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À moto toutes!

L’audace des femmes sur deux roues

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Temps estimé de lecture :5 minutes

Photo : unsplash.com

En 2012, le magazine Gazette des femmes consacrait un article à la place des femmes à moto sur les routes du Québec. Elles étaient alors environ 75 000. Onze ans plus tard, selon les chiffres fournis par la Société de l’assurance automobile du Québec, ce nombre est passé sous la barre des 69 000. Cela dit, la proportion de femmes titulaires d’un permis de classe 6 est restée la même, à plus ou moins 15 %. Plus nombreuses? Non. Plus impliquées? Certainement.

Catherine David a écrit et animé la série Filles de moto présentée sur Unis TV. Elle a également coécrit les livres Liberté, asphalte et légendes – 100 ans de moto au Québec et Pleins gaz! – La petite histoire de la moto. Figure bien connue dans l’univers des deux-roues, Catherine ne doute pas une seconde de l’engagement des femmes dans le milieu.

« Aujourd’hui, il n’y a aucune raison pour qu’une femme s’empêche de faire de la moto. Dans mes projets en lien avec la moto, j’ai rencontré des femmes de partout. Toutes avec des histoires uniques et inspirantes. Celle qu’on voulait comme passagère est maintenant passée au guidon. Elle a le goût de l’aventure, il n’y a plus de frontière pour elle. »

Toutefois, la scénariste et autrice change de ton et se permet d’ajouter que si les femmes ont graduellement fait leur place dans le monde de la moto, au Québec comme ailleurs en Occident, il reste que la route n’est pas gagnée partout. Plusieurs pays interdisent encore aux femmes de piloter une moto.

« Ici, la moto évoque la liberté. C’est une image forte, être libre sur une moto. Mais ce concept n’est-il pas plutôt associé au luxe du loisir? À certains endroits dans le monde, la moto est une question de survie puisque c’est le seul moyen de transport abordable. Et dans d’autres, c’est carrément interdit aux femmes », nuance-t-elle.

Se regrouper : la force du nombre

C’est d’ailleurs Catherine David qui a soumis la candidature d’Hélène Boyer pour son intronisation au panthéon canadien de la moto. Première Québécoise et deuxième Canadienne à y faire son entrée, la motocycliste présente une feuille de route fort impressionnante.

Celle qui a signé pendant cinq ans des chroniques moto hebdomadaires dans le Journal de Montréal confie que son désir d’avoir une moto remonte à l’adolescence. Mais elle se heurte rapidement au refus de ses parents. Ce n’est que plusieurs années plus tard, après avoir réalisé deux fois l’exigeante course Rallye Aïcha des Gazelles, qu’elle décide enfin d’acheter sa première moto : une Kawasaki rouge. « À cette époque, il y avait très peu d’équipement pour femmes. Ça en disait long sur la place des femmes dans le monde de la moto. La seule option était de porter du small pour homme », se souvient Hélène Boyer.

« Celle qu’on voulait comme passagère est maintenant passée au guidon. Elle a le goût de l’aventure, il n’y a plus de frontière pour elle. »

– Catherine David

Présidente de l’Association des femmes motocyclistes du Québec pendant de nombreuses années, elle se réjouit de voir l’émergence de plusieurs regroupements de femmes motocyclistes ces dernières années, comme l’organisation internationale The Litas, dont plusieurs chapitres sont bien établis au Québec. Les événements moto destinés à la clientèle féminine se sont aussi multipliés. Peu importe l’âge des femmes ou le nombre de saisons d’expérience au guidon, elles sont des centaines à se donner rendez-vous, année après année, à des rassemblements spécialement consacrés aux femmes au Canada, aux États-Unis et ailleurs.

Sur la route

Samantha et Viktor Radics ont créé l’initiative événementielle The Moto Social à Toronto en 2013. Ces rassemblements mensuels axés sur la culture moto se tiennent aujourd’hui sous cette bannière dans plusieurs villes du monde. Selon les Radics, le nombre de femmes présentes à leurs événements est en forte croissance. « De toutes les villes que nous visitons, Montréal, Toronto et Los Angeles sont celles où nous retrouvons le plus de femmes », note le couple.

À une certaine époque, le monde de la moto pouvait sembler peu accueillant, mais Samantha et Viktor rappellent que les choses ont bien changé. « La communauté moto n’est plus la même, elle est peut-être même plus ouverte et inclusive aujourd’hui. » Si cette inclusivité se remarque sur la route, on la voit aussi chez les concessionnaires et dans les ateliers mécaniques, deux châteaux forts masculins où les femmes font graduellement leur place.

Conseillé·e par une femme

Maggy Michaud affiche un parcours sans faute chez un concessionnaire bien connu de la Rive-Sud, dans la région de Montréal. Elle a débuté comme assistante au département de service, puis comme conseillère au service. C’est elle qui recevait la clientèle à la recherche de solutions à ses problèmes mécaniques.

Maggy Michaud

D’ailleurs, certains clients ne cachaient pas leur surprise de retrouver une femme derrière le comptoir. « Il y a des moments où ça a été plus difficile. Je viens du domaine de l’automobile, j’ai toujours été dans des métiers non traditionnels pour les femmes. Je me suis sans doute fait une carapace avec le temps, même si en tant que femme, on sent parfois qu’on a moins le droit à l’erreur. »

Étape par étape, Maggy a gravi les échelons, jusqu’à ce qu’on lui propose, fin 2022, d’occuper le poste de directrice générale. La nouvelle a été très bien reçue par l’équipe. En toute humilité, cette femme ambitieuse admet tout de même avoir été surprise par l’offre, même s’il s’agissait pour elle d’une suite logique. « Mon ancien patron m’avait demandé où je me voyais dans quelques années. Je savais qu’il songeait à prendre sa retraite, alors j’ai répondu que je m’imaginais à sa place. Je suis entrée ici en 2007 et je m’y vois encore longtemps. »

Avec Maggy Michaud à sa tête et de plus en plus de femmes dans l’équipe, l’endroit souhaite devenir la référence féminine dans le monde de la moto. C’était d’ailleurs la volonté de son fondateur, Léo Bouchard, qui, pendant des années, a encouragé plusieurs femmes à délaisser le rôle de passagère pour passer aux poignées.

Annie Martel, directrice du marketing au même endroit, rappelle que certaines marques ont bien compris l’importance de faire une place pour les femmes. Par exemple, dans son plan stratégique de 2018, l’américaine Harley-Davidson insistait sur son désir de conquérir le marché féminin puisque selon elle, « l’avenir de la moto passe par les femmes ».

À celles qui hésitent encore, à celles qui ont peur, les propos de Catherine David, Hélène Boyer, Maggy Michaud et Annie Martel s’unissent d’une seule voix : « Osez. Foncez. Faites-vous confiance. Il y aura toujours quelqu’un pour vous aider. Vous ne serez jamais seule. » Préparez-vous à vivre une expérience sensationnelle, promettent ces quatre femmes de tête.

* L’auteur de ce texte a coécrit les livres Pleins gaz! et Liberté, asphalte et légendes. Il a aussi coscénarisé la série Filles de moto.

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