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Destins héroïques

Il y a 50 ans, la chirurgienne québécoise Lucille Teasdale et l’anesthésiste italien Piero Corti fondaient un hôpital en Ouganda, au péril de leur vie.

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Il y a 50 ans, la chirurgienne québécoise Lucille Teasdale et l’anesthésiste italien Piero Corti fondaient un hôpital en Ouganda, au péril de leur vie. Le journaliste Michel Arseneault a relaté leurs fantastiques réalisations dans une biographie publiée en et dont la deuxième édition, revue, corrigée et augmentée, vient de paraître.

Gazette des femmes : C’est seulement plus de 25 ans après la fondation de l’hôpital en Ouganda que des journalistes canadiens ont commencé à parler de Lucille Teasdale. Comment en êtes-vous arrivé à vous intéresser à elle?

Michel Arseneault : En , je suis tombé sur un article du Reader’s Digest sur cette Lucille Teasdale dont je n’avais jamais entendu parler. J’ai appelé sa famille, qui m’a appris qu’elle avait le sida [elle l’avait contracté en opérant en Afrique] et que si je voulais écrire quelque chose sur elle, je devais faire vite [elle est décédée en ].

Parlez-moi de son incroyable implication.

Contrairement à la motivation de Piero, qui était religieuse (il se demandait comment aider son prochain), celle de Lucille était médicale au sens propre. Pour elle, c’était évident qu’il y avait un manque criant de soins, d’hôpitaux et de médecins en Afrique, et qu’elle pouvait faire la différence. Être utile.

Elle n’avait pas très confiance en elle. On a même l’impression qu’elle ne se serait pas sentie à la hauteur si elle était restée à Montréal…

Le manque de confiance est important dans sa démarche. Elle a mis beaucoup de temps à le surmonter. Il y a une cinquantaine d’années, tout le système – la société autant que le domaine médical – rabaissait les femmes. Quand elle a fait ses études universitaires, il y avait très peu d’étudiantes à la faculté de médecine. Il fallait un sacré courage et du culot pour avancer malgré les obstacles. Parce qu’elle était une femme et qu’on l’attendait au tournant, et parce qu’elle manquait de confiance en elle, elle a mis les bouchées doubles. Déjà à Montréal, elle travaillait plus fort, opérait jour et nuit. En Afrique, c’est devenu démesuré: elle a abattu un travail colossal!

Malgré les guerres civiles, les maladies mortelles, les attaques fréquentes de l’hôpital et les menaces de mort, Piero et Lucille sont restés en Ouganda, au péril de leur vie. Pourquoi?

Ils savaient que s’ils partaient, l’hôpital allait fermer. Ils craignaient d’envoyer le signal qu’il était trop dangereux de rester, provoquant ainsi le départ massif des autres employés africains, et donc la fermeture de l’hôpital, qui aurait été pillé tant par les hommes de l’armée que par ceux de la rébellion.

Qu’est-ce qui vous a le plus marqué chez eux?

Plusieurs choses. Leur détermination, leur entêtement, leur volonté de foncer, de persévérer. Des médecins qui travaillent dans l’urgence, il y en a plein; mais Lucille, elle a fait toute sa vie là-bas, et elle a surtout légué un héritage. Laisser derrière soi un hôpital de 400 lits qui a continué à fonctionner malgré les guerres, les épidémies, les enlèvements, le viol des infirmières, le pillage de médicaments, et qui fonctionne encore, je trouve que c’est vraiment héroïque!

Michel Arseneault, Un rêve pour la vie. Lucille Teasdale et Piero Corti, Libre Expression, , 384 p.