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Élues municipales : lentement mais sûrement

Le 3 novembre, verrons-nous plus d’élues municipales? Si la tendance se maintient…

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Seulement 16 % des localités de la province ont une mairesse à leur tête. Les femmes n’occupent pas le tiers des postes de conseillers municipaux. Pourtant, elles ont tout ce qu’il faut pour représenter leurs concitoyens… sauf peut-être une confiance en elles suffisante.

Simulations de conseil municipal, ambassadrices dans les régions, cours, colloques, publicités : pour améliorer la représentativité des femmes dans les municipalités en vue du scrutin du 3 novembre, les instances politiques et communautaires ont pris les grands moyens. Mais les fruits de ces efforts pourraient n’être récoltés qu’aux élections suivantes, car convaincre mesdames de faire le saut en politique n’est pas une mince affaire.

« Si vous voulez des candidates, il faut vous prendre d’avance! » s’exclame Esther Lapointe, directrice générale du groupe Femmes, Politique et Démocratie. « Beaucoup manquent de confiance en elles. On doit parfois leur suggérer trois ou quatre fois de se présenter avant qu’elles acceptent », témoigne celle qui est aussi codirectrice du Centre de développement femmes et gouvernance, créé en 2007 en collaboration avec l’École nationale d’administration publique (ENAP).

Photographie d'Esther Lapointe.
« N’importe quelle femme qui ressent le désir de représenter sa communauté peut se présenter en politique. Et les formations servent à leur prouver qu’elles sont prêtes et qu’elles sont bonnes. »
 — Esther Lapointe, directrice générale du groupe Femmes, Politique et Démocratie

Et avec la politique municipale « qui a été traînée dans la boue » au cours des dernières années, le contexte est encore moins favorable, souligne-t-elle. « Le recrutement est plus difficile qu’en 2009. » Joanne Blais, présidente du Réseau des tables régionales de groupes de femmes du Québec, croit de son côté qu’à plusieurs mois du scrutin, les femmes sont toujours « en mode exploration ».

Pas de hausse spectaculaire

Chose certaine, les deux organisatrices communautaires ne s’attendent pas à une hausse fulgurante du nombre d’élues dans les municipalités de la province. Il y a quatre ans, 29 % des sièges de conseillers sont allés à des femmes, et 16 % des villes ont eu une mairesse à leur tête. « On vise à avoir autant de femmes élues en novembre, peut-être un peu plus », évalue Mme Blais.

Selon l’étude La sous-représentation des femmes dans les municipalités aux conseils municipaux et dans les mairies, publiée par le Conseil du statut de la femme en novembre 2012, la proportion d’élues municipales augmente en moyenne de 0,5 à 0,7 % par année. À ce rythme, il faudra attendre jusqu’en 2025 avant que les conseillères soient à parité avec les hommes.

Photographie de Joanne Blais.
« Les femmes ont longtemps été confinées dans la sphère privée, c’est encore récent de les voir investir la sphère publique. »
 — Joanne Blais, présidente du Réseau des tables régionales de groupes de femmes du Québec

Cette lente progression n’alarme pas Joanne Blais. « C’est un processus naturel de changement de mentalités. Les femmes ont longtemps été confinées dans la sphère privée, c’est encore récent de les voir investir la sphère publique. »

Coffre à outils

Pour leur donner un coup de pouce, la ministre responsable de la Condition féminine, Agnès Maltais, a organisé en janvier dernier à Québec le colloque « Mairesse ou conseillère, pourquoi pas vous? ». Elle a aussi mis sur pied un programme d’ambassadrices en région et lancé une campagne de mobilisation.

Le Réseau des tables régionales de groupes de femmes a de son côté conçu l’agenda-guide Parcours de la candidate, des publicités sous forme de capsules vidéo ainsi qu’un message d’encouragement à envoyer à une femme de notre entourage que l’on croit destinée à la politique municipale. « Si on ne va pas les chercher, elles pensent qu’elles n’ont pas le potentiel », souligne Joanne Blais.

Une lacune à laquelle le Centre de développement femmes et gouvernance veut remédier par ses formations offertes dans plusieurs régions du Québec par l’entremise de l’École Femmes et Démocratie. Les femmes y apprennent notamment à communiquer en public et peuvent mettre en pratique leurs acquis lors de simulations de conseil municipal.

« On essaie aussi de les rassurer avec des témoignages de politiciennes, de journalistes et de spécialistes. Mais attention, on ne dore pas la pilule : on doit aussi les préparer à des situations difficiles, explique Esther Lapointe. Le but, c’est de leur donner confiance en elles et de changer leur vision de la politique municipale, que bien des gens associent à la voirie et aux égouts. Mais c’est aussi les loisirs et la culture! »

Trouver le temps

Une fois convaincues qu’elles ont les compétences et l’assurance nécessaires pour s’impliquer dans leur communauté, les femmes ne sont pas au bout de leurs préoccupations. Sans surprise, la conciliation travail-famille arrive en tête de liste. « On leur explique que la politique municipale est très prenante, mais également très gratifiante, relate Joanne Blais. Les femmes nous disent souvent que leur implication est une décision familiale. » Elle ajoute : « L’employeur doit aussi être flexible, car préparer une candidature demande beaucoup de temps. »

La question financière demeure également un souci. Avec la garderie à payer, la garde-robe à bonifier et les frais de campagne électorale à couvrir, la facture peut être salée. Et ce ne sont pas toutes des professionnelles occupant des postes de cadres qui se lancent en politique municipale. « Les candidates proviennent de tous les milieux », dit Joanne Blais, donnant l’exemple d’une jeune entrepreneure devenue en 2009 mairesse de La Bostonnais, au nord de La Tuque. « C’est sûr que celles qui sont moins scolarisées vont rencontrer plus d’écueils, souligne Esther Lapointe. Mais n’importe quelle femme qui ressent le désir de représenter sa communauté peut se présenter en politique. Et les formations servent à leur prouver qu’elles sont prêtes et qu’elles sont bonnes. »

Suffit maintenant de persuader les potentielles intéressées. 

Les commissions scolaires comme tremplin

Quand on demande à Josée Bouchard si elle souhaite faire de la politique un jour, ses cheveux se dressent sur sa tête. « C’est ce que je fais à temps plein! » réplique la présidente de la Fédération des commissions scolaires du Québec.

Photographie de Josée Bouchard.

Pour Josée Bouchard, présidente de la Fédération des commissions scolaires du Québec, c’est souvent grâce à la démocratie scolaire que les femmes acquièrent le goût de la chose publique.

« Le scolaire, c’est de la vraie politique », renchérit-elle, rappelant que les commissaires sont élus lors de scrutins. Dans ce milieu, hommes et femmes sont à parité, ce qui fait « toute la différence », selon la présidente. « On a un équilibre qui nous amène à bien administrer nos commissions scolaires; les points de vue sont représentés de manière égale. »

Josée Bouchard croit que c’est souvent grâce à la démocratie scolaire que les femmes acquièrent le goût de la chose publique. Puisqu’elles s’occupent encore beaucoup de l’éducation des enfants, elles découvrent l’engagement politique en siégeant d’abord dans les conseils d’établissement. « Lorsque les élections scolaires arrivent, elles ont le goût d’aller plus loin. »

De nombreux commissaires combinent ce poste avec celui de maire ou de conseiller, surtout dans les municipalités rurales, souligne Josée Bouchard. Elle-même a souvent été approchée pour diriger Alma, sa ville d’origine. Mais c’est davantage la politique provinciale qui l’intéresse : être élue à ce palier de gouvernement lui permettrait de contribuer aux prises de décisions dans son domaine de prédilection.

Plusieurs élues au provincial ont fait leurs classes comme commissaires scolaires. C’est le cas de la députée des Mille-Îles à Laval, Francine Charbonneau, de celle de Champlain, Noëlla Champagne, et de celle de Crémazie, Diane de Courcy, aussi ministre de l’Immigration et des Communautés culturelles et ministre responsable de la Charte de la langue française. « Sans être un passage obligé, les commissions scolaires sont un terreau fertile », résume Josée Bouchard.