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Les soeurs en montre!

Avouons-le: la perspective de visiter le musée d’une communauté religieuse ne suscite pas toujours l’enthousiasme fou.

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Avouons-le : la perspective de visiter le musée d’une communauté religieuse ne suscite pas toujours l’enthousiasme fou. Eh bien! mal nous en prend parce qu’une fois le seuil franchi, on se laisse vite séduire au jeu de la découverte. Rien d’étonnant : ces endroits évoquent non seulement la vocation de ces remarquables femmes, mais font aussi affleurer un Québec disparu. Bref, c’est aussi notre histoire.

Pousser la porte massive du musée des Ursulines propulse déjà quelques siècles en arrière. C’est cette porte-là exactement que Madame de la Peltrie, la fondatrice « matérielle » de la congrégation en Nouvelle-France, ouvrait jadis chaque jour pour entrer chez elle.

En 1639, des Ursulines de France débarquent à Kébec avec en poche une lettre patente frappée du sceau de Louis XIII confirmant leur mission : éduquer les filles des premiers Français d’ici et les Amérindiennes. Leur apprendre à lire, écrire, compter, jouer de la viole et chanter, comme toute « demoiselle respectable ». Ce document, on peut encore le déchiffrer au rez-de-chaussée du musée. A l’étage de la vieille demeure de pierre, des volumes anciens voisinent harpe, cithare, mandoline, et des ouvrages de broderie reposent non loin d’une volumineuse sphère céleste. Dans un coin, d’émouvants vêtements de poupée; le temps passe, les petites filles restent les mêmes…

Mais la vie n’était pas toujours rose au temps béni des colonies. Suspendus aux murs, des extraits de la correspondance de Marie de l’Incarnation, la fondatrice « spirituelle », en témoignent; elle y fait par exemple allusion au froid contre lequel il est fort difficile de lutter, dedans comme dehors!

Le musée propose aussi l’art français et canadien du temps : des peintures, de l’ébénisterie, des sculptures et des pièces d’orfèvrerie à faire rêver, de splendides parements d’autel tissés de fils de soie, d’or et d’argent. L’un d’eux, serti de pierres précieuses, a exigé sept ans de persévérance à autant de religieuses!

Un conseil, qui vaut d’ailleurs pour l’ensemble de ces musées : s’y rendre le matin ou aux heures de moindre affluence, l’esprit des lieux vous imprégnera davantage à l’abri de la foule.

La petite pièce vitrée

En 1639, les Ursulines ne sont pas descendues seules du bateau; trois Augustines étaient également du voyage. Peu de temps après, elles ouvriront l’Hôtel-Dieu de Québec, le plus ancien hôpital d’Amérique du Nord. Dans la grande salle claire qui abrite le musée des Augustines de l’Hôtel-Dieu de Québec, des maquettes illustrent l’évolution du monastère et de l’hôpital. Des toiles de Théophile Hamel ou d’Antoine Plamondon attirent le regard tout comme ces vases sacrés exécutés par François Ranvoyzé et de superbes ornements liturgiques. Mais ce qui attise la curiosité, c’est la petite pièce vitrée là-bas au fond…

On s’y retrouve entouré d’anciens objets de pharmacie et de médecine qui rappellent la raison d’être de cette communauté : soigner. Frissons garantis à la vue des lancettes pour la saignée, des clés pour l’extraction des molaires et autres instruments du genre : de quoi apprécier sincèrement les progrès de la médecine. Derrière les vitrines d’une armoire, une enfilade de magnifiques pots d’apothicaires en faïence bleue de Rouen.

Reprisage social

Le récent musée Bon-Pasteur-un an à peine-remporte la palme de l’aménagement. Sa conception facilite l’apprentissage et présente de manière dynamique le rôle passé et actuel de la communauté qu’une veuve de Québec, Marie Fitzbach, fondait en 1850 : les Servantes du Cœur Immaculé de Marie, mieux connues sous le nom de Sœurs du Bon-Pasteur de Québec. Des montages-photos racontent qu’elle et ses consœurs travaillèrent d’abord à la réintégration sociale des prisonnières. Une vidéo explique l’évolution sociale de la congrégation.

A l’étage, une série de petits lits de fer : les sœurs du Bon-Pasteur ont ouvert la première crèche à Québec. Lorsqu’elle ferme ses portes en 1972, près de 39. 000 enfants y auront été accueillis. Au fond, un îlot recrée une salle d’école parce que les sœurs se sont aussi préoccupées d’éducation. Plus haut, à côté des œuvres des artistes, une chapelle toute neuve s’illumine des bleus, ors et azurs d’un vitrail de Marcelle Ferron. A la sortie du musée, une carte immense souligne que des groupes de sœurs du Bon-Pasteur poursuivent leur action sociale au Lesotho, au Brésil, en Haïti et au Rwanda où elles luttent notamment contre la prostitution. si vous croyez toujours, comme plusieurs, que les sœurs du Bon-Pasteur ne font que du « reprisage invisible »… il est temps de venir sur place vous remettre à jour.

Canif et broderies

A Nicolet, le musée historique des Sœurs de l’Assomption de la Sainte Vierge contient entre autres des éventails japonais et des pièces d’artisanat d’Amérique du Sud. Explication : cette congrégation œuvre aussi au Japon, au Brésil et en Équateur.

Dans l’espace ouvert consacré au musée, les souvenirs des quatre fondatrices s’entremêlent à une foule d’objets et de meubles, dons des parents, d’amis et de bienfaiteurs de la congrégation. Parmi ces pièces, deux fauteuils italiens du début du siècle que le musée des Beaux-Arts de Montréal a même voulu acquérir… sans succès! Ailleurs des habits d’époque alternent avec des ouvrages patinés là, sur la table, un instrument utilisé pour le plissage des cornettes. Toutes choses un peu oubliées qui intriguent, amusent, touchent. Quelques imprévus : un morceau de la vitre (très épaisse merci! ) de la « Papemobile », cette dernière ayant été usinée par le neveu d’une religieuse, ou encore le canif du philosophe français Teilhard de Chardin, offert par un ami de la communauté. Encore ici, de riches peintures à l’aiguille ou de mignonnes broderies d’écolières… rappelleront sûrement à quelques-unes des heures de dur labeur! Ne jamais hésiter à faire, si possible, une visite avec guide. Oui, c’est un peu plus long, mais les renseignements valent ces quelques minutes en extra, il suffit parfois d’un tout petit commentaire pour donner vie à l’inanimé.

L’esprit des Hospitalières

La plus ancienne des communautés fondées à Montréal, celle des Hospitalières de l’Hôtel-Dieu, est logée dans un immeuble ultramoderne construit à l’occasion du 350e anniversaire de Montréal. Il abrite un trésor comptant plus de 7000 objets et manuscrits dont une fraction seulement sert à illustrer l’évolution de la communauté et du premier hôpital montréalais. Le fameux escalier de l’Hôtel-Dieu de La Flèche témoin des premières années de la communauté qui a vu le jour en France, est la pièce maîtresse du musée. Il faut absolument assister à la projection vidéo pour s’approcher, ne serait-ce qu’un peu, de l’esprit qui guide les Hospitalières.

Le caractère scientifique de l’exposition a presque accentué le charme et le romantisme de la collection qui se dévoile, en particulier, à travers les objets rattachés au culte et les très impressionnants reliquaires, dont le cercueil de verre où est exposé un saint Félix en cire datant de 1865. A travers l’histoire de l’Hôtel-Dieu, on aborde une facette inédite de l’évolution de Montréal, de la médecine et de la formation des infirmières. Il faut visiter ce musée, ne serait-ce que pour y admirer la reconstitution du cloître et, à travers lui, assister à l’entrée des vierges en religion et les voir vivre, partagées entre les exercices religieux et le service hospitalier.

La Ferme de Saint-Gabriel

Bien que l’histoire de la Congrégation de Notre-Dame soit associée à celle de l’enseignement primaire et secondaire à Montréal, au Québec et ailleurs en Amérique du Nord, ce n’est pas spécifiquement cette fonction sociale qui est mise en relief à la Ferme Saint-Gabriel. Obligées de subvenir à leurs besoins, les filles de Marguerite Bourgeoys ont constitué, à compter de 1662, un domaine agricole s’étendant de la Pointe-Saint-Charles jusqu’au fleuve auquel l’île des Sœurs s’ajoutera plus tard. Le musée, ouvert en 1966, dans les murs presque intacts de la résidence des sœurs fermières, est le reflet de la vie quotidienne dans les maisons de la région montréalaise, aux XVIIe et XVIIIe siècles.

Sur les planchers de pin blond qui ont supporté les pas des sœurs, ceux des écoliers de la Pointe et des ouvriers de la ferme, on a posé des lés de catalogne. Des meubles d’inspiration Louis XIII extraits du trésor des maisons que la communauté a créées à travers le Québec, ont permis la reconstitution d’une salle commune, dominée par une cheminée construite avant 1668 et pourvue d’un évier de pierre adossé à une fenêtre. On trouve, dans la cuisine adjacente, un âtre monumental et un évier plus exceptionnel encore. Que ce soit dans ces deux pièces, dans la salle de repos ou à l’étage, des dizaines d’accessoires ont permis de reconstituer l’atmosphère de la chapelle, d’une chambre, du dortoir et d’évoquer, au grenier, les activités de cardage, de filage ou de tissage.

Restaurée et convertie en aire d’accueil et d’interprétation, la grange en pierre construite au XIXe siècle permet surtout d’apprécier les proportions et le style d’un bâtiment unique qui se prolonge sur une écurie. Une exposition temporaire occupe l’espace autrefois réservé au remisage des instruments.

La vie de Mère d’Youville

Rue Saint-Mathieu, dans l’ouest de Montréal. Quelques marches, un porche. Derrière une vitre, une religieuse chargée d’orienter les visiteurs et les visiteuses vers le musée et le Centre Marguerite-d’Youville. Quelques minutes suffisent pour être envahi par l’atmosphère des couvents d’hier. Nous sommes ici dans la seconde maison-mère des Sœurs de la Charité où ont été rapatriés la plupart des objets associés à la vie et à l’œuvre de la fondatrice des Sœurs Grises, comme on les appelle ordinairement.

Dans la partie plus ancienne actuellement en rénovation, on sera touché par la dévotion des sœurs envers leur fondatrice. Le petit musée des missions, plus récent, cache des portraits, des broderies, mais surtout un magnifique petit Jésus de cire dont les sœurs avaient la spécialité ainsi que des objets d’artisanat amérindien provenant des missions de l’Ouest canadien. Un premier couloir, riche en tableaux des XVIIIe et XIXe siècles, contient portraits de saints, calvaires, croix, etc. Plus loin, 24 tableaux peints par deux membres de la communauté résument la vie de Mère d’Youville. On verra, avant de visiter la magnifique chapelle signée Victor Bourgeau, de nombreux objets ayant appartenu à la fondatrice durant sa vie matrimoniale puis sa vie religieuse. On admirera également dans le musée de Mère d’Youville, la chaise des lectures et un autel de bois sculpté par Philippe Liébert.

Le cimetière aménagé sous la chapelle constitue l’élément choc de la visite. C’est un lieu d’émotion unique. Des fosses communes protègent les restes exhumés des religieuses décédées avant 1871 dans le Vieux-Montréal. Les tombes de celles qu’on y inhuma jusqu’en 1985 sont marquées par des croix blanches et, à l’arrière-plan, la première châsse et le deuxième cercueil ayant tour à tour contenu les restes de la fondatrice.