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Un fief pour les entrepreneures

Comment aider les femmes en région, qui ont souvent des revenus inférieurs à la moyenne québécoise, à atteindre l’autonomie financière

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Fait : Malgré que les entreprises dirigées par des femmes soient aussi stables financièrement que la moyenne des entreprises canadiennes, les institutions prêteuses refusent plus souvent un prêt aux femmes entrepreneures qu’aux hommes entrepreneurs et leur imposent des taux d’intérêt supérieurs. Question : Comment aider les femmes en région, qui ont souvent des revenus inférieurs à la moyenne québécoise, à atteindre l’autonomie financière et à participer de façon active au développement économique de leur région, notamment en devenant entrepreneure? Le Fonds d’investissement pour l’entrepreneurship au féminin (FIEF) est peut-être une réponse pour les Nord-Côtières. L’idée d’un tel fonds a commencé à se concrétiser en , à l’occasion de la Table régionale des femmes. On a alors désigné le Regroupement des femmes de la Côte-Nord pour la mise sur pied du projet. Situé à Baie-Comeau, le FIEF reçoit ses lettres patentes en et accorde son premier prêt en . Jusqu’à maintenant, quatre demandes de prêts ont été accordées sur une trentaine de demandes.

Une mission féministe

Corporation à but non lucratif, le FIEF se veut une alternative et un complément tant aux institutions financières qui font preuve de discrimination à l’égard des femmes entrepreneures qu’aux programmes de soutien qui répondent mal à la réalité des femmes. Si le FIEF vise d’abord l’autonomie financière des femmes, pour la directrice Nathalie Sigouin, « c’est le point de départ. Après, on peut espérer que les femmes occuperont une place plus importante » dans le développement économique et social de leur région. Mais il faut, dans un premier temps, qu’elles prennent conscience de leur importance. « Après tout, on représente 49 % de la population! » Concrètement, le FIEF assure du soutien au démarrage, à la consolidation et à l’expansion d’entreprises de petite et moyenne envergure, créées et dirigées par les femmes de la Côte-Nord. Et par le fait même, la création et le maintien d’emplois durables. Par ailleurs, lorsqu’on demande à Mme Sigouin si le FIEF encourage les femmes à se lancer dans des secteurs non traditionnels, elle affirme que l’organisme « a encore du chemin à faire pour sensibiliser les femmes à des entreprises moins traditionnelles. On va avoir un rôle à jouer afin que les femmes explorent des avenues auxquelles elles n’ont pas pensé. » Tout de même, une des candidates a créé une entreprise manufacturière qui, semble-t-il, a très bien démarré.

Où trouver des fonds?

160 000 $, c’est ce qu’il fallait au FIEF pour démarrer ses activités. A l’automne , il avait recueilli 133 000 $ et attendait l’entrée d’autres fonds. « Ce qui n’est pas trop mal étant donné la situation économique », concède Mme Sigouin. Le FIEF a par ailleurs un comité qui s’occupe exclusivement de financement. « Nous sollicitons tous les acteurs socio-économiques : grandes entreprises, PME, établissements d’enseignement, même des employés directement, etc. D’ici cinq ans, nous visons un fonds d’investissement de 1 000 000 $. » Le FIEF a aussi reçu beaucoup de dons modestes des femmes. Mais, pour Mme Sigouin, il n’y a pas de « petites sommes » puisque chaque dollar versé accroît le sentiment d’appartenance des femmes au fonds. Aussi, pour aider au démarrage du FIEF, le Regroupement des femmes de la Côte-Nord a hypothéqué sa propriété de 25 000 $. Quant aux membres du conseil d’administration, qui proviennent de différents milieux, elles ont toutes signé un contrat d’engagement de prêt ou un contrat de prêt d’une valeur de 1 000 $ et plus. « C’est sûr que nous ne sommes pas les plus riches, mais si nous ne donnons pas l’exemple, qui va le faire? », commente Mme Sigouin.

Qui est admissible?

Le FIEF a défini trois clientèles cibles : les femmes socio-économiquement défavorisées qui ont un projet d’entreprise; les femmes qui, malgré des démarches personnelles, se retrouvent sans aide pour démarrer ou développer une entreprise créatrice d’emplois; les groupes de femmes qui veulent développer des projets utiles pour leur collectivité. Immense, le territoire visé s’étend de Tadoussac jusqu’à Blanc-Sablon, et de l’Île d’Anticosti aux villes nordiques.

Comment ça fonctionne?

Lorsqu’une femme se présente au FIEF, « on commence d’abord par la rencontrer et évaluer avec elle son projet accompagné d’un plan d’affaires, précise Mme Sigouin. Ensuite, sa demande est acheminée au comité de prêt, composé de femmes d’expérience. » Le comité analyse le projet et en recommande, ou non, l’acceptation. Un premier refus ne constitue pas nécessairement un point de non-retour. Fortes de conseils du comité de prêt, certaines reviendront avec un produit amélioré, croit Mme Sigouin, et elles auront des chances de voir leur projet accepté.

Des prêts avantageux qui dérangent parfois

« On offre le taux préférentiel du jour majoré de 1 % . C’est plus bas que les taux des banques qui sont de 2 ou 3 % plus élevés. Ce qui en dérange quelques-uns. Nous, on ne cherche qu’à couvrir les frais de fonctionnement, pas à faire des profits », souligne Nathalie Sigouin. De surcroît, le FIEF n’exige pas de garanties comme telles. « On est conscientes que souvent les femmes n’ont pas de garanties à offrir. » Le FIEF demandera plutôt une garantie seulement lorsque cela est possible, par exemple pour une consolidation ou une expansion d’entreprise. « Mais ce n’est vraiment pas un critère de sélection », insiste Mme Sigouin. Évidemment, « on s’est fait traiter de sexistes parce qu’on prêtait juste aux femmes. Il faut encore expliquer que les femmes ont du rattrapage à faire », soupire-t-elle.

Marrainage et groupe d’entraide

Lorsqu’un projet est accepté, on jumelle l’emprunteuse à une entrepreneure d’expérience. « Cela résulte généralement en un taux de succès plus élevé », soutient Mme Sigouin. Ce n’est pas obligatoire, mais les participantes y souscrivent d’emblée. Et dans les régions où la concentration de population le permet, le FIEF tente de mettre sur pied des cercles d’entraide où les femmes peuvent partager leurs expériences. Enfin, Le FIEF essaie de « créer des relations dans les différentes localités pour s’assurer qu’il y a des gens en place pour véhiculer l’information sur le FIEF et pour transmettre les demandes », peu importe d’où elles proviennent.

Du pain sur la planche

« On a eu une grosse année », lance Nathalie Sigouin, essoufflée. Cependant, il y a encore du pain sur la planche! Le FIEF doit continuer à se faire connaître sur son vaste territoire. C’est pourquoi la directrice a entrepris une tournée régionale, grâce à une subvention de formation de la Société québécoise de développement de la main-d’œuvre, pour sensibiliser les femmes à l’entrepreneuriat au féminin et à l’existence du FIEF. En outre, le FIEF souhaite créer, d’ici , une entreprise dont les revenus permettraient de couvrir les frais d’exploitation. « Il faut aussi donner l’exemple », soutient Mme Sigouin. Mais d’ici là, le FIEF devra compter sur l’appui de différents partenaires pour son fonctionnement.

Surmonter les obstacles

« Je trouve cela triste parce qu’on a de la difficulté à obtenir les sommes nécessaires au fonctionnement du FIEF pour la première année. On sait que le besoin est vraiment important sur la Côte-Nord. Malgré cela, on fait face encore à beaucoup de résistances. Des fois, je me pose la question : si c’était un fonds pour les hommes, est-ce qu’on aurait autant de difficultés? » Puis, elle reprend de l’assurance : « Il faudra travailler encore plus fort. » De cela, les femmes ont l’habitude…