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Forum Génération Égalité : un signal fort de la Francophonie pour les droits des femmes

Les instances consultatives, des actrices essentielles

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Bandeau :Photo : Forum Génération Égalité

À grand évènement, grandes ambitions. À l’occasion du plus grand rassemblement féministe mondial depuis la Conférence de Pékin en 1995, le Forum Génération Égalité tenu à Paris du 30 juin au 2 juillet derniers, les pays et gouvernements de l’espace francophone ont décidé d’envoyer un signal fort.

Un an après le début de la pandémie qui a fait perdre « 30 ans de progrès sur l’égalité entre les femmes et les hommes », selon les mots de Delphine O, ambassadrice française et secrétaire générale du Forum Génération Égalité, il était nécessaire de passer de la parole aux actes.

Dans une démarche inédite, les instances consultatives chargées des droits des femmes dans 16 États et gouvernements de l’espace francophone ont défini ensemble 21 recommandations portant sur 3 thèmes : renforcer l’autonomisation économique des femmes, garantir l’accès de celles-ci aux sphères décisionnelles et conforter le rôle d’évaluation et d’alerte des instances consultatives.

L’ensemble de ces propositions a été rendu public lors du débat « La Francophonie au rendez-vous pour l’égalité avec les instances consultatives », présenté le 1er juillet dernier dans le cadre du Forum. Cette initiative a été proposée par le Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes (HCE), l’instance consultative française, et elle a été appuyée avec enthousiasme par l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), qui peine parfois à faire reconnaître ses efforts en matière d’égalité entre les femmes et les hommes.

Renforcer l’autonomisation économique des femmes

L’OIF a pourtant mis sur pied plusieurs programmes pour soutenir l’indépendance économique des femmes et l’entrepreneuriat féminin. Un fonds de solidarité, La Francophonie avec Elles, a notamment versé 3 millions d’euros en 2020, finançant ainsi 59 projets répartis dans 20 pays et gouvernements de l’espace francophone pour soutenir des femmes en situation de vulnérabilité. Autre outil mis en œuvre : le programme Les pionnières de l’entrepreneuriat francophone, qui soutient des PME portées par des femmes. « L’entrepreneuriat des femmes est un atout très important pour l’autonomisation économique », a souligné Vanessa Lamothe, conseillère stratégie et instances au cabinet de la Secrétaire générale de la Francophonie.

Virginie N’Dessabeka, directrice du Centre de recherche, d’information et de documentation sur la femme en République du Congo, va dans le même sens : parmi les recommandations adoptées, elle retient surtout celles visant à soutenir la création d’entreprises et l’accès des femmes aux financements et aux secteurs d’avenir. Mais pour atteindre ces objectifs, il est nécessaire d’accompagner les femmes en investissant dans la formation.

Dans cette veine, l’OIF entend lancer sous peu son programme D-Clic : formez-vous au numérique avec l’OIF, un projet qui vise à renforcer les capacités numériques des populations, un autre domaine où l’inégalité entre les femmes et les hommes est criante. « Le numérique est une opportunité car c’est un accélérateur de croissance et un levier de transformation économique », a expliqué Vanessa Lamothe.

Garantir l’accès des femmes aux sphères décisionnelles

Autre grande priorité : l’accès des femmes aux cercles du pouvoir. La pandémie a remis en lumière ce fameux plafond de verre auquel se heurtent les femmes. Dans 87 pays, dont 17 de l’Union européenne, les comités nationaux créés pour répondre à l’urgence sanitaire ont été dirigés à 85 % par des hommes, a rappelé Brigitte Grésy, présidente du HCE. En France, « on constate des progrès réels partout où il y a des dispositifs contraignants, c’est-à-dire des quotas ».

Cependant, ajoute-t-elle, les instances de pouvoir continuent encore d’échapper aux femmes dans l’Hexagone. Parmi les PDG des entreprises du CAC 40 – le principal indice boursier de la Bourse de Paris –, il n’y a que 3 femmes, tandis que 8 postes à la mairie sur 10 sont occupés par des hommes. On trouve toujours en France une majorité d’hommes dans les commissions parlementaires sur le budget ou les finances et, à l’inverse, beaucoup de femmes dans les travaux portant sur le care.

Au Québec « la représentativité des femmes dans les sphères décisionnelles est un cheval de bataille défendu par le Conseil du statut de la femme dans ses travaux et recommandations depuis quelques décennies », rappelle Me Louise Cordeau, C.Q., présidente de l’organisme. Une étape importante a été franchie en 2006 lorsqu’une loi sur la gouvernance des sociétés d’État a été adoptée. Le gouvernement du Québec s’était engagé à ce que tous les conseils d’administration (C.A.) de sociétés d’État soient constitués à parts égales de femmes et d’hommes à compter de l’année 2011. En cinq ans, la représentation globale des femmes au sein des C.A. de ces organismes publics est passée de 28 % à 52,4 %.

« Pour reprendre les mots de Kamala Harris, il faut faire de l’égalité entre les femmes et les hommes un pilier de la démocratie partout dans le monde.  »

Me Louise Cordeau, C.Q., présidente du Conseil du statut de la femme

C’est donc une très bonne nouvelle que l’ensemble des instances consultatives de l’espace francophone se soient mises d’accord sur l’instauration de quotas, se félicite Brigitte Grésy, une politique qu’elle juge essentiel de poursuivre. Une nouvelle loi sur l’instauration de quotas dans les comités de direction des entreprises est d’ailleurs actuellement en préparation en France.

Selon Vanessa Lamothe, la résistance des femmes à investir les postes de décision est aussi à mettre sur le compte de « la timidité des femmes qui réagissent de cette façon, car elles sont victimes de toutes ces pratiques de dénigrement. Les quotas sont une bonne chose, mais un accompagnement spécifique est aussi important ».

L’accès aux sphères décisionnelles est également un élément clé dans la résolution des conflits armés. L’OIF veille à ce que les femmes participent davantage aux processus démocratiques et de paix. Plus globalement, il faut poursuivre la lutte contre le sexisme structurel qui gangrène toutes les sociétés. En République du Congo, une réforme des manuels scolaires de mathématiques et de français en 2009 a intégré le concept de genre, a précisé Virginie N’Dessabeka au cours du débat. « Pour reprendre les mots de Kamala Harris, il faut faire de l’égalité entre les femmes et les hommes un pilier de la démocratie partout dans le monde », résume Louise Cordeau.

Accroître le rôle des instances consultatives

Renforcer les mécanismes institutionnels en faveur de l’égalité constitue la troisième grande priorité pour les pays et gouvernements de l’espace francophone. Car les organismes consultatifs nationaux voués à l’égalité entre les femmes et les hommes « jouent un rôle essentiel dans l’accompagnement et le développement des politiques publiques », a déclaré Louise Cordeau lors du panel. D’autant que la pandémie a mis en lumière l’importance du rôle de vigie de ces instances.

« Il faut lever la méfiance à l’égard de nos instances et accélérer leur visibilité », a souligné Virginie N’Dessabeka. « Il y a une ligne de crête à tenir : être impertinent, jouer le rôle d’aiguillon tout en se faisant écouter », a renchéri la présidente du HCE. Consciente des difficultés que connaissent nombre d’instances, Brigitte Grésy salue les recommandations communes qui ont été adoptées : créer des instances pérennes en garantissant leur indépendance, leur donner la capacité de fonctionner avec des moyens humains et financiers, sachant par exemple que les membres du HCE sont tous bénévoles. Enfin et surtout, renforcer les synergies entre les pouvoirs publics et la société civile.

L’initiative des pays et gouvernements francophones ne compte pas s’arrêter là, comme l’a rappelé Mme Grésy au terme du panel. « Nous voulons continuer à nous entraider et à approfondir ce partage d’expériences et d’expertises. »