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Le clitoris sort de l’ombre

Se réapproprier son corps, ça commence par mieux le connaître. Et par regarder ce court film sur le clito!

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Pauvre clitoris. Il a beau être le seul organe du corps humain uniquement destiné au plaisir, il doit avoir le caquet bas sous son capuchon lorsqu’il constate à quel point on le connaît peu – surtout qu’il est très sensible… Avec son chouette court métrage d’animation maintes fois récompensé, Lori Malépart-Traversy tente de lui donner la reconnaissance qu’il mérite.

Saviez-vous que le clitoris est comparé à un petit pénis (malgré que cette analogie soit contestée)? Qu’il possède des racines de 10 cm de longueur qui seraient responsables de l’orgasme vaginal? Que différents hommes de science se sont disputé la paternité de sa découverte?

Ce sont quelques faits anatomiques et historiques parmi d’autres que l’on apprend en 3 minutes et des poussières dans le sympathique court métrage d’animation de Lori Malépart-Traversy, très simplement intitulé Le clitoris. Avec ses dessins dépouillés empreints de fraîcheur, la cinéaste nous séduit et nous rend son personnage de clitoris esseulé fort attachant. Et grâce à ses textes instructifs teintés d’humour, elle nous éduque plus efficacement qu’une ennuyeuse encyclopédie médicale.

Mission éducation

C’est dans le cadre de son projet de fin d’études en cinéma d’animation à l’Université Concordia que la jeune Montréalaise a réalisé ce documentaire, en 2016. « Au départ, je voulais faire un film érotique animé, ou du moins quelque chose de lié à la sexualité. Je voulais que ce soit un peu féministe, mais je ne trouvais pas d’angle, raconte-t-elle. En faisant des recherches sur le clitoris sur Wikipédia, j’ai découvert des informations dont je n’avais jamais entendu parler. Ça me semblait complètement aberrant d’ignorer comment cet organe était fait. Personne ne nous avait parlé de ça à l’école! Au final, je trouvais qu’il y avait assez d’infos surprenantes pour faire un film là-dessus. »

L’absence de cours d’éducation sexuelle dans les écoles québécoises a assurément à voir avec notre méconnaissance de cet organe récréatif, mais il y a plus, selon elle. « Dans la société en général, on parle peu de la sexualité des femmes. Et ce qui concerne leur plaisir demeure encore plus caché. Et faussé. Par exemple, en regardant des films quand j’étais jeune, j’ai “appris” que les femmes ne pouvaient jouir que par la pénétration. J’ai aussi su comment les garçons se masturbaient bien avant de savoir comment faisaient les filles. Les choses liées au sexe, on les apprend beaucoup par les hommes. »

Si la jeune réalisatrice a travaillé sérieusement sur le fond, la forme a fait l’objet de tout autant de soin. En témoignent les brillantes transitions visuelles, entre autres lorsque le clitoris devient un ventre de femme enceinte, puis une calotte de prêtre. Elle a adopté la technique de la gouache sur papier, qui a perdu en popularité au profit de l’ordinateur dans les dernières années, mais qui « revient un peu à la mode », selon elle.

L’excellence de son travail a été reconnue internationalement : son film a été présenté en sélection officielle dans plus de 60 festivals, notamment à Annecy, Leipzig, Budapest, Lisbonne, Mexico, de même que dans des festivals de films féministes (Grand Rapids, Chicago) et, douce ironie, en République tchèque, pays de naissance de « l’ennemi numéro un du clitoris », Sigmund Freud. Au total, son court métrage a raflé une dizaine de prix. En ligne depuis le 17 juin, il a été visionné près de 6 millions de fois jusqu’à maintenant.

Ce que Lori Malépart-Traversy espère que les gens en retirent, c’est, bien sûr, un certain savoir, mais aussi une curiosité. « Si les femmes ont envie de mieux connaître leur corps après avoir vu mon film, tant mieux! » conclut celle qui entamera bientôt un deuxième court métrage sur un sujet apparenté, cette fois pour l’ONF.