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La violence postséparation : une réalité ignorée

État des lieux dans les Laurentides

Date de publication :

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Temps estimé de lecture :5 minutes

Contrairement à ce l’on pourrait penser, la violence conjugale ne s’arrête pas avec la rupture. Elle peut perdurer et se transformer en ce qu’on appelle la violence postséparation, entraînant de nombreux impacts sur la vie des femmes.

Malheureusement, il s’agit d’une réalité hautement méconnue sur laquelle il existe peu de documentation scientifique, déplore la coordonnatrice générale du Réseau des femmes des Laurentides (RFL), Myriam Gagné. Pour mettre en lumière cette problématique et à la demande des 19 groupes membres du RFL, celui-ci a produit un état des lieux en collaboration avec le Centre de recherche sociale appliquée (CRSA). « On voulait connaître les aspects favorables et les lacunes qui pouvaient nuire au cheminement des femmes vers l’autonomie et la reconstruction de soi », précise la coordonnatrice générale.

Paroles de femmes

La recherche de type qualitatif s’attarde aux vécus des femmes victimes de violence conjugale à travers leurs propres mots et leurs besoins de services dans cette période spécifique de leur vie. « Ce que nous entendions, c’est que les organismes qu’elles consultaient avait du mal à comprendre comment les femmes pouvaient vivre de la violence conjugale tout en étant séparées », renchérit Myriam Gagné.

Pourtant, les types de violences qui persistent sont nombreux. On parle notamment de harcèlement téléphonique ou via les réseaux sociaux. Les ex-partenaires peuvent aussi se présenter au domicile de leur ex-conjointe ou à son milieu de travail. Les menaces peuvent être de nature économique, judiciaire ou physique. « On n’a qu’à penser aux féminicides de cette dernière année. »

Des témoignages qui appellent à l’action

Les conclusions qui découlent de l’étude sont venues confirmer les préoccupations du RFL et de ses membres. « On a été surpris de constater que le vécu postséparation des femmes était mal compris dans plusieurs sphères, notamment socio-judiciaire, au sein des services policiers et dans les services d’accès au logement, de l’employabilité ou de l’aide financière. »

Une avenue simple serait de mieux former les policier·ière·s dans leurs interventions auprès des femmes.

Parmi les réalités dont ont témoigné les participantes, on note une méconnaissance des services existants sur le territoire et une absence de services spécifiques. Elles font part également d’une inquiétude quant à la sécurité de leurs enfants. « Ces femmes mentionnent vouloir un accompagnement dans la durée et dans la stabilité, car même après plusieurs mois de séparation, on peut encore avoir besoin d’aide. »

Myriam Gagné, coordonnatrice générale du RFL

Actuellement, le RFL termine une tournée de diffusion des résultats de cet état des lieux auprès des partenaires des six tables de concertation en violence conjugale locales de la région des Laurentides. Selon Myriam Gagné, il ressort de ces rencontres que « les partenaires avouent que leurs services ne sont pas nécessairement arrimés à un contexte de violence conjugale postséparation ».

Pourtant, à la question visant à connaître ce qui peut être fait seul ou en concertation, les réponses sont encourageantes. « C’est étonnant de voir que chaque partenaire possède une petite solution toute simple pour sa propre organisation. On est en train de rédiger un bilan avec l’équipe de recherche du CRSA. Au terme de ces rencontres, nous allons partager les pistes d’action qui ont été soulevées. »

Une avenue simple serait de mieux former les policier·ière·s dans leurs interventions auprès des femmes. « Le fait d’en parler, de démystifier ce qu’est la violence conjugale postséparation et de démontrer qu’il y a des impacts graves, ça va faire bouger les choses », assure la chargée de projet et coordonnatrice au RFL, Vicky Langlais.

Elle mentionne également la mise sur pied de maisons d’hébergement de deuxième étape, aujourd’hui absentes de la région des Laurentides. Ces lieux permettent une transition dans un contexte sécuritaire. « Lorsqu’elles sortent de la maison de crise, les femmes sont désemparées ou ont des problèmes financiers, explique Vicky Langlais. Rechercher un logement dans un contexte de pénurie avec peu de revenus, ça peut être très complexe. » En outre, elles ont accès à des services de soutien et à la présence d’intervenant·e·s pour les accompagner.

Affiche tes couleurs : sensibiliser les jeunes

En amont, le RFL travaille sur d’autres projets dans l’objectif de lutter contre les violences basées sur le genre. C’est le cas de la campagne régionale Affiche tes couleurs, qui circule sur les réseaux et qui s’adresse aux 15-25 ans avec la visée de démystifier la nature des agressions à caractère sexuel.

« C’est un public qui a besoin d’être sensibilisé et on considère que si on travaille tout de suite, on ose espérer qu’à long terme, à titre d’adultes, ces jeunes vont être des ambassadeurs et des ambassadrices du message à véhiculer », avance Vicky Langlais.

Maude Labelle-Latour, âgée de 21 ans, a pris part aux groupes de travail menant à la réalisation de la campagne : « En tant que jeune femme et étudiante en travail social, la campagne Affiche tes couleurs vient grandement me rejoindre. Par sa touche humoristique et ses couleurs vives, elle permet la sensibilisation à une problématique sociale extrêmement importante auprès des jeunes, en abordant de façon légère un sujet lourd et pénible. »

Depuis le 30 septembre dernier, des capsules d’animation vidéo d’une durée d’une minute chacune sont diffusées sur Facebook, Instagram et TikTok. Tout au long de la campagne, les jeunes internautes seront invité·e·s à répondre à quatre jeux-questionnaires thématiques afin de tester leurs connaissances en matière d’agressions à caractère sexuel et pour prendre conscience de la portée de leurs comportements.

« Souvent, les gens vont penser qu’une agression à caractère sexuel, c’est un viol dans une ruelle le soir par un inconnu, alors que c’est beaucoup plus large que ça, rappelle Vicky Langlais. Ça touche le harcèlement ou l’intimidation. Et il est clairement démontré que la plupart des agressions sexuelles vont être commises par une personne connue de notre entourage. »

Besoin d’aide?

Vous sentez votre sécurité menacée?

N’hésitez pas à faire appel à des ressources d’accompagnement comme SOS violence conjugale (disponible 24 h sur 24, 7 jours sur 7), une maison d’hébergement, Info-aide violence sexuelle ou un centre d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS) de votre région. En cas de besoin immédiat, contactez la police en composant le 911.

Édition ⬝ Novembre 2021