Aller directement au contenu

Femmes d’action, pour une meilleure justice environnementale

Tracer la voie

Date de publication :

Auteur路e :

Temps estimé de lecture :5 minutes

Les femmes sont touchées de façon démesurée par les problèmes environnementaux, selon de nombreuses d’études. Pour sattaquer à ces inégalités, des femmes à la tête de projets se battent pour faire bouger la société et assurer une meilleure justice environnementale au Québec comme ailleurs sur la planète.

En janvier 1998, la crise du verglas cause des dommages majeurs et plonge la moitié du Québec dans le noir pendant plusieurs jours. Parmi les personnes sinistrées, les femmes souffrent tout particulièrement de la situation. Elles sont plus exposées à la détresse psychologique et à la violence domestique. La crise génère beaucoup de stress, qui affecte notamment les femmes enceintes. Selon le Projet Verglas, une recherche d’envergure qui décrit les effets de ce stress prénatal sur cette génération d’enfants, la crise se répercute dans le développement physique, cognitif et comportemental des enfants.

L’incidence sur la vie des femmes

Un peu partout sur la planète, il est démontré que les catastrophes climatiques ont des répercussions décuplées sur les femmes. La violence à caractère sexuel a ainsi augmenté parmi les populations touchées par l’ouragan Katrina, qui a frappé la côte américaine en 2005. Au Bangladesh, des scientifiques ont établi que les pics de mariages précoces coïncidaient avec les inondations les plus importantes de 1998 et 2004.

Vulnérables aux effets du stress, les femmes enceintes souffrent aussi disproportionnellement des problèmes environnementaux comme la pollution ou l’exposition aux pesticides. Un rapport récent de l’American Lung Association révèle ainsi que la pollution atmosphérique peut notamment accroître le risque de développer un diabète de grossesse, réduire le poids du fœtus, induire une naissance prématurée ou augmenter le risque d’asthme chez l’enfant. L’étude souligne aussi les conséquences des incendies destructeurs des dernières années aux États-Unis sur la pollution de l’air et l’état de santé des femmes enceintes et de leur progéniture.

Virginie Gagnon, agente principale aux campagnes chez Oxfam-Québec

Dans les pays du sud, les effets environnementaux sur les femmes sont encore plus flagrants. « Les femmes sont les premières responsables de l’accès aux ressources naturelles, que ce soit l’eau ou le bois, illustre Virginie Gagnon, agente principale aux campagnes chez Oxfam-Québec.

Une sécheresse peut diminuer l’accès à l’eau, et les femmes vont devoir se rendre à un puits plus loin. Au lieu de leur prendre une heure pour aller chercher de l’eau, ça va leur en prendre deux. C’est du temps qu’elles ne passent pas à étudier ou à travailler. Elles s’appauvrissent et elles participent moins à la vie démocratique de la société. »

La crise environnementale et climatique qui secoue la planète a donc des incidences disproportionnées sur les femmes, mais aussi sur les communautés défavorisées, racisées et autochtones. Selon plusieurs, ces inégalités se creusent en raison de facteurs structurels nommés « injustices environnementales ». Pour remédier à cette situation, des organisations et des femmes leaders misent sur la justice environnementale.

L’environnement, un enjeu de justice

« Les questions environnementales sont indissociables des questions d’équité et de justice sociale », explique Léa Ilardo, analyste des politiques climatiques à la Fondation David Suzuki, qui signe le rapport Pour une justice environnementale québécoise : réalités, arguments, pistes d’action, publié en septembre par l’organisme.

« Plus la crise climatique va s’accélérer, plus les inégalités sociales inhérentes vont se creuser. Il est essentiel de réduire les inégalités sociales pour que toute la population ait les mêmes chances de s’adapter aux problèmes déjà présents et qui vont s’accentuer à l’avenir, poursuit-elle. Des mesures qui ne prennent pas en compte ces inégalités peuvent même avoir des effets inverses », dit-elle.

L’analyste spécifie que l’enjeu de la « maladaptation » est si important que le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) y a consacré un rapport en mars dernier. L’utilisation de systèmes d’air conditionné constitue un exemple de solution climatique à court terme qui ne profite temporairement qu’à une partie de la population – celle qui peut payer la facture – tout en amplifiant, par la combustion d’énergies fossiles, le réchauffement climatique.

Dans les pays du sud, les effets environnementaux sur les femmes sont encore plus flagrants.

« La question du genre reste un angle mort dans nos politiques de lutte contre les changements climatiques et d’adaptation à ceux-ci », clame Léa Ilardo. Pour mieux aborder les enjeux environnementaux dans toute leur complexité, elle suggère une approche des instances publiques qui soit plus intersectorielle et multidimensionnelle.

À l’instar de la Fondation David Suzuki, Oxfam-Québec lance aussi une campagne sur la justice climatique cet automne. « On veut recueillir des témoignages et des solutions, on veut que la voix des femmes soit entendue, pour porter cette parole aux leaders et aux représentant·e·s de la COP27 », explique Virginie Gagnon. Ces témoignages seront recueillis grâce à un projet de caravane qui va à la rencontre des principales intéressées. Avec ces efforts, Oxfam-Québec vise à montrer que la crise climatique touche démesurément les femmes et les jeunes dans les pays du sud, et que le secteur financier canadien participe au maintien de ces inégalités.

Des Rachel qui changent le monde

En 1962, la biologiste américaine Rachel Carson publie le livre Printemps silencieux, dans lequel elle tire la sonnette d’alarme face aux effets des pesticides. C’est l’une des étincelles qui donnent naissance au mouvement écologiste dans le monde. Soixante ans plus tard, les enjeux liés aux pesticides ont évolué.

Pour décrypter les multiples facettes relatives à l’usage des pesticides au Québec aujourd’hui, l’organisme Vigilance OGM, en collaboration avec Pivot Média, a lancé en septembre la série de balados Des Rachel qui changent le monde, une production qui souligne 60 ans de science, de nature et de lutte contre les pesticides.

À la barre du projet, Émilie Schwartz donne la parole à 10 femmes du Québec spécialisées dans divers domaines, allant de la biologie à la politique, en passant par la gestion de l’eau et le droit. « Ces femmes ont consacré leur carrière ou même leur vie à étudier et à encadrer les pesticides, ou à lutter contre eux, dit Émilie Schwartz. Il s’agit d’un hommage au travail de Rachel Carson, qui s’est fait décrédibiliser parce qu’elle était une femme. On voulait donner la parole aux femmes, et on espère qu’il y aura de l’écho! »