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Solange Laflamme : la passion de la construction

En haut de l’échelle

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Au Québec, à peine plus de 3 % des travailleuses et travailleurs de la construction sont des femmes, selon le plus récent rapport de la Commission de la construction du Québec. Cela représente tout de même une avancée considérable : il y a une vingtaine d’années, elles totalisaient moins de 0,5 % de la main-d’œuvre dans le secteur. Propriétaire et vice-présidente de l’entreprise Les fenêtres CPL, à Saint-Charles-de-Bellechasse au sud de Québec, Solange Laflamme est l’une de celles qui a fait sa carrière dans ce milieu masculin. Portrait d’une entrepreneure sensible.

Toute petite, Solange Laflamme adorait suivre son père lorsqu’il partait faire des réparations, son coffre à outils à la main. « J’étais quasiment un velcro, lance-t-elle avec un sourire dans la voix. Quand mon père grimpait dans une échelle, par exemple pour prendre des mesures en hauteur, je montais derrière lui. Souvent, il me découvrait là en descendant, parce qu’il me marchait presque sur les doigts. »

Elle développe du même coup une compréhension fine des concepts de la construction, gagnant le respect de son paternel. « Il ne m’a jamais dit “tu es une fille, tu ne peux pas travailler en construction”. Il voyait que je comprenais, que j’aimais ça. »

Son intérêt ne s’émousse pas avec l’âge, au contraire. Après avoir obtenu un diplôme d’études collégiales en administration au début des années 1980, la jeune Solange décroche un stage à la caisse Desjardins locale. Mais son but est clair : travailler pour l’entreprise familiale, qui rassemble à l’époque deux quincailleries et une usine de fabrication de portes et fenêtres.

« Il n’y avait pas de place dans l’entreprise pour moi, se rappelle la vice-présidente. Je faisais quelques heures après mon quart de travail à la caisse, c’est tout. Je suis allée voir mon père et lui ai dit : je ferai pas ça pour toujours, il faut que je fasse un choix. Il m’a dit de quitter mon poste chez Desjardins et de venir travailler avec lui. »

C’est ainsi que Solange Laflamme commence sa carrière, d’abord comme commis dans la quincaillerie, puis elle monte les échelons, un à un. Pas de passe-droit pour la fille du propriétaire. « Parfois, je me faisais réprimander plus fort qu’un employé », se souvient-elle. Fin 1980, elle s’occupe de la relocalisation d’une des quincailleries et de la modernisation de l’usine.

C’est aussi à cette époque qu’elle découvre le sexisme omniprésent dans le milieu. « Au début de ma carrière, quand je me présentais pour offrir des conseils à un client, on me disait “je vais attendre un homme”. Je leur répondais que si je n’avais pas la réponse à leur question, j’irais la poser à quelqu’un d’autre. C’était pas vraiment agréable. Je rentrais chez moi le soir et j’avais l’impression d’être moins que rien. »

Fierté de famille

Aujourd’hui, Solange Laflamme est à la tête de l’entreprise de fabrication de fenêtres, les deux centres de rénovation ayant été vendus il y a quelques années. Malgré le succès de son entreprise, elle refuse de la faire trop grandir, préférant garder une ambiance familiale.

« Au début de ma carrière, quand je me présentais pour offrir des conseils à un client, on me disait “je vais attendre un homme”.  »

« Quand de nouveaux employés arrivent, ceux qui sont là depuis longtemps leur disent : “tu vas voir, ici, tu n’es pas un numéro” », lance-t-elle avec fierté. Elle attribue son succès à son approche empathique, qui contribue selon elle à la réputation de son entreprise. « On ne change pas nos fenêtres tous les ans! Mais quand ça arrive, les gens reviennent nous voir. Ils nous envoient des gens. »

Sa passion se manifeste aussi dans sa manière de recevoir les client·e·s, avec qui elle partage avec plaisir son expertise. « J’aime le contact avec les gens, lance-t-elle avec animation. C’est toujours nouveau chaque fois. Ils aiment beaucoup savoir qu’on s’occupe d’eux. S’ils reviennent une semaine plus tard, je vais leur demander comment ça s’est passé. »

Un milieu plus ouvert

Solange Laflamme constate aussi que le milieu a énormément évolué depuis qu’elle a débuté derrière le comptoir de la quincaillerie. « C’est un monde d’hommes, concède-t-elle. Mais on a embauché des femmes à la réception des marchandises, au département de la peinture. Elles sont partout maintenant. L’intégration n’est pas toujours facile, mais c’est parce qu’il y a encore des hommes plus âgés. La nouvelle génération est bien plus ouverte. »

La présence croissante des femmes favorise aussi l’acceptation, croit la propriétaire. À force d’en croiser sur les chantiers, les clients sont plus réceptifs à l’idée de recevoir des conseils d’une femme une fois arrivés à l’usine. Sans compter les difficultés d’embaucher du personnel qualifié, qui poussent les employeurs à recruter hors des bassins habituels et à offrir des formations, ouvrant la porte à plus de femmes. Tant mieux, croit Solange Laflamme. « Il y a des femmes qui sont bien meilleures que les hommes! »

Maintenant au début de la soixantaine, Solange Laflamme regarde derrière elle avec fierté. Seule ombre au tableau : il n’y a aucun enfant Laflamme pour reprendre les rênes de l’entreprise lorsque sonnera l’heure de la retraite. « Je veux sortir la tête haute le jour où viendra le temps de vendre, promet-elle. On a une belle entreprise, une belle notoriété dans la région. Les prochains propriétaires devront continuer selon la même philosophie. »

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