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Je consens, tu consens… Conjuguer sans fautes

Cultiver l’intime

Auteur路e :Sébastien Boulanger

Bandeau :Illustration : © Nadia Morin

Révision linguistique :Révision linguistique : Bla bla rédaction

Image corporelle, identité, stéréotypes sexuels, vie amoureuse, violences sexuelles, l’école québécoise accorde depuis septembre 2018 une place plus affirmée à l’éducation à la sexualité. Une pédagogie obligatoire pour l’ensemble des élèves, du préscolaire à la fin du secondaire. Au-delà des contenus proprement didactiques, quelle place occupe l’apprentissage à la vie intime chez les jeunes et, partant, l’éducation au consentement? Devant l’omniprésence de la violence sexiste, homophone ou transphobe – réseaux sociaux, jeux, séries, cinéma –, la question paraît judicieuse.

À l’approche de la campagne annuelle des 12 jours d’action contre les violences faites aux femmes, devant une notion qui tarde à s’imposer d’elle-même – « sans oui, c’est non! » –, il y a lieu de mûrir la réflexion. Sur l’importance d’éduquer et d’outiller, bien sûr, mais aussi sur la force tranquille de la parole. Celle de nos filles et des femmes de toute condition. Celle de nos sœurs autochtones et immigrantes. Celles des garçons et des hommes.

En avril dernier, à l’aube d’une pandémie autrement universelle, le magazine GF consacrait son numéro aux violences faites aux femmes. Depuis, c’est une deuxième vague pernicieuse qui a frappé le Québec cet été. Après la salve de révélations d’agressions sexuelles entourant #MoiAussi, plusieurs personnalités se voient aujourd’hui confrontées publiquement pour avoir failli au b.a.-ba du consentement éclairé.

Le Conseil du statut de la femme propose dès le 25 novembre de nouvelles ressources numériques pour engager la conversation entre jeunes et moins jeunes : une bibliothèque illustrée qui raconte les violences faites aux femmes, et une nouvelle capsule vidéo de sa série Quelques secondes pour comprendre consacrée au consentement.

Le message ne laisse pourtant place à aucune équivoque : l’obtention d’un consentement explicite et libre, avant et pendant toute relation à consonance sexuelle, se conjugue impérativement au présent. À l’heure où consentir s’impose, Yasmine Berthou discute avec des expert·e·s d’une série d’outils – dont un lexique égalitaire à l’usage des garçons – pour amorcer et faciliter le dialogue avec les jeunes. Autour du consentement et, plus largement, sur la prévention des violences sexuelles et sur la mythologie qui enveloppe souvent ces comportements.

Parmi les nombreux mythes sur les agressions sexuelles – le désir sexuel irrépressible des hommes, les femmes sont responsables de ce qui leur arrive, celles qui dénoncent mentent… – se trouve celui du viol comme « problème de communication ». La chroniqueuse Suzanne Zaccour décortique cette fabrication insidieuse qui tente d’expliquer le viol par un échec de la communication entre un homme et une femme. Les hommes comprendraient mal les signaux des femmes et celles-ci devraient apprendre à dire « non » plus clairement. Devant cette injonction qui reverse les rôles de responsabilité, Suzanne Zaccour pose l’assise du débat : « Mais si le viol est un problème de compréhension, pourquoi n’enseigne-t-on pas aux hommes à mieux écouter? »

Cet automne, le décès cruel de Joyce Echaquan aura par ailleurs recadré dans l’espace public une autre tragédie collective : celle du sort des femmes autochtones violentées, alimenté par un racisme trop souvent assidu. Une remise à l’ordre du jour brutale des 231 appels à la justice contenus dans le rapport final de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Au-delà des abus ou de l’itinérance, l’histoire nous montre que les femmes autochtones renaissent, toujours plus fortes. La journaliste Émélie Rivard-Boudreau discute avec la chercheuse Julie Cunningham, autrice de l’ouvrage Elles se relèvent encore et encore. Une œuvre qui regroupe les témoignages de 11 femmes autochtones de Montréal et de Val-d’Or, qui ont vécu les traumatismes des pensionnats. Des histoires de résilience, magnifiquement illustrées par l’artiste atikamekw Meky Ottawa.

Dans un registre tout aussi intimiste, Pascale Navarro s’entretient avec Micheline Savoie, autrice du récit autobiographique Avant de perdre la mémoire. Née en 1943, l’écrivaine connaît un parcours professionnel et personnel typique des femmes de sa génération. Encouragée par les prises de parole dans la foulée du mouvement #MoiAussi, Micheline Savoie dévoile notamment dans son livre le viol qu’elle a subi alors qu’elle travaillait pour la Société Radio-Canada. Un carnet personnel, féministe et audacieux, dédié à toutes les battantes anonymes.

Enfin, la compositrice, chanteuse et multi-instrumentiste Frannie Holder raconte ses espérances d’un monde égalitaire. Originaire de Montréal, Frannie Holder est membre des groupes hip-hop Random Recipe et électro-folk Dear Criminals. Cette artiste talentueuse et ultrapolyvalente nous parle à cœur ouvert des œuvres qui l’animent, de la femme exceptionnelle que représente sa mère, et d’un féminisme personnel nourri par son respect envers toutes les femmes d’aujourd’hui et de demain.

Bonne lecture!