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Une pour toutes, toutes pour une!

Sortie de crise, égalité et justice : un mouvement qui repose sur l’inclusion

Date de publication :

Auteur路e :

Bandeau :Photo : © Alexandre Paskanoi

En 2018, lors des élections provinciales, on a élu 52 députées! Un record! Et la moitié du cabinet de Justin Trudeau est composé de femmes ministres. Avant la COVID-19 (maintenant, on ne dira plus « avant ou après J.-C. »), atteindre la parité entre les femmes et les hommes était le mandat « quasi suprême » des grandes entreprises. Le mot parité était sur toutes les lèvres. Jusqu’au jour, où les paroles prophétiques de Simone de Beauvoir ont refait surface : « N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant. » Il n’a fallu qu’une crise pour bousculer la parité!

Le confinement a exacerbé les inégalités, exposant ainsi la fragilité de la place et du rôle de la femme au foyer, qui sont loin d’être acquis. Les chiffres concernant la violence faite aux femmes ont bondi. Les femmes sont également surreprésentées dans le milieu de la santé et travaillent dans de mauvaises conditions. Je lisais dans Le Monde qu’en France, 70 % du travail familial et domestique est assumé par des femmes. À tout cela s’ajoute la charge mentale que nous subissons toutes. Je comprends mieux pourquoi je tolère que mon ado se réveille en après-midi : ça fait du bien à ma santé mentale!

Minorité visible, invisible

Imaginez, maintenant, vivre tout ça en tant que femmes noires!

Une étude réalisée, aux États-Unis, par l’organisme à but non lucratif de Sheryl Sandberg, Lean In, confirme qu’elles sont les plus durement touchées par la crise. En effet, 54 % d’entre elles ont déclaré faire face à des défis économiques contre 31 % des femmes blanches. Lorsqu’on leur a demandé combien de temps elles pourraient survivre (en d’autres termes, payer le loyer et l’épicerie) si elles perdaient leur revenu, 34 % ont répondu « moins d’un mois », contre 25 % des femmes blanches.

« La personne la moins respectée en Amérique est la femme noire. La personne la moins protégée en Amérique, c’est la femme noire. La personne la plus négligée en Amérique, la femme noire. »

– Malcolm X

Ce fait est véridique tant en France qu’au Royaume-Uni, aux États-Unis ou même au Canada. Les femmes noires sont celles qui sont les plus impactées par la COVID-19 pour des raisons économiques et sociales.

Beaucoup sont infirmières, d’autres occupent des postes précaires dans les services essentiels, tels que caissières ou préposées à l’entretien ménager ou dans le milieu de la santé… Selon Alain Croteau, président du Syndicat des travailleuses et des travailleurs du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, « les emplois de préposé·e·s aux bénéficiaires – dont plusieurs ont critiqué les conditions de travail peu enviables – sont [majoritairement] occupés par des femmes afro-descendantes, africaines et maghrébines. »

À défaut d’études sur les inégalités que vivent les femmes noires, la COVID-19 met au grand jour ce que plusieurs militant·e·s et organismes ont toujours dénoncé. Par exemple, les disparités salariales. Les récents chiffres de Statistique Canada ont démontré qu’à Montréal, les femmes noires gagnent en moyenne 30 700 $ alors que leurs concitoyennes blanches touchent 39 150 $.

Autre point à souligner : leur statut social. En effet, quelques milliers d’entre elles, sont des demandeuses d’asile qui prennent soin de nos personnes âgées en mettant leur vie et celle de leur entourage en péril. C’est également au sein des communautés noires qu’on trouve un nombre plus élevé de mères monoparentales. Tous ces éléments, et d’autres encore, nous permettent de mieux comprendre la vulnérabilité de ce segment de la population féminine québécoise. Ainsi, les femmes afro-québécoises qui se retrouvent en première ligne pour combattre le coronavirus sont parmi les premières à tomber.

Alliées

Mon projet de société est de faire en sorte que nous évoluions dans un espace inclusif. Dans le respect et la compréhension de nos différences. Et, où nous serions tous égaux.

D’ici là, je souhaite que cette crise provoquera une transformation sociale qui fera émerger un vent de solidarité féminine. Si nous défendons la cause des femmes, nous devrions prêter notre voix à TOUTES les femmes. Si nous sommes motivées par l’égalité et la justice, nous devrions être indignées devant le traitement réservé aux réfugiées qui, en attendant, ne vivent pas sur le bras du gouvernement, mais travaillent à prendre soin de nos parents. Nous devrions lutter, côte à côte, pour l’équité salariale de toutes les femmes.

Il est vrai que ma mission actuelle est de mettre en lumière des femmes noires qui brillent dans l’ombre, et de contribuer à leur émancipation en les incitant à s’engager et à s’impliquer dans la société québécoise. Mais comme le dit Angela Davis : « Lorsque les femmes noires remportent des victoires, il s’agit d’une victoire pour tous les segments de la société. » L’essor du mouvement féministe québécois repose assurément sur l’intersectionnalité et sur l’inclusion.

Née à Montréal et d’origine haïtienne, Dorothy Rhau s’est fait connaître en tant que première femme noire humoriste francophone au Québec et au Canada. Depuis juillet 2018, elle se concentre sur son implication dans la société, notamment comme présidente de l’organisme à but non lucratif Audace au Féminin, dont l’objectif est de contribuer à l’émancipation et à l’autonomisation sociale et économique de la femme noire. Elle a également créé, en 2016, le Salon international de la femme noire (SIFN), un nouveau projet d’entrepreneuriat social. Dorothy Rhau s’est récemment jointe à l’équipe de Danielehenkel.tv comme chroniqueuse.