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Le Réseau des femmes en environnement : un noyau d’expertise et de collaboration

« Des initiatives de femmes pour le bien collectif »

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Temps estimé de lecture :5 minutes

Avec plus de 20 ans d’expertise et d’initiatives par et pour les femmes, le Réseau des femmes en environnement vise à susciter des changements de comportement pour protéger l’environnement, la santé et le bien-être. Comptant à ce jour plus de 700 membres actives, un conseil d’administration soudé et une équipe de travail motivée, la force tranquille que représentait l’organisation à ses débuts ne laisse plus sa place au Québec. Le Réseau agit désormais comme une réelle locomotive à changement.

« On veut informer, sensibiliser, outiller. Parfois, ça va être par la création d’un petit calculateur d’impacts environnementaux, d’autres fois, par l’élaboration d’un aide-mémoire, ou encore à travers nos formations. Bref, tout pour passer à l’action plus rapidement », explique Caroline Voyer, directrice du Réseau.

Au cœur de la mission se trouve la mise en commun des membres, qui peuvent s’entraider et développer des projets ensemble. « Les femmes qui s’impliquent au Réseau ne sont pas forcément expertes en environnement », explique la présidente, Élyse Arcand. « Elles proviennent de toutes sortes d’horizons, et peuvent nous rejoindre pour toutes sortes de raisons. C’est très important pour nous que toutes se sentent bien et bienvenues. »

Une expertise plurielle

Regroupant plus d’une centaine de partenaires, le Réseau des femmes en environnement décline son expertise en huit grandes thématiques : le genre, le milieu de travail, la santé environnementale, la consommation, l’événement écoresponsable, l’art vivant et le plateau de tournage. Le Réseau met sur pied chaque année des dizaines de projets et de formations, en plus d’un service-conseil pour chacune des thématiques ciblées.

Le Réseau des femmes en environnement a insufflé l’écoresponsabilité à de nombreux milieux.

« Notre plus gros dossier, c’est clairement la santé », explique toutefois Caroline Voyer. « Dans les dernières années, on a acquis une expertise sur les perturbateurs endocriniens », défend celle qui travaille au Réseau depuis 2003. Les perturbateurs endocriniens sont des substances nocives pour l’organisme qui se trouvent entre autres dans les téléphones cellulaires. Ils seraient à l’origine de nombreuses maladies. Grâce à des fiches d’information, des formations, des ateliers, des trousses pédagogiques et des capsules vidéo, le Réseau met tout en place pour informer et sensibiliser la population.

Le Réseau a également insufflé l’écoresponsabilité à de nombreux milieux. La création du Conseil québécois des événements écoresponsables, qui regroupe plus de 80 partenaires, permet d’accompagner et de soutenir les diffuseurs, artistes ou agences de spectacles qui veulent rendre leurs pratiques plus durables. L’initiative On tourne vert! vise à réduire l’empreinte environnementale des plateaux de tournage, tandis que le projet Scène écoresponsable intègre le développement durable dans le milieu du spectacle.

« Ce qui me motive à continuer, c’est que j’ai vraiment l’impression que notre travail change la donne. Très récemment, le ministère du Tourisme annonçait qu’il y aurait désormais des écoconditionnalités aux financements d’événements, soit des conditions à respecter en vertu de normes environnementales. Les écoconditionnalités retenues sont celles que nous avons développées au Réseau. C’est une belle reconnaissance de notre travail », se réjouit Caroline Voyer.

Le Réseau a également établi des collaborations qui ont permis d’entreprendre des projets à plus grande échelle. Parmi ceux-ci figurent de nombreux plans de développement durable, notamment pour la Ville de Val-David en 2019, Tourisme Montréal en 2016, le CRE (Conseil régional de l’environnement) Montérégie en 2010 et rien de moins que Tennis Canada dans le cadre de la Coupe Rogers 2012-2020.

Pourquoi avoir un réseau de femmes en environnement?

Caroline Voyer, directrice du Réseau des femmes en environnement

Au fil des ans, les actions du Réseau se sont multipliées, et les réflexions de ses membres ont permis de réaffirmer la mission de l’organisme. « On s’est interrogé sur l’importance d’avoir un réseau de femmes en environnement à plusieurs moments de notre histoire. Est-ce encore ce que les membres veulent? Est-ce toujours pertinent? Oui. On veut un safe space pour parler des questions qui nous interpellent. Les femmes ont des approches qui peuvent être différentes. C’est important de leur laisser la place pour s’exprimer et bâtir des projets », affirme Caroline Voyer.

Ce constat se dégage aussi du fait que les femmes seraient touchées de manière disproportionnée par les changements climatiques. Mondialement, elles représenteraient 80 % des réfugié·e·s climatiques, selon l’Organisation des Nations Unies. « Les femmes subissent des discriminations dans la sphère professionnelle, dans l’accès aux logements et à l’obtention de crédit à la banque. Leur capacité de résilience face à leurs environnements et à l’impact de l’environnement sur leur santé en est atteinte », explique Isabelle Briottet, chargée de projet en environnement à Environnement jeunesse.

La dimension de genre serait donc essentielle pour penser la lutte climatique, puisque chaque individu, selon les différents déterminants identitaires et socioéconomiques qui le composent, a un accès différencié aux ressources, services et informations. Et à plus forte raison pour les femmes des populations marginalisées. Un exemple probant est l’ouragan Katrina qui a secoué La Nouvelle-Orléans en 2005 : les principales victimes étaient des femmes afro-américaines à faible revenu.

Une charge mentale et environnementale

Au-delà des impacts sur leur santé, les femmes seraient également plus concernées par la lutte climatique. Selon une étude menée par l’Université Laval et le média environnemental Unpointcinq, 90 % des Québécoises croiraient en l’urgence d’agir, contre 77 % des hommes.

Laurie Gagnon-Bouchard a notamment travaillé sur les documents politiques du gouvernement du Québec en matière de lutte contre les changements climatiques et d’adaptation à ceux-ci. Selon elle, la version binaire que propose l’enquête permet de dessiner la différenciation genrée qui s’opère dans la société, mais offre une vision trop étroite de la charge environnementale pour englober l’ensemble des réalités. « Les femmes dans la sphère domestique, c’est une vision très traditionnelle et hétérosexuelle de la façon dont les sociétés s’organisent », défend Laurie Gagnon-Bouchard.

La doctorante à l’Université d’Ottawa affirme que parmi les préoccupations environnementales peu discutées au Québec figurent celles qui incombent à nombre de femmes autochtones, qui doivent militer contre les pétrolières qui polluent les rivières ou encore pour l’accès à l’eau potable. « Ce sont des préoccupations environnementales mises de côté, mais qui sont fondamentales. La charge mentale, on l’appréhende beaucoup à l’échelle du ménage, mais elle doit être comprise dans l’ensemble de la société. L’important est d’être collaboratives dans nos luttes environnementales », défend l’écoféministe qui prône une approche décoloniale.

C’est d’ailleurs ce à quoi œuvre le Réseau : faire collaborer tous les milieux, convaincu que l’union fait la force. « J’espère qu’on va réussir à joindre les femmes qui se sentent seules dans la lutte. Qu’elles vont nous rejoindre pour briser cette solitude. Quand on passe à l’action, l’écoanxiété diminue », affirme la directrice.