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Un labyrinthe et des BD pour sensibiliser aux violences

Deux projets jeunesse et grand public au Saguenay–Lac–Saint-Jean

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Temps estimé de lecture :5 minutes

Comment accrocher lintérêt des adolescent·e·s pour parler de relations amoureuses toxiques? Comment attirer lattention du public sur les ressources disponibles pour les victimes et les agresseurs? Deux initiatives conçues dans la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean proposent des pistes de solution originales pour accroître la sensibilisation populaire aux violences conjugales, sexuelles et autres.

Sur un écran de télévision, une jeune femme nous explique qu’elle est tombée amoureuse d’un garçon. On entre dans sa chambre, où l’on se permet de lire quelques lignes de son journal intime. La jeune femme confie avoir des doutes sur son couple. Le téléphone commence à sonner, sonner. Au bout du fil, le garçon l’assomme de reproches.

Autour d’un miroir, on lit les pensées de la jeune fille qui commence à perdre confiance en elle. Quelques pas plus loin, on trouve des fleurs sur une table de restaurant. Le jeune homme, rempli de remords, fait la reconquête de sa partenaire. Puis, on embarque dans un nouveau cycle de violence dans Les couloirs de la violence amoureuse, un parcours multimédia qui conscientise les jeunes de 3e, 4e et 5e secondaire à la violence conjugale.

« Je suis toujours fascinée lorsque je vois les élèves réaliser que le jeune couple se retrouve encore au restaurant [dans la phase de reconquête] et que je sens, dans leurs yeux et leur voix, qu’ils ont compris l’idée du cycle de la violence », observe Isabelle Harvey, directrice de La Passerelle, une maison d’hébergement située à Alma et qui administre l’outil multimédia.

Nés grâce à l’inspiration d’une policière de la région, les couloirs voyagent chaque année depuis 2008 à travers les écoles de la province. Conçus sous la forme d’un labyrinthe multimédia de plus de 60 mètres carrés, les couloirs permettent de s’immerger dans les univers de la victime et de l’agresseur. Les jeunes peuvent écouter les pensées du jeune homme qui a lui aussi besoin d’aide, rappelle Isabelle Harvey. Le parcours se termine devant le tribunal, où celui-ci doit faire face aux conséquences de ses actes.

Apprendre à communiquer

La formule a démontré son succès auprès des jeunes au fil des années, observe la directrice de La Passerelle. « Je pense que le fait d’avoir un concept multimédia, ça vient chercher les sens. Être coincés dans un couloir à quatre ou cinq élèves, être témoins de la crise d’un couple, c’est assez réaliste. Cela arrive régulièrement que de jeunes femmes ne réussissent pas à terminer le couloir en totalité », explique-t-elle, en soulignant l’importance de coordonner l’activité avec les ressources des écoles.

« Les relations amoureuses, c’est là [à l’adolescence] que ça commence, et même je trouve que c’est encore tard pour les sensibiliser », opine Isabelle Harvey. « L’idée que la jalousie est une preuve d’amour est présente très tôt chez les jeunes. Ceux-ci doivent apprendre beaucoup plus tôt à mieux communiquer et à mieux vivre leurs relations en général », affirme l’intervenante, qui croit qu’une formation sur la communication interpersonnelle devait être donnée dès l’école primaire.

Pour l’instant, les écoles qui font appel au projet doivent payer les frais d’installation et de désinstallation de l’outil multimédia, ainsi que le transport à partir du Saguenay-Lac-Saint-Jean. La Passerelle ne fait aucun profit sur l’administration du labyrinthe. « Mon grand rêve, c’est que ce genre d’outil fasse partie du programme, que toutes les écoles du Québec reçoivent les couloirs pendant une semaine, que des éléments soient ajoutés, qu’une préparation des élèves ait lieu avant la visite, et un suivi après », souhaite Isabelle Harvey.

Les couloirs poursuivront leur périple à La Tuque et Shawinigan au cours des prochains mois.

Des bandes dessinées contre la violence

À Chicoutimi, un autre projet a été mis en branle cette année pour sensibiliser la population à la violence. Cinq bandes dessinées différentes illustrant diverses formes de violence ont été créées, puis affichées dans des endroits publics comme les autobus et les abrisbus. Au cours des dernières semaines, 10 000 de ces bandes dessinées ont été glissées aléatoirement dans le Publisac de la ville. Une sixième bande dessinée sera aussi distribuée dans des kiosques par des organismes membres de la Table locale en matière de violence faite aux femmes et aux adolescentes de Chicoutimi, laquelle a entrepris le projet

Tous les types de violence ont des conséquences sur l’estime de soi des victimes.

« Le but de la campagne, c’est de joindre des gens qui sont victimes ou qui voient des situations de violence sans nécessairement le réaliser », explique Roxanne Gervais, qui travaille au Service de travail de rue Chicoutimi et qui représente la Table. « Ce sont des violences qui peuvent conduire à d’autres types de violences. On voulait sensibiliser la population à cette situation pour amener le grand public à reconnaître et à dépister plus rapidement des comportements pouvant être violents », ajoute Roxanne Gervais, qui rappelle que tous les types de violence ont des conséquences sur l’estime de soi des victimes.

La formule de la bande dessinée a été utilisée pour accrocher l’œil des jeunes comme des adultes, des hommes et des femmes, poursuit-elle. Les victimes vivant une situation de contrôle de la part du conjoint peuvent aussi déchirer une petite partie des bandes dessinées avec les numéros de téléphone des ressources de la région.

« Tous les problèmes sociaux ont augmenté avec la pandémie, incluant la violence », observe la travailleuse de rue. Les formes de violence moins visibles ont été choisies pour les bandes dessinées, comme des situations de violence verbale, psychologique et sexuelle, ou encore de harcèlement.

L’an dernier, la Table locale a aussi conçu des rouges à lèvres vides contenant les numéros de téléphone de ressources, que les policier·ière·s ont distribués à des femmes vulnérables à la violence. Après les bandes dessinées, la Table continuera de s’attaquer aux violences faites aux femmes par le biais d’autres moyens de sensibilisation.

Besoin d’aide?

Vous sentez votre sécurité menacée?

N’hésitez pas à faire appel à des ressources d’accompagnement comme SOS violence conjugale (disponible 24 h sur 24, 7 jours sur 7), une maison d’hébergement, Info-aide violence sexuelle ou un centre d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS) de votre région. En cas de besoin immédiat, contactez la police en composant le 911.

Édition ⬝ Novembre 2021