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Loisirs et sports : des plafonds de verre persistent

Exercer l’équité

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Le monde du sport a longtemps ignoré les femmes. Au 19e siècle, les compétitions et les clubs étaient réservés aux hommes. À cette époque, certains médecins s’opposaient fermement à la participation des femmes, arguant qu’elles étaient fragiles ou que cela pouvait nuire à leur fertilité. Encore aujourd’hui, des échos de ces idées résonnent et entravent leur inclusion. Heureusement, le Québec compte sur des organismes clés pour renverser la vapeur. C’est le cas notamment d’Égale Action, Fillactive et Femmes en loisir, qui font un travail essentiel pour améliorer l’engagement et la représentation des filles et des femmes dans les loisirs et les sports.

Malgré les nombreux gains, le sport et le loisir demeurent encore trop souvent des chasses gardées masculines. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en 2021, uniquement 38 % des filles atteignent le niveau recommandé d’activité physique, comparativement à 56 % des garçons, selon l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes.

Une enquête menée auprès de 208 élèves du secondaire dans la région de Québec révèle aussi que seulement 33 % des filles se sentent compétentes en éducation physique, contre 77 % des garçons, et qu’un plus grand nombre de garçons apprécient les cours d’éducation physique.

Les disparités persistent à l’âge adulte : les données québécoises montrent que les femmes sont moins enclines que les hommes à atteindre les 150 minutes d’activité physique hebdomadaire recommandées. Dans le contexte fédéral, les filles et les femmes ne représentent que 36 % des athlètes au sein des fédérations sportives.

L’organisme Femmes et sport au Canada identifie notamment les faibles revenus, le fait de résider en milieu rural, l’origine ethnoculturelle ou une situation de handicap comme facteurs d’influence sur la participation sportive des filles et des femmes. Mais les stéréotypes de genre seraient eux aussi en cause.

Stéréotypes et hiérarchisation

Le mythe de la femme fragile et de la force masculine, ou la croyance qu’il existerait des sports « masculins » ou « féminins » sont autant d’a priori qui contribuent à perpétuer l’infériorisation des femmes. Au chapitre du sport professionnel, on observe une valorisation inégale des sexes, entre autres par l’imposition de règles différentes dans les sports féminins, limitant comparaisons et performances. L’exemple des tournois du Grand Chelem de tennis est probant : les hommes doivent remporter trois manches sur cinq et les femmes, seulement deux sur trois.

Le gouvernement, les municipalités, les organismes de loisir et la société en général ont beaucoup à faire pour que l’égalité des hommes et des femmes dans l’accès au loisir soit autre chose qu’une vaine affirmation de principe. Mais si on tient à “prendre notre temps” comme on l’entend, il va falloir y mettre du nôtre aussi.

– Gagnon, Camille (1980). Dossier « Les femmes et les loisirs. Faites vos jeux! ».
Gazette des femmes, vol. 2, no 3, p. 9.

Des inégalités frappantes existent aussi dans la répartition des ressources matérielles et financières entre sports masculins et féminins. La couverture médiatique du sport féminin, bien inférieure à la couverture masculine, contribue notamment aux disparités de revenus entre athlètes.

En 2021, seules deux joueuses de tennis figurent parmi les 50 athlètes les mieux rémunéré·e·s. En 2019, la Ligue canadienne de hockey féminin offrait entre 2 000 $ et 10 000 $ par saison aux joueuses, tandis que la Ligue nationale de hockey proposait une rémunération minimum de 650 000 $ à ses joueurs.

Les postes de direction dans le sport sont également peu accessibles aux femmes, qui doivent affronter nombre de biais sexistes pour être reconnues. Les données de la Chaire Claire-Bonenfant de l’Université Laval montrent qu’en 2019, au Québec, les femmes occupent seulement 28 % des postes d’organismes sportifs, de plein air et de loisir. La sécurité des femmes dans le sport est aussi une priorité, avec des taux alarmants de violences et d’abus qui ciblent spécifiquement les athlètes féminines.

À lire : l’étude du Conseil du statut de la femme Femmes et sport – Constats et enjeux

Des organismes qui transforment le paysage sportif

Égale Action

Malgré un paysage parfois peu reluisant, le Québec peut compter sur des organismes engagés depuis des décennies pour renverser cette dynamique.

Sylvie Béliveau, directrice de l’équité en sport et cofondatrice d’Égale Action

Parmi ceux-ci, Égale Action vise à promouvoir l’équité dans le sport au Québec. Fondée en 2001, l’organisation offre des formations destinées aux femmes et aux filles, encourage les communautés de pratique et soutient financièrement des projets pour renforcer leur implication et leur leadership. L’organisme conseille aussi les organisations sportives pour favoriser l’inclusion féminine.

Sylvie Béliveau, directrice de l’équité en sport et cofondatrice d’Égale Action, révèle que son engagement trouve racine dans l’absence de ressources et le besoin de changement. « Égale Action m’habite comme j’habite Égale Action. Au départ, c’est venu de mon initiative personnelle… devant l’absence de ressources pour travailler le volet femmes et sport, autant en matière de leadership que de participation. J’ai vécu certains abus, autant psychologiques que physiques, et malheureusement, ces expériences négatives se produisent encore.

Les communautés de pratique misent en place par Égale Action permettent entre autres d’offrir un environnement sécuritaire pour les femmes, en plus de leur offrir un réseau de contacts. « C’est un lieu où chaque personne est invitée à penser, à vivre et à partager comment elle se sent. On trouve collectivement des solutions aux défis posés dans les milieux. Ce qu’on observe, c’est que les femmes y gagnent en confiance et en assurance », explique Sylvie Béliveau.

Fillactive

Depuis sa création en 2007, Fillactive a transformé le sport scolaire en sensibilisant plus de 220 000 adolescentes à l’activité physique. Son approche novatrice – une équipe multisport non compétitive pour les filles de 12 à 17 ans – vise à lutter contre la sédentarité et à créer une expérience positive.

Geneviève Leduc, conseillère principale aux programmes et spécialiste de l’activité physique chez les adolescentes, souligne la nécessité de promouvoir l’activité physique pour le bien-être global des adolescentes, et de dépasser les stéréotypes nocifs associés à l’image corporelle. « Notre objectif ultime, c’est que les filles se sentent mieux dans tous les contextes où elles ont l’occasion d’être actives, y compris le cours d’éducation physique et à la santé. »

En offrant des ressources aux écoles, Fillactive crée ainsi un environnement favorable à la pratique d’activités physiques saines, sans jugement et dans la bienveillance.

« Les écoles aiment rayonner avec leurs équipes compétitives. Malheureusement, ça se fait parfois au détriment de la participation de la masse. Ce qu’on cherche à faire à Fillactive, c’est proposer autre chose pour les ados qui ne se reconnaissent pas dans l’offre traditionnelle. On veut transformer les milieux scolaires. Tout le monde retire tellement de bienfaits de l’activité physique, autant sur le plan de la santé physique que du bien-être émotionnel. Et les adolescentes en ont particulièrement besoin », poursuit Geneviève Leduc.

Femmes en loisir

Au cœur du secteur du loisir, l’organisme Femmes en loisir s’engage à répondre à un enjeu crucial : la sous-représentation des femmes dans les postes de gestion et aux conseils d’administration.

Porté par le Conseil québécois du loisir et soutenu par le Secrétariat à la condition féminine, le programme Femmes en loisir offre un ensemble d’autoformations gratuites accessibles en ligne. Il aspire à équiper les gestionnaires, les responsables d’équipe et toute personne désireuse de promouvoir l’égalité, l’accessibilité et l’inclusion au sein de leur structure.

De plus, Femmes en loisir a récemment déployé un réseau de mentorat qui favorise les échanges entre les professionnelles expérimentées et celles de la relève.

Béatrice Lavigne, coordonnatrice des programmes à Femmes en loisir, s’est impliquée à la fois dans le monde du sport et du loisir. Son expérience professionnelle – et personnelle! – dans le milieu lui a permis d’y observer le traitement différencié que reçoivent trop souvent les hommes par rapport aux femmes.

« J’ai l’impression qu’un peu partout où j’ai été, il fallait toujours faire sa place en tant que femme et jeune femme. Les gens ne nous accordent pas forcément de crédibilité, malgré nos compétences. Ils se fient souvent à ce qu’ils perçoivent, comme le genre et l’âge. Les hommes ne se font pas autant remettre en question, il y a une pratique du double standard qui existe encore. »

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