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Derrière les visages, des histoires

Près de 20 ans après avoir quitté mon patelin pour étudier la photographie à Montréal, j’étais convaincue de ne plus jamais y revenir.

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Près de 20 ans après avoir quitté mon patelin pour étudier la photographie à Montréal, j’étais convaincue de ne plus jamais y revenir. Pourtant, il y a deux ans, je suis rentrée, animée du désir de mener à terme un projet de photographie sociale avec, en point de mire, des visages à faire sourire!

Ce projet qui m’a habitée durant les six derniers mois n’est pas étranger à mon passé d’intervenante sociale. Pendant ces nombreuses années, j’ai côtoyé des femmes, des hommes et des enfants issus de réalités bien différentes et aux prises avec divers problèmes. Forte de cette expérience, et constatant qu’en 2010, on allait souligner les 100 ans de la Journée internationale des femmes et tenir la troisième Marche mondiale des femmes ( MMf), j’ai compris que les planètes étaient alignées pour permettre la réalisation de ce projet que j’ai intitulé « 10 000 visages univers’elles ». À bord d’un autobus rose, surnommé la Caravane du bonheur, je suis partie à la rencontre des Québécoises, et de leur visage, accompagnée de mes coéquipières, Marilyne Champagne et Annick Doucet.

Le but : réaliser 10 000 portraits de femmes de tous âges,de tous les horizons et provenant des quatre coins de la province, afin de créer deux œuvres photographiques qui seraient présentées lors des rassemblements de clôture de la MMf 2010, le 17 octobre. Ce qui fut fait.Vingt bannières ont été portées par les marcheuses à Rimouski, pendant qu’en République démocratique du Congo, une mosaïque géante était remise aux représentantes internationales de la MMf. Pour moi, il s’agissait d’un geste symbolique de solidarité : ensemble, tout est possible!

Au fil de l’aventure, j’ai découvert que derrière chacun des visages se cachait une histoire.Celle de fières autochtones qu’on entend si rarement s’exprimer; celle des victimes d’une violence quotidienne qui n’ont plus le courage de sourire; celle de femmes qui n’ont pas osé sourire à une caméra depuis 20 ans parce qu’elles se trouvaient trop laides. Si vous saviez ce qui s’est raconté à bord de cet autobus! Nous sommes en 2010, au Québec – une société qui se distingue par des avancées importantes en matière d’égalité entre les femmes et les hommes -, et pourtant…

Pourtant, les agressions sexuelles, la violence envers les femmes et les enfants, l’intolérance, la pauvreté, la peur sont des fléaux encore trop présents. Je le sais, je l’ai entendu de la bouche même de celles qui en sont les victimes. En revanche, je me réjouissais de les voir sourire, de les écouter me dire : «C’est la première fois que je me trouve belle sur une photo! », sachant qu’elles retournaient à la maison fières d’elles et le cœur un peu plus léger. Et une fois de plus, j’étais convaincue de la nécessité de continuer le travail d’aide et de sensibilisation auprès des femmes, et ce, de toutes les manières possibles.

Oui, ces femmes sont belles, et elles le sont sans retouches ni maquillage professionnel… et à tout âge! J’ai photographié la plus jeune de mes sujets à l’âge de 4 jours, et la plus âgée, à 106 ans. Je suis plus que jamais persuadée que les modèles de beauté véhiculés dans les médias doivent changer, car la perception que la majorité des femmes ont d’elles-mêmes s’en trouve faussée. Oui, ça doit changer. Les 10 000 sourires apparaissant sur mes photos en sont la preuve…presque vivante.

* De retour à Sorel-Tracy après avoir travaillé plusieurs années comme intervenante sociale, tant à l’étranger qu’à Montréal, l’auteure a renoué avec sa passion première en réalisant un projet de photographie sociale.


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