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Paroles de mères

Kathleen, Hélène, Valérie, Isabelle, Mariane et Julie-Ève racontent pourquoi elles ont fait le choix de rester un temps à la maison avec leurs enfants.

Date de publication :

Auteur路e :  et 

C’est avec enthousiasme que plusieurs mères à la maison ont accepté de discuter de leur choix et de leur réalité avec la Gazette des femmes. Témoignages de Kathleen, Hélène, Valérie, Isabelle, Mariane et Julie-Ève.

Kathleen Couillard

(Longueuil)

34 ans, mère de trois enfants âgés de 2 à 7 ans dont elle s’occupe à la maison depuis la naissance du deuxième

Photographie de Kathleen Couillard et ses enfants.

« Peu à peu, c’est la qualité de vie qui a motivé mon choix. »

Kathleen Couillard

Parcours

Maîtrise en microbiologie et immunologie à l’Université de Montréal. Assistante de recherche dans un laboratoire universitaire pendant plus d’un an avant l’arrivée de sa fille aînée, puis pendant un an et demi à temps partiel avant la naissance de sa seconde fille. Fondatrice du Journal des mamans rebelles, elle y a écrit pendant deux ans. Actuellement monitrice bénévole pour la Ligue La Leche (un organisme qui aide les mères à allaiter et qui fait la promotion d’une meilleure compréhension de l’allaitement) et auteure du blogue Maman Éprouvette.

« Au début, j’ai fait le choix de rester à la maison parce que je ne me voyais pas mettre ma fille à la garderie. Je ressentais le besoin de demeurer avec elle. Peu à peu, c’est la qualité de vie qui a motivé ce choix. J’arrêtais enfin de courir. Quand je vois d’autres parents s’essouffler et manquer de temps pour leurs enfants, tiraillés entre le désir de satisfaire leur patron et celui de satisfaire leurs enfants, la justesse de mon choix se confirme. Même si je ne suis pas une fille “de maison” au départ. J’ai eu des offres d’emplois et je les ai refusées. On travaille maintenant jusqu’à 67 ans, donc j’ai le temps en masse d’y retourner! »

Hélène Jacques

(Montérégie)

30 ans, fille d’une féministe et mère de trois fillettes de 1 à 5 ans dont elle s’occupe à la maison depuis la naissance de la première

Parcours

Maîtrise en sciences de la gestion (systèmes d’information) à HEC Montréal. Consultante en informatique pour une importante firme de consultation pendant deux ans.

« Je me suis toujours vue comme une femme de carrière. Jeune, je disais que j’allais acheter une banque quand je serais grande. La maternité a changé ma façon de penser. Le sentiment d’être mère avant tout a pris le dessus sur le reste. J’ai étiré mon congé parental le plus possible parce que j’étais incapable de me résigner à laisser ma fille à temps plein à la garderie. J’ai toujours senti que j’étais la mieux placée pour m’en occuper. Je ne serais pas du genre à m’ouvrir une garderie, mais avec mes propres enfants, c’est différent. Je me sens pleinement capable de les “bâtir”, de leur donner de bonnes valeurs. J’y mets beaucoup d’efforts. Quand mes filles seront à l’école, c’est sûr que je retournerai travailler. »

Valérie Gagnon

(Varennes)

33 ans, mère de trois enfants âgés de 3 à 8 ans, gère une garderie en milieu familial afin d’être disponible pour ses enfants

Photographie de Valérie Gagnon et ses enfants

« Quand j’ai pris cette décision, je sentais que l’on me trouvait moins intéressante parce que j’étais une mère à la maison. »

Valérie Gagnon

Parcours

Baccalauréat en psychologie à l’Université du Québec à Trois-Rivières. Éducatrice dans un centre de la petite enfance jusqu’à sa deuxième grossesse. A ouvert une garderie en milieu familial après son deuxième accouchement. Travaille actuellement au démarrage d’un centre de périnatalité qui offrira aux parents du soutien en matière de soins alternatifs, d’allaitement ou de relevailles, dont l’ouverture devrait coïncider avec l’entrée à l’école du petit dernier.

« Je trouvais ça complètement paradoxal de garder les enfants des autres et pas les miens! Avec une garderie en milieu familial, mon conjoint et moi pouvions concilier le travail et la famille plus facilement, sans le rush du matin, et avoir un rythme de vie plus équilibré. Je crois que c’est la présence d’un parent auprès des enfants qui est importante, pas nécessairement celle de la mère. Quand même, quand j’ai pris cette décision, je sentais, dans les réunions de famille et les rencontres d’amis, qu’on me trouvait moins intéressante parce que j’étais une mère à la maison. »

Isabelle Brodeur

(Québec)

37 ans, mère de quatre enfants âgés de 3 à 7 ans, dont elle s’occupe à la maison depuis la naissance du premier

Photographie d'Isabelle Brodeur et ses enfants.

« Que je reste à la maison a été une décision de couple. On souhaitait élever nous-mêmes nos enfants, leur donner nos valeurs »

Isabelle Brodeur

Parcours

Maîtrise en microbiologie à l’Université de Montréal. Doctorat en immunologie au University College London, en Angleterre. Pendant quatre ans, stagiaire postdoctorale en génétique humaine pour l’Université Laval au Centre de recherche de l’Hôpital Saint-François-d’Assise ainsi qu’au Centre de recherche en cancérologie de l’Hôtel-Dieu de Québec. Depuis quatre ans, propriétaire d’une petite entreprise à la maison de produits pour le corps et le bain, Produits Dr Maman.

« Que je reste à la maison a été une décision de couple. On souhaitait élever nous-mêmes nos enfants, leur donner nos valeurs, être là pendant qu’ils sont jeunes. Ils auront bien le temps d’aller à l’école… En attendant, on veut leur offrir des racines. Mon conjoint et moi ne sommes jamais allés à la garderie et nous ne sommes pas asociaux. De toute façon, avec quatre enfants, ce n’est pas l’interaction qui manque à la maison! Je suis fière de mon choix, fière de moi. Ce n’est pas me rabaisser que de faire les tâches ménagères la semaine. D’autant que le week-end, mon conjoint aussi en fait, du ménage et de la bouffe. »

Mariane Labrecque

(Montréal)

34 ans, mère de deux enfants de 10 mois et 4 ans dont elle s’occupe à la maison depuis octobre 2010

Photographie de Marianne Labrecque.

« J’aimerais que le mouvement féministe œuvre à mettre en place des structures pour soutenir les femmes qui font ce choix, plutôt que de les mépriser ou de leur faire la leçon. »

Marianne Labrecque

Parcours

Baccalauréat en science politique à l’UQAM et baccalauréat en travail social à l’Université de Montréal. Travailleuse sociale en centre d’hébergement pour femmes et en CLSC pendant sept ans. Milite dans un groupe pour l’humanisation des naissances et siège au Conseil des Montréalaises (un organisme de consultation auprès de l’administration municipale en ce qui a trait à l’égalité des sexes et à la condition féminine).

« Je suis féministe. Et après mûre réflexion, j’ai décidé de faire quelque chose de révolutionnaire : rester à la maison! J’aime travailler. Je suis une femme intelligente, impliquée socialement. J’aime aussi m’occuper de mes enfants et je voudrais que ce soit reconnu. Non seulement la maternité n’est pas valorisée dans la société, mais c’est presque un sujet tabou dans le mouvement féministe. Pourtant, le féminisme a aidé les femmes à s’émanciper, leur a permis de sortir de la maison. J’ai l’impression qu’aujourd’hui, la situation s’est inversée, que les femmes sont obligées de travailler. »

« Ce que j’observe, c’est que l’on s’est moulées au modèle masculin : pour être une bonne personne, une bonne citoyenne, et pour s’accomplir, on doit avoir un travail rémunéré. C’est incroyablement réducteur. Il existe d’autres modèles, maintenant. Comme réduire ses heures de travail pour s’impliquer dans la communauté. Le mouvement féministe n’a pas opté pour cette voie; il a dit “hors du travail, point de salut”. C’est vrai que la pauvreté, ça t’empêche d’exercer ton pouvoir. Mais je ne pense pas que la solution, c’est de travailler comme des folles, sans compter le stress que ça engendre et qui pèse sur la famille. J’aimerais que le mouvement féministe dise plutôt à une femme qui choisit de demeurer avec ses enfants pour une période : “Parfait! On va faire valoir auprès des instances gouvernementales et de l’entreprise privée qu’une femme qui vient de mettre un enfant au monde est extrêmement productive sur les plans social et citoyen, même si elle l’est moins sur celui du travail salarié.” En d’autres mots, qu’il œuvre à mettre en place des structures pour soutenir ces femmes, plutôt que de les mépriser ou de leur faire la leçon. »

« J’aimerais aussi qu’il soit possible de conserver un emploi trois ans après l’accouchement pour effectuer un retour progressif (deux à trois jours par semaine) ou à la carte, selon les besoins de l’employée, le temps que les enfants sont encore d’âge préscolaire. »

Julie-Ève Proulx

(Témiscouata-sur-le-Lac)

37 ans, mère de trois enfants âgés de 21 mois à 6 ans dont elle s’occupe à la maison depuis la naissance du premier

Photographie de Marie-Ève Proulx et ses enfants.

« Je pense reprendre une vie professionnelle d’ici deux ou trois ans. Il me restera 27 années (avec la nouvelle réforme de la retraite) pour travailler! »

Julie-Ève Proulx

Parcours

Baccalauréat en sociologie à l’UQAM et licence en études cinématographiques à l’Institut européen de cinéma et d’audiovisuel de Nancy, en France. Agente de recherche au CHUM et au ministère de la Santé et des Services sociaux pendant deux ans. Après avoir vécu en France cinq ans, Julie-Ève et sa famille sont de retour au pays depuis trois ans. Elle fait du bénévolat (bibliothèque municipale, comité citoyen, aide en allaitement) et profite d’un bon réseau social.

« Pour moi, c’est la famille qui prime. C’est le modèle que privilégiaient mes parents : que l’un des parents assume l’éducation des enfants. Le modèle actuel demande beaucoup aux femmes et me convient moins. Je n’adhère pas à l’impératif de performance. Pas très chaud à l’idée, mon chum m’a vite fait savoir qu’il ne resterait pas à la maison avec la marmaille. J’aurais aimé qu’il partage ma vision des choses et qu’il prenne lui aussi du temps pour devenir parent. Pour moi, ce n’est pas une question de genre. »

« Je considère que demeurer à la maison avec mes enfants est un choix féministe. Parce que je fais ce qui me semble la chose à faire; ce qui m’est permis, et qui ne l’a pas été à des générations avant moi. Mais c’est d’abord un choix individuel, car ce rôle n’est pas reconnu socialement, ni financièrement. J’ai même déjà entendu des gars dire, à propos des femmes qui restent à la maison : “Je serais incapable de ne rien faire”. »

« Je pense reprendre une vie professionnelle d’ici deux ou trois ans. Il me restera 27 années (avec la nouvelle réforme de la retraite) pour travailler! »