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Lutte contre les violences : poser les fondations de l’autonomie

Deux projets montréalais aux ambitions fertiles

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Temps estimé de lecture :4 minutes

Bandeau :Photo : © Rochelle Brown (unsplash.com)

« Quand la pandémie est arrivée, on n’avait plus de cuisinière. » Ces mots sont ceux de Sabrina Lemeltier, directrice générale de La Dauphinelle, un organisme montréalais de soutien aux femmes victimes de violence conjugale. La cuisinière étant en arrêt de travail, la directrice s’est tournée vers ses contacts pour trouver quelqu’un qui pourrait préparer les repas dans la maison d’hébergement de l’organisme, qui compte 24 places.

C’était sa chance : avec les restaurants fermés, Sabrina Lemeltier a rapidement été mise en contact avec le chef d’un restaurant local qui a accepté de venir lui prêter main-forte. Un partenariat qui s’est avéré payant : « Avant, on se contentait d’offrir de la cuisine familiale aux femmes. Mais lui est arrivé avec ses stratégies pour économiser, des manières d’utiliser les produits au complet. »

Il n’en fallait pas plus pour que l’organisme décide de mettre à profit ces compétences en ajoutant une nouvelle corde à son arc : des ateliers de cuisine, qui visent à développer l’autonomie alimentaire des femmes en hébergement. Tout ce qui lui manquait, c’était le financement. 

Se nourrir de fierté

Danielle Filion, directrice des programmes pour le Québec chez Mission inclusion

L’organisme Mission inclusion, anciennement connu comme L’Œuvre Léger – du nom de son fondateur, le cardinal Paul-Émile Léger –, finance des projets de soutien aux personnes marginalisées partout dans le monde. Au Québec, le bailleur de fonds collabore avec deux organismes qui luttent contre la violence faite aux femmes : La Dauphinelle et le Bouclier d’Athéna. « Dès que nous finançons un projet féministe, c’est aussi une manière de travailler à réduire ce type de violence », note Danielle Filion, directrice des programmes pour le Québec chez Mission inclusion.

La Dauphinelle s’est tournée vers l’organisme pour obtenir les fonds nécessaires à la mise en œuvre de son projet. Très rapidement, ce financement s’est transformé en retombées concrètes. « Ces ateliers culinaires permettent aux femmes de se préparer à être plus autonomes une fois qu’elles seront sorties de la ressource, indique Danielle Filion. On sait que la dépendance financière est une des choses qui les maintiennent dans la situation de violence. »

Désormais, deux ou trois fois par semaine, les femmes ont accès à des ateliers de cuisine en compagnie du chef. Pendant ces quelques heures, le chef partage ses astuces avec elles pour rendre les aliments plus digestes pour les enfants ou pour réduire le sucre, par exemple. Dans certains cas, il les initie à des légumes nouveaux, ou encore les aide à compléter leur assiette. « Plusieurs femmes d’origine africaine mangent beaucoup de riz. Le chef leur donne des idées sur ce qu’il faut y ajouter pour en faire un repas équilibré », explique Sabrina Lemeltier. Grâce à ces rencontres, les femmes sont en contact avec un homme qui leur inspire confiance – et qui cuisine! L’ambiance est conviviale. « Le C. A. est très jaloux », ajoute la directrice en riant.

Apprendre le monde

Pour donner aux femmes survivantes de violence conjugale des outils utiles dans leur vie de tous les jours, le Bouclier d’Athéna s’est plutôt tourné vers la formation en préemployabilité. Bénéficiant lui aussi d’un financement de Mission inclusion, l’OBNL montréalais est actif depuis les années 1990 auprès des femmes victimes de violence qui ne maîtrisent ni le français ni l’anglais.

« Ces femmes subissent une inégalité supplémentaire au-delà de celle qui divise les femmes et les hommes », lance Melpa Kamateros, directrice générale du Bouclier d’Athéna. L’organisme offre depuis trois ans des formations en préemployabilité pour des femmes victimes de violence conjugale. Le but : leur faire découvrir les ressources à leur portée, pour qu’elles puissent reprendre les rênes de leur vie.

« Notre but est d’aider les femmes à revendiquer du pouvoir. »

– Danielle Filion

« Ce sont des femmes qui ne savent pas comment ouvrir un compte en banque ou prendre les transports en commun », explique la directrice. Comment dans ce contexte pourraient-elles lancer les démarches pour obtenir un emploi?

« Grâce au projet de préemployabilité du Bouclier d’Athéna, c’est la première fois que ces femmes se projettent dans l’avenir, qu’elles réalisent avoir de l’autonomie », s’enthousiasme Danielle Filion. « Une femme a commencé à offrir des services de traiteur depuis chez elle, dit Melpa Kamateros. Une autre est retournée à l’université. Une troisième s’est inscrite à un cours de francisation. »

Attraper le pouvoir

« Les compétences des participantes sont mises en valeur grâce aux ateliers du chef cuisinier », sourit Sabrina Lemeltier. Et l’apprentissage va dans plusieurs sens : la directrice de La Dauphinelle nomme l’exemple d’une femme thaïlandaise ayant pu faire profiter les autres de son expertise unique. « Elle nous a fait voyager! »

Même son de cloche du côté du Bouclier d’Athéna : « Lorsqu’on explique aux femmes les diverses possibilités auxquelles elles ont accès, elles s’en emparent », soutient Melpa Kamateros avec passion. Dans les deux cas, cet accompagnement permet aux femmes de se sentir en contrôle de leur vie.

« Notre but est d’aider les femmes à revendiquer du pouvoir », résume Danielle Filion. En finançant des projets comme celui de La Dauphinelle et du Bouclier d’Athéna, son organisme contribue à offrir un terreau fertile pour les ambitions de femmes vulnérables. « Avec cette confiance, elles peuvent enfin envisager l’avenir avec une assurance nouvelle. »

Besoin d’aide?

Vous sentez votre sécurité menacée?

N’hésitez pas à faire appel à des ressources d’accompagnement comme SOS violence conjugale (disponible 24 h sur 24, 7 jours sur 7), une maison d’hébergement, Info-aide violence sexuelle ou un centre d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS) de votre région. En cas de besoin immédiat, contactez la police en composant le 911.

Édition ⬝ Novembre 2021