniEs contre les violences basées sur le genre a pu voir le jour et sera lancé officiellement lors des 12 jours d’action contre les violences faites aux femmes. « Notre objectif est de créer un bon filet de sécurité pour toute personne s’identifiant comme femme sur le territoire, assure la directrice du CDC du Haut-Saint-François, Jinny Mailhot. Les femmes doivent savoir que tous les partenaires, peu importe leur mission respective, travaillent ensemble pour les soutenir. »

Si la subvention constitue un coup de pouce non négligeable, elle n’est pas une finalité en soi. « Le plus important, c’est de nous réunir et de développer plus de projets de partenariat qui vont cibler des situations précises au fil des années, dit Jinny Mailhot. Notre point de départ, c’est qu’on vient de nous donner les moyens de nous asseoir ensemble et de combattre le patriarcat dans le Haut-Saint-François. »

Les projections du projet

La table de concertation s’est dotée de trois grandes orientations, qui teinteront ses actions dans les prochains mois. Elles s’articulent autour de politiques et de pratiques inclusives à mettre en œuvre au sein des organismes. On préconise également une plus grande écoute de la parole des femmes dans les espaces décisionnels.

« Les femmes doivent savoir que tous les partenaires, peu importe leur mission respective, travaillent ensemble pour les soutenir. »

– Jinny Mailhot, directrice du CDC du Haut-Saint-François

« Les femmes nous disent par exemple qu’elles ne courent pas le soir, car elles se font suivre en voiture, illustre Jinny Mailhot. Ce sont des réalités qu’il faut écouter afin de savoir où on va effectuer plus de patrouilles policières ou mettre plus de lumière. »

De plus, selon la directrice du CDC, on ne peut passer outre les enjeux intersectionnels pour lesquels il est essentiel d’avoir un partage des connaissances. « Il faut considérer qu’on est sur un territoire où il y a très peu d’immigration autre que blanche. Il faut s’assurer que dans nos outils d’embauche par exemple, on ne crée pas une double oppression pour les femmes racisées. »

En amont, les organismes poursuivent leur mission individuelle. « Ce qu’on a mis en place, c’est l’action et l’intelligence collectives pour répondre à des besoins criants, résume Jinny Maillot. On se partage les ressources comme les situations problématiques sur lesquelles agir, ce qui nous permet de mieux intervenir dans notre communauté. »

Besoin d’aide?

Vous sentez votre sécurité menacée?

N’hésitez pas à faire appel à des ressources d’accompagnement comme SOS violence conjugale (disponible 24 h sur 24, 7 jours sur 7), une maison d’hébergement, Info-aide violence sexuelle ou un centre d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS) de votre région. En cas de besoin immédiat, contactez la police en composant le 911.

Édition ⬝ Novembre 2021