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Les audaces de Marie Grégoire

Une culture d’engagement

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Temps estimé de lecture :5 minutes

Bandeau :Photo : © Mikaël Theimer

Marie Grégoire avait 12 ans quand elle a décidé qu’il était temps qu’elle gagne sa vie. « Je voulais travailler, être autonome. Je suis allée cueillir des fraises, mais je suis allergique et après trois jours, j’ai perdu connaissance dans le champ. J’ai décidé de peinturer des balcons, j’ai peinturé tous les balcons de ma famille! »

Rien n’allait l’arrêter à partir de là.

Elle avait de qui tenir. « J’étais une jeune fille très engagée, c’était dans l’ADN de ma famille. Mon père et ma mère étaient des personnes très engagées, c’étaient des modèles forts. En troisième année, j’étais présidente de ma classe; au secondaire, j’organisais plein d’activités. L’engagement, ça a toujours été le fil conducteur de ma vie, d’aller là où mon cœur allait me mener. »

Pendant qu’elle étudie au cégep, elle « emballe des lames » chez A. Richard, l’entreprise familiale qui fabrique des couteaux industriels facilement reconnaissables à leur manche jaune. Elle commence des études en… techniques en matières plastiques, avant de changer complètement de cap, direction Ottawa pour un bac en communications.

Elle sera d’ailleurs responsable des communications et du marketing chez A. Richard jusqu’en 1990, ce qui ne l’a pas empêchée de fonder en 1988 sa première boîte de communications, Créacom 6e sens. « Je suis une entrepreneure dans l’âme. » Marie Grégoire passe aux ligues majeures en 1996 quand elle est recrutée comme cadre par Bell « dans un nouveau département. J’avais le segment manufacturier et distribution ».

Elle travaille ensuite chez IBM où elle doit « développer les ressources marketing, puis diriger l’équipe des communications ». Elle y sera jusqu’en 2002.

Les feux de la rampe

C’est l’année où Marie Grégoire sort de l’ombre et entre dans l’œil du public. Six ans après une première défaite comme candidate de l’Action démocratique du Québec, elle est élue dans sa circonscription, Berthier, avec une confortable majorité. Comme son chef, Mario Dumont, elle est tombée très tôt dans la marmite politique, et libérale. « J’étais une jeune libérale depuis toujours. J’avais même falsifié ma date de naissance pour avoir ma carte; il fallait 16 ans, j’en avais 14! »

Sa carrière politique durera à peine 10 mois, mais elle ne quittera plus, à partir de là, le feu des projecteurs, en embrassant une nouvelle carrière comme chroniqueuse et commentatrice de l’actualité. Son visage, sa voix, ont fait depuis partie du paysage médiatique québécois, entre autres pendant huit ans au Club des ex à RDI.

Puis il y a eu la pandémie.

Les entrevues à distance, par Zoom.

« La pandémie, pour moi, a été un moment de réflexion important. J’ai toujours essayé de faire des chroniques positives, dans le respect des gens, parce que je sais ce que ça demande, la politique. Mais j’avais le goût d’aller dans une contribution plus concrète, je trouvais que le commentaire, ce n’était pas assez concret. »

La société apprenante

Une porte s’est ouverte, elle a mis le pied dedans. « J’ai appris que le poste [à la présidence et direction générale de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ)] s’ouvrait. J’ai soumis ma candidature et j’ai fait un pitch sur la société apprenante. C’est ce que j’ai présenté, l’importance de donner de l’autonomie par le savoir. Je veux amener BAnQ dans tous les foyers. »

Elle y est maintenant présidente-directrice générale, elle tient les rênes depuis août 2021 et avance avec assurance vers son objectif. « C’était déjà dans la mission de la bibliothèque de démocratiser le savoir. L’équipe en place est extraordinaire, je lui donne une nouvelle impulsion. »

« Je veux amener BAnQ dans tous les foyers. […] Tous les projets doivent avoir le potentiel de changer la vie des gens. »

– Marie Grégoire

Dans le coffre de projets : l’Audace des possibles, qui est à sa deuxième année. « On travaille avec des groupes des milieux documentaires, des bibliothèques, on leur a dit : “trouvez-vous des partenaires improbables”. »

De ceux-là, une entreprise de plastique, un bureau d’avocats, le Fonds de solidarité.

Une douzaine de projets ont été annoncés en juin par Marie Grégoire, qui a voulu donner le ton en invitant l’humoriste Phil Roy comme coanimateur. Janette Bertrand était la marraine honorifique, des invités spéciaux – et diversifiés – étaient là aussi, Barbada de Barbades, Florence K, Jacques L’Heureux, le Dr Stanley Vollant.

Vous sentez le vent de fraîcheur?

Parmi les projets retenus, Il était une fois une boîte de conserve, un pot de confiture… et un livre!, initiative par laquelle des livres seront distribués dans des banques alimentaires. Un autre projet suggère de donner une carte de bibliothèque à tous les bébés, en même temps que leur carte d’assurance maladie. Le fil conducteur est toujours le même, « tous les projets doivent avoir le potentiel de changer la vie des gens ».

Voilà qui diffère de la première image qui vient, quand on pense à BAnQ, celle d’un fonds d’archives, d’une gardienne de la mémoire.

Elle est pleine de vie.

Marie Grégoire mène d’autres initiatives, comme La cabane à culture qui fait le lien entre des organismes culturels et les bibliothèques scolaires. « C’est mon projet chouchou. On a eu 40 000 élèves qui se sont branchés sur nos cabanes à culture », pour visionner des capsules vidéo. Il y en a une vingtaine jusqu’à maintenant, dont une avec l’Opéra de Montréal et deux à venir avec le Conseil du statut de la femme*.

La PDG de 58 ans a la tête remplie d’idées, mais elle ne veut rien précipiter. « On veut commencer petit, on ne veut pas déployer tous les projets en même temps. » Et elle ne doit pas oublier les usagères et usagers de BAnQ qui chapeaute aussi la Grande Bibliothèque. « On a un gros travail à faire sur nos systèmes [d’accès aux archives numériques]. On avait des arrérages, on prend ça à bras le corps. On veut aider nos personnes abonnées et celles qui nous fréquentent. »

Chose certaine, la femme engagée est servie. Son cœur l’a menée à BAnQ, elle est résolument déterminée à rendre la culture concrète, accessible. « Pour arriver à un Québec qui est une société apprenante, il faut apprendre tôt et apprendre toute sa vie. »

Une bouchée de culture à la fois.

* Au cours des prochaines semaines, la bande dessinée jeunesse Cap Égalité, lancée récemment par le Conseil à l’occasion de ses 50 ans, rayonnera dans deux activités La cabane à culture en compagnie de son autrice, Anne Villeneuve. Une première, destinée aux futur·e·s enseignant·e·s du primaire, est prévue en octobre, et une seconde, à l’intention des élèves du 2e cycle du primaire, sera présentée en novembre dans le cadre du Salon du livre de Montréal. Une autre activité de collaboration entre le Conseil et BAnQ riche en apprentissages en cette année de 50e!

Bannière 50e anniversaire CSF

Titulaire d’un diplôme d’études collégiales en art et technologie des médias du cégep de Jonquière et d’un baccalauréat de l’Université Laval, Mylène Moisan est journaliste au quotidien Le Soleil depuis 1999. Elle y signe depuis 2012 une chronique suivie par des milliers de lectrices et lecteurs. Elle y raconte des histoires singulières, variées, qui touchent à la fois les gens et la société dans laquelle nous vivons. De 1994 à 1996, elle a travaillé comme journaliste à Toronto pour l’hebdomadaire francophone L’Express, puis à la chaîne télévisée TFO pour l’émission d’affaires publiques Panorama.