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L’égalité vue par Michèle Deslauriers

« Je suis féministe parce que c’est un droit et un devoir de nous faire respecter. Pour notre survie, notre épanouissement et notre liberté d’être humain. »

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Bandeau :Photo : © Andréanne Gauthier

Depuis plus de 60 ans, Michèle Deslauriers connaît une grande carrière tant sur scène qu’à l’écran. À la télévision, les émissions humoristiques marquent son travail : de Samedi de rire à Rira Bien en passant par Pop Citrouille ou les Bye Bye, elle interprète avec aisance une multitude de rôles comiques. Elle touche aussi les enfants en incarnant les voix de Ti-Brin et de Zig Zag dans la populaire émission Passe-Partout, et la très colorée Cornette dans Cornemuse. Dans la série Les beaux malaises, la comédienne a ému le public dans le rôle de Monique, la mère de Martin Matte. Au grand écran, Michèle Deslauriers a notamment interprété Grand-Mère dans L’arracheuse de temps. Au théâtre, sa voix magnifique l’amène à multiplier les rôles dans des comédies musicales et autres productions. L’artiste a aussi signé plusieurs productions théâtrales comme metteuse en scène. Depuis 15 ans, on peut l’entendre toutes les semaines à la radio de Radio-Canada sur ICI Première dans la populaire émission À la semaine prochaine. Depuis bientôt 20 ans, elle est également la voix du métro de Montréal! Michèle Deslauriers nous parle aujourd’hui d’égalité… et du droit de vieillir.

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Devant les injonctions multiples à vieillir jeune, qu’est-ce que ça signifie aujourd’hui vieillir femme sous le regard du public, en particulier dans le milieu de la télé, du théâtre et du cinéma?

« Ne pas vieillir, rester jeune… » Mais pourquoi cette illusion? C’est une idée contre laquelle je me bats. Vieillir signifie se donner le droit de vivre toutes les étapes normales de la vie et d’accepter de vivre cette décélération, ce changement de rythme, ce regard nouveau. Notre vie nous appartient et moi, j’aime sentir toutes les étapes de ce déroulement.

Oui, je suis vieille, je ne me gêne aucunement de parler ouvertement de cette vieillesse, qui est une maturité appréciable. Pourquoi vouloir rester jeune à tout prix? Non, je ne suis pas jeune et tant mieux. J’ai évolué. Mais je suis encore énergique, active à ma façon et surtout toujours fascinée par la vie.

Dans la série Les beaux malaises, vous incarnez Monique, la mère de Martin, une femme qui affiche une sexualité assumée et décomplexée. La sexualité des femmes aînées est-elle toujours taboue au Québec?

J’espère que non! Les réactions que j’ai eues quand j’ai interprété ce personnage étaient en tout cas positives, et je crois qu’il a contribué à donner à certaines femmes la permission de vivre enfin leur sexualité, à leur façon et sans complexe. Il faut dire que l’auteur Martin Matte a eu la délicatesse d’expliquer le comportement de Monique. Dans son couple, la sexualité avait été vide de tendresse et de satisfaction… bref inexistante.

Maintenant, dans sa nouvelle réalité, elle vit une liberté qu’elle n’avait jamais connue et pouvait enfin s’exprimer sexuellement sans cette fameuse « culpabilité » que l’on a toujours fait ressentir aux femmes. La candeur et la fraîcheur l’habitent dans cette nouvelle vie aventureuse et cela l’épanouit. Je crois que c’est la lecture que les femmes en ont faite. Et cela a même dû donner à certaines femmes une permission de vivre enfin leur vie, à leur façon, avec une nouvelle liberté décomplexée.

Je suis féministe parce que…

Je suis féministe parce que c’est un droit et un devoir de nous faire respecter. Pour notre survie, notre épanouissement et notre liberté d’être humain.

Bien concilier vie personnelle, famille et travail, c’est possible?

Difficile, mais possible. J’ai essayé de le faire toute ma vie, mais l’appui d’autres femmes et aussi d’hommes sensibles à notre réalité est indispensable. Je crois qu’il est nécessaire de la part des hommes d’avoir une compréhension de ce que vivent les femmes et qu’ils soient prêts à les épauler plutôt que de les combattre. Et prêts aussi à vivre cette équité et cette réalité. Mon espoir est qu’il y ait de plus en plus d’hommes qui s’investissent dans cette voie. Mais d’un autre côté, une ferme solidarité entre les femmes s’impose.

Dans l’actualité, qu’est-ce qui vous fait grincer des dents ces jours-ci en matière d’égalité entre les femmes et les hommes?

J’ai appris récemment que la construction de logements, de refuges supplémentaires servant aux femmes en difficulté, a été suspendue. On trouve ce projet trop cher… C’est une honte de laisser ces femmes dans le néant! En plus, ce sont souvent elles qui ont la charge des enfants et plusieurs vivent de la violence. Qu’est-ce qu’on attend pour agir et mettre l’argent au bon endroit pour sauver littéralement des vies! Les femmes ont le droit d’avoir de l’aide et de vivre dans la dignité et la sécurité.