Le sexisme et les violences genrées sont encore bien présents dans le milieu culturel et littéraire du Québec. J’ai décidé de discuter de quatre manifestations de ces violences afin d’illustrer l’ampleur et la diversité de formes qu’elles peuvent prendre, bien qu’elles ne représentent malheureusement qu’une partie de la réalité.
1. Pendant les années où j’ai travaillé en librairie, avec la merveilleuse équipe de la Librairie Pantoute à Québec, j’ai été témoin à de nombreuses reprises de la dévaluation du savoir et des connaissances de mes collègues femmes. Je pense à une collègue en particulier, qui est experte en bandes dessinées et en romans fantastiques, et qui s’est souvent retrouvée face à des clients qui ne voulaient pas de ses conseils. Ces clients voulaient absolument se faire conseiller par un homme, même si celui-ci s’y connaissait beaucoup moins. Nombre de mes collègues ont également subi des avances et commentaires déplacés ou répétitifs de la part de clients.
2. Les femmes, personnes non binaires et autres minorités de genre de la sphère littéraire sont elles aussi victimes de violences sexuelles. Après la vague de dénonciations #MeToo dans nos rangs à l’été 2020, une lettre de revendications et de solutions pour contrer les abus de pouvoir et les violences sexuelles et genrées a été rendue publique. Les signataires dénoncent notamment ces violences, qui y sont « répandues, protéiformes, banalisées et tacitement acceptées », et la culture du silence qui sévit dans le milieu. Ils et elles appellent éditrices, éditeurs, programmeuses et programmeurs littéraires à « réfléchir à la cohabitation de victimes et d’agresseurs au sein de leur catalogue, de leurs lancements et de leurs événements littéraires [et à] trouver une solution qui tienne compte des besoins des victimes ».
3. Les femmes et personnes queers noir·e·s, autochtones ou racisé·e·s, qui critiquent des décisions de certains acteurs du milieu ou qui dénoncent le racisme systémique, font souvent face à beaucoup de violences et de harcèlement de la part d’autres membres du milieu ainsi que de lecteurs et de lectrices. Plusieurs reçoivent régulièrement des insultes et des menaces, publiquement et en privé, parfois au point de les forcer à quitter les réseaux sociaux.
4. Ce n’est pas un secret : le travail d’auteur·e est extrêmement précaire. Plusieurs doivent prendre un, deux ou trois emplois supplémentaires pour subvenir à leurs besoins. Hélas, de nombreuses organisations et personnes du milieu demandent tout de même du travail non rémunéré aux artistes. Cette barrière supplémentaire empêche plusieurs femmes et minorités de genre racisé·e·s de percer dans le domaine, bien qu’elles gagnent en moyenne moins que les hommes et que les femmes blanches. Par ailleurs, les échéanciers des projets ne sont pas toujours construits de façon à concilier les différents rôles que les artistes jouent au sein de la société (parents, étudiant·e·s, travailleur·euse·s, enseignant·e·s, proches aidant·e·s…), ce qui peut limiter la participation, le rayonnement et l’épanouissement de plusieurs.