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La vessie détraquée

Au Canada, on estime que 50 000 personnes sont atteintes de cystite interstitielle; 90% d’entre elles sont des femmes.

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Au Canada, on estime que 50 000 personnes sont atteintes de cystite interstitielle; 90% d’entre elles sont des femmes. Cette affection de la vessie, difficile à diagnostiquer, perturbe considérablement la vie de celles qui en souffrent.

Depuis dix ans, chaque fois qu’elle consultait un médecin, Célina lui faisait part de ses maux de ventre tenaces et de ses envies fréquentes d’uriner. Les quatre dernières années, les douleurs étaient devenues de plus en plus intenses et les spécialistes n’arrivaient pas à mettre le doigt sur le bobo. Lorsqu’on a finalement diagnostiqué une cystite interstitielle, la capacité de sa vessie était réduite à un point tel qu’elle devait uriner à toutes les quinze ou vingt minutes.

La cystite interstitielle est une inflammation chronique de la vessie. Normalement, l’intérieur de cet organe est protégé des déchets toxiques contenus dans l’urine par une mince paroi étanche. Cependant, il semble que cette paroi devienne perméable et laisse pénétrer l’urine dans les tissus. Graduellement, la vessie perd sa capacité et son élasticité. Se manifestent alors une série de symptômes dont les plus fréquents sont des douleurs au bas du ventre, au bas du dos, à l’urètre ou à la vulve, des envies fréquentes et parfois urgentes d’uriner et de la douleur lors de la miction et pendant les relations sexuelles. Comme ces symptômes ne sont pas propres à la cystite interstitielle, le diagnostic est difficile à établir.

On n’a malheureusement pas identifié de cause précise à cette maladie, donc, on ne peut pas la guérir. Dans le meilleur des cas, certaines patientes peuvent obtenir une rémission prolongée. Toutefois, le développement de la cystite semble être favorisé par certaines infections bactériennes ou virales, la prise d’antibiotiques, une chirurgie pelvienne impliquant l’usage du cathéter et certains aliments et boissons ayant un effet irritant sur la paroi vésicale.

Les conséquences d’un tel mal se font sentir constamment dans la vie quotidienne. Michelle, dont les maux ont commencé après une hystérectomie, le confirme : « Le trajet d’autobus pour me rendre chez moi à la fin de la journée était à la limite de ce que je pouvais affronter. Quand je fais des courses, je vérifie toujours s’il y a des toilettes publiques là où je dois me rendre. Quant au plaisir des randonnées, j’ai dû oublier cela, ce n’est pas pour moi » . « Les relations sexuelles sont tellement douloureuses que j’en perds le goût, confie pour sa part Célina. J’ai peur qu’à un moment donné, je n’en veuille plus du tout et là, je ne sais pas ce qui arrivera à ma vie de couple » .

Jusqu’à ce jour, les traitements pour la cystite interstitielle sont loin d’être totalement satisfaisants. « Il existe deux médicaments qui sont surtout efficaces lorsque la maladie n’est pas trop avancée, indique Lise Larocque, coordonnatrice de l’Association de cystite interstitielle. Il y a le Rimso 50, qu’on introduit dans la vessie par cathéter, et l’Elmiron, un nouveau médicament qui refait la paroi de la vessie. Cependant, ni l’un ni l’autre n’est curatif et leur taux d’efficacité se situe sous la barre des 50% . Les médecins prescrivent également des antihistaminiques, des anxiolytiques, des antispasmodiques et certains autres médicaments qui peuvent plus ou moins soulager les symptômes. De même, une diète et l’acupuncture vont souvent réduire la douleur. En dernier recours seulement, précise-t-elle, il reste le traitement chirurgical » .

Michelle, après avoir tout essayé sans succès, a dû se tourner vers cette ultime solution. « Quand l’urologue m’a proposé de m’enlever la vessie, ça m’a fait tout un choc, raconte-t-elle. Ensuite, il m’a expliqué qu’il m’en referait une avec la paroi de l’intestin et il m’a suggéré d’aller voir du côté des médecines douces avant de prendre une décision. Après quelques jours, j’étais toujours très souffrante et en plus, je ne dormais presque pas la nuit parce que je devais constamment me rendre aux toilettes. Je n’en pouvais plus! Je suis donc retournée chez l’urologue » . Aujourd’hui, lorsqu’elle n’a pas à rester debout, elle peut attendre une heure et demie avant d’aller aux toilettes. Elle a même recommencé à faire de la bicyclette. Par contre, la douleur est telle qu’elle se voit obligée de prendre des narcotiques.

La cystite interstitielle est un mal qui suscite de nombreuses questions. Comment se fait-il que 44% des femmes qui en souffrent ont eu auparavant une hystérectomie? Pourquoi est-elle plus fréquente en Amérique du Nord qu’en Europe? Et pourquoi fait-elle l’objet de si peu de recherche au Québec et au Canada?