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La seconde main : un modèle d’entrepreneuriat féminin… et responsable!

Acheter moins, réutiliser mieux

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Temps estimé de lecture :5 minutes

Bandeau :Photo : © Becca McHaffie (unsplash.com)

De la pièce vintage à la marque de luxe, le marché de la seconde main propose aujourd’hui une grande diversité d’articles et de prix. Devenu encore plus populaire depuis la pandémie, ce marché a vu se multiplier les enseignes et pourrait même doubler d’ici 2025. Devant l’urgence environnementale, l’achat de seconde main s’avère pour plusieurs une solution responsable. Parmi les propriétaires de boutiques, on retrouve de nombreuses entrepreneures qui se démarquent. Rencontre avec Candice Bouchez de Bon magasinage et Annabelle Chancellé de Popeline.

Toutes deux originaires de France, Candice Bouchez et Annabelle Chancellé partagent aussi une passion : la mode. Annabelle Chancellé a pu compter sur plusieurs expériences dans le milieu de la mode avant de lancer sa propre entreprise. « J’ai travaillé chez Nina Ricci à Paris, puis dans un petit atelier de haute couture. Arrivée à Montréal, j’ai intégré la boutique de luxe Henriette L. où j’ai beaucoup appris. »

Candice Bouchez, quant à elle, a terminé ses études dans une école de commerce spécialisée en mode juste avant de venir s’installer au Québec. Après quelques années à travailler pour le blogue culinaire 3 fois par jour, elle décide de se lancer dans l’entrepreneuriat. « En France, la seconde main et les friperies étaient ma principale façon de m’habiller. En arrivant ici, j’ai été surprise du peu de choix que j’avais », se souvient-elle.

En ce qui concerne Annabelle, c’est son copain qui lui a soufflé l’idée. « Il voyait que j’adorais chiner, que j’étais bonne pour repérer ce qui plaît à chacun, alors il m’a dit “pourquoi tu ne démarrerais pas une boutique en ligne, juste pour voir?”. » En 2017, les deux entrepreneures se lancent : Bon magasinage et Popeline sont nées.

Josée-Anne Derome, directrice du développement commercial de PME Montréal, constate aussi un intérêt accru pour l’entrepreneuriat dans le monde de la seconde main ces dernières années. Et celui-ci est « très souvent féminin ». « Il y a vraiment un engouement pour ouvrir des friperies. Les femmes y voient une réelle occasion d’affaires, mais aussi un emploi qui leur convient, qui leur permet un rythme de vie qu’elles aiment », raconte celle qui a soutenu quatre entreprises dans ce secteur au cours de la dernière année.

Engagées pour l’environnement

Candice Bouchez, entrepreneure

Deux Québécois·e·s sur trois ont acheté, vendu ou donné des biens usagés entre mai 2021 et mai 2022. C’est ce que révèle un récent sondage dans le magazine Protégez-vous. Et cette tendance a aussi été remarquée dans le monde de la mode. Selon les deux entrepreneures, elle s’explique par plusieurs facteurs, notamment l’impact écologique. Un jean peut parcourir 65 000 kilomètres du champ de coton jusqu’au magasin, et 1,2 milliard de tonnes de gaz à effet de serre sont émises par l’industrie textile chaque année.

Ces chiffres de Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie de France donnent à réfléchir, affirment les deux entrepreneures. « Ce qu’on aimerait faire encore plus avec Bon magasinage, c’est renseigner le public sur l’industrie du textile, qui est très polluante et qui n’évolue pas toujours dans de bonnes conditions pour les employé·e·s. On va chercher à sensibiliser davantage les clientes là-dessus et à leur montrer que leur geste d’acheter de seconde main est très important et a un effet réel », exprime Candice Bouchez, qui dénombre aujourd’hui 50 000 comptes de client·e·s sur sa plateforme. Même lecture du côté d’Annabelle Chancellé, qui constate également que les vêtements usagés ont le vent en poupe.

Josée-Anne Derome entend aussi régulièrement l’argument écologique chez les femmes qui souhaitent se lancer en affaires dans le vêtement de seconde main. « Elles sont souvent très sensibilisées à l’état du monde et veulent faire quelque chose. La plupart, si elles reçoivent des vêtements trop usés, les amènent dans des lieux de recyclage de tissus pour être certaines qu’il n’y a pas de gaspillage. »

Du bonbon pour les femmes

Selon Josée-Anne Derome, l’industrie de la mode en général est plus féminine. C’est aussi le cas dans la seconde main. « Les femmes sont les premières consommatrices de ce genre de boutique. C’est pour ça que ça marche, elles savent à qui parler, avec qui elles font affaire. »

Un jean peut parcourir 65 000 kilomètres du champ de coton jusqu’au magasin, et 1,2 milliard de tonnes de gaz à effet de serre sont émises par l’industrie textile chaque année.

En effet, chez Candice Bouchez comme chez Annabelle Chancellé, la clientèle est principalement féminine. La fondatrice de Popeline l’explique notamment par la façon de magasiner des femmes. « Généralement, on aime beaucoup la nouveauté, changer de pièces souvent, alors que les hommes usent leurs vêtements jusqu’à la fin et en ont un peu moins », affirme celle qui a décidé de vendre seulement pour la gent féminine.

Candice Bouchez aussi mise davantage sur les femmes. « J’ai pris le pli de vendre à des personnes que je connais, je cible clairement les femmes. » Elle a tout de même ouvert récemment une section homme. Cependant, elle constate que celle-ci représente seulement « un petit pourcentage du trafic et des ventes ».

Pour Josée-Anne Derome, l’ouverture de boutiques de vêtements de seconde main rime avec réseautage. « Ça va souvent de pair avec l’envie de bâtir un réseau. Ces entrepreneures misent beaucoup sur les médias sociaux notamment et aiment construire des partenariats avec d’autres boutiques, devenir un lieu d’échanges connexe à leur service. Il y a souvent un aspect communautaire pour les femmes. »

En tant que femmes, Candice Bouchez et Annabelle Chancellé sont ravies de pouvoir évoluer dans le milieu de la mode et de la seconde main, mais aussi de l’entrepreneuriat. Un environnement qu’elles trouvent « très bienveillant » au Québec. « Ce n’est pas du tout un enjeu d’être une femme, au contraire! dit la fondatrice de Bon magasinage. Il y a vraiment une ouverture pour ça ici. » Une nouvelle réjouissante, à l’heure où les choix écoresponsables s’imposent.