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Perspective jeunesse : l’égalité de Justine Martin

Briller par ses valeurs

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Temps estimé de lecture :3 minutes

Diplômée de l’Université Concordia en cinéma, Justine Martin est une jeune scénariste et réalisatrice de 24 ans établie à Montréal. Le rapport à l’enfance, le féminisme et la conscientisation environnementale sont des thèmes qui teintent ses récits. En 2022, elle réalise Oasis, un premier court-métrage documentaire remarqué notamment au Festival du nouveau cinéma de Montréal, au Festival international du film documentaire d’Amsterdam et au Festival international du film documentaire et du film d’animation de Leipzig. Le film a également reçu le Prix collégial du cinéma québécois dans la catégorie court-métrage (2023). Justine travaille aujourd’hui au développement de prochains films de fiction et s’intéresse à la façon de raconter des histoires, toujours dans une perspective intersectionnelle et inspirée de ses expériences vécues.

Je pense souvent à la place des femmes en cinéma quand je roule à vélo à la tombée de la nuit. La sensation de liberté que me procure la vitesse à laquelle je file me donne l’immédiate impression que nous avons la vie devant nous, que nous sommes prêtes à réaliser le plus grand des films. Je nous imagine faire de grands discours devant un auditoire exalté, une main en forme de poing levé et, dans l’autre, un trophée.

Ma promenade terminée, je reviens rapidement à ma réalité, conjuguant ce sentiment de certitude au contexte dans lequel je baigne : celui d’une femme en cinéma.

La force du nombre

Depuis plus de deux ans, j’ai la chance de faire partie des rangs de Réalisatrices Équitables et j’aimerais m’attarder un instant sur la valeur inestimable d’une organisation comme celle-ci dans notre communauté. Chaque année, les femmes de ce groupe rapatrient, analysent et révèlent au grand jour les dernières données fournies par les institutions : pourcentage de projets financés qui seront réalisés par des femmes, pourcentage de projets soumis par des femmes, représentations paritaires à l’écran, et j’en passe. Avec la lutte constante que mène Réalisatrices Équitables depuis des années, on peut maintenant clamer avoir atteint la zone paritaire quant au nombre de projets accordés aux réalisatrices québécoises. C’est un progrès précieux.

Pourtant, ce combat est à renouveler tous les ans, devant l’inquiétude qui plane au-dessus de nous de ne pas voir assez de réalisatrices s’émanciper. Car même si nos luttes vont bon train, la présence des femmes en cinéma est encore précaire, et le recul de notre progrès une menace bien visible. À grande échelle, nous assistions par exemple cette année à la cérémonie des Oscar sans aucune réalisatrice en nomination…

C’est peut-être ce que je trouve le plus dur. Savoir que nous avons notre place, mais qu’elle n’est que difficilement acquise. Autant dans l’industrie que sur un plateau de tournage, la pression est sentie : ne pas trop montrer qu’on doute, ne pas être trop froide ni trop douce, ne pas craquer… Ce sentiment étrange me rappelle constamment que notre place est fragile et qu’il est primordial de nous serrer les coudes pour la protéger.

Mais l’espoir demeure. J’ai eu la chance cette année de visiter plusieurs festivals et de rencontrer des gens de l’industrie qui ont posé sur moi un regard doux, bienveillant et tourné vers des convictions palpables. J’assiste à la fondation d’une sororité forte, à l’apparition d’une écoute qui nous donne le droit de prendre notre place, de valider notre existence en tant que réalisatrices et de pouvoir imaginer nos horizons dans un milieu difficile, mais possible.

J’espère seulement que bientôt, je pourrai retrouver le sentiment utopiste de mes balades à vélo, même quand je ne pédale pas.

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