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Bienvenue à la maison!

Julie Roussy, sage-femme à la Maison de naissance Mimosa, sur la rive-sud de Québec, fait le suivi de grossesse de Virginie, enceinte de 38 semaines.

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L’ambiance d’une maison de naissance est loin de celle d’une clinique privée ou de l’hôpital. On s’y sent comme chez soi, vraiment. Tellement que les futures mamans de la Maison de naissance Mimosa ne se sont aucunement opposées à ce qu’une journaliste s’immisce dans l’intimité qu’elles partagent avec Julie, leur sage-femme. Les grandes portes en bois ornées d’immenses croix sculptées témoignent de l’ancienne vocation de la Maison de naissance Mimosa. Sise dans le secteur Saint-Romuald de Lévis, sur la Rive-Sud de Québec, elle a été aménagée dans un presbytère. Un endroit autrefois béni, aujourd’hui serein. À l’étage, trois chambres d’accouchement, dont deux avec vue sur le fleuve. L’une d’elles — la jaune — est occupée par une femme qui vient d’accoucher. Tout est calme. « Quand les trois chambres sont occupées, ça bouge beaucoup plus, avec la famille, les sages-femmes, les aides natales… et les nouveau-nés! » souligne Hanna, une des aides natales qui s’assurent que les mères ne manquent de rien pendant leur séjour. Aujourd’hui mardi, c’est jour de clinique pour Julie, l’une des sages-femmes. Trois rendez-vous le matin et deux l’après-midi. Elle en avait un de plus à l’horaire, mais sa dernière patiente a accouché la veille. C’est elle qui se trouve dans la chambre jaune. Julie n’a pas pu s’occuper d’elle, car le lundi est son unique jour de congé — plus une fin de semaine sur deux. C’est donc sa collègue Marie-Josée qui a aidé la nouvelle maman à donner naissance à son enfant. « Les sages-femmes travaillent toujours en équipe de deux, explique Julie. Marie-Josée et moi avons un horaire inverse. Quand une fait de la clinique, l’autre est disponible sur appel pour les visites à domicile. » Chaque sage-femme fait le suivi d’une quarantaine de femmes enceintes par année, mais rencontre aussi les patientes de sa coéquipière. Comme on ne sait jamais quand le bébé va se pointer le bout du nez, on veut s’assurer que la mère connaît bien celle qui sera à ses côtés le moment venu. Cet après-midi, Julie rencontre d’abord Virginie, qui porte une bien grosse bedaine… de 38 semaines. Elle a hâte que sa fille sorte! C’est son deuxième enfant, mais sa première expérience en maison de naissance. Charles est né 16 mois plus tôt à l’hôpital, mais Virginie avait envie de vivre une grossesse et un accouchement plus naturels. Julie lui pose diverses questions : « As-tu bien dormi cette semaine? » « Penses-tu beaucoup à ton accouchement? » « As-tu des peurs, des craintes? » « Auras-tu de l’aide à la maison une fois que le bébé sera né? » Assise en tailleur sur un sofa, Virginie lui répond comme à une amie. Le dialogue fait partie de la philosophie sage-femme. Il n’y a pas de presse : on accorde une heure par rendez-vous. Pas 10 minutes! Virginie s’allonge ensuite sur le lit. Julie palpe son ventre et constate que le bébé est bien placé. Avec son stéthoscope, elle écoute les battements de cœur du fœtus. Un petit boum-boum qui indique qu’il y a bel et bien de la vie dans ce gros bedon. Le prochain rendez-vous aura lieu dans une semaine. « J’espère ne pas avoir besoin de m’y présenter! » laisse tomber Virginie en flattant son ventre de femme enceinte jusqu’aux oreilles. Julie a environ 10 minutes avant le prochain rendez-vous. Elle en profite pour rappeler une patiente qui avait essayé de la joindre sur l’heure du dîner. La dame avait des crampes et voulait savoir si c’était normal. Faire appel aux services d’une sage-femme signifie aussi de pouvoir la joindre en tout temps, pour toutes sortes de raisons. Le lien de confiance se bâtit au fil des conversations. La prochaine patiente, Karine, en est à sa 16e semaine. Sa bedaine est à peine perceptible, mais le bébé est bien là, photo de l’échographie à l’appui. Julie prescrit justement à Karine sa deuxième échographie, celle qu’on qualifie de morphologique et qui permet de confirmer le sexe du bébé. Comme avec Virginie, Julie pose plusieurs questions à Karine, et vice-versa. Et on termine sur le lit pour l’examen. Comme le troisième rendez-vous a été annulé, Julie n’a plus rien à son horaire… ou presque. Elle remplacera sa collègue Marie-Josée pour une visite à domicile, étant donné que celle-ci a passé la nuit debout pour l’accouchement dans la chambre jaune. On s’en va chez Charlène, qui a donné naissance trois jours plus tôt à Joseph, un gros bébé de 11 livres. « Elle a besoin d’aide pour l’allaitement, indique Julie. Ses seins sont tellement engorgés de lait qu’elle pourrait nourrir des jumeaux! » Julie lui apporte un tire-lait manuel, lui explique comment l’utiliser, comment conserver le lait et quoi faire pour diminuer la douleur. Il est 17 h 15. Une bonne journée pour Julie, qui a la chance de terminer tôt. « On ne sait jamais quand on va finir. On a un horaire très imprévisible. On peut être appelée n’importe quand. Ça prend un conjoint très compréhensif! » rigole-t-elle.

Deux parcours, une vision

Carina Baccanale fait bien des jalouses quand elle raconte à quelle vitesse ses deux accouchements se sont déroulés. « J’accouche extrêmement rapidement, c’est même presque drôle! » admet-elle, en se rappelant qu’elle a donné naissance à Maïa et à Alexandre en moins de 90 minutes chacun. Dans les deux cas, elle était accompagnée d’une sage-femme — la même — à la Maison de naissance Côte-des-Neiges, à Montréal. Pour Émilie Joyal, une chiropraticienne de Lévis, la tâche n’a pas été aussi facile. Passé la 41e semaine de grossesse, le petit Éloi se faisait toujours attendre. Après diverses tentatives pour stimuler son travail naturellement, elle a dû se rendre à l’hôpital, ce qui l’a énormément déçue. « Sur le coup, ça a été un choc parce que ce n’était pas ce que j’envisageais. Comme chiro, on a une vision un peu romancée de l’accouchement naturel. On se dit que ça va être zen, sans intervention, et qu’après on va pouvoir rester collée avec le bébé. Mais ça ne se passe pas comme ça à l’hôpital », confie-t-elle. Malgré des expériences tout à fait différentes, ces deux jeunes mamans ont un point en commun : elles gardent un merveilleux souvenir de leur passage en maison de naissance. Ce qui les a particulièrement marquées : la complicité qui s’est créée au fil des rendez-vous. « Une relation vraiment particulière se développe. La sage-femme devient une personne en qui tu as totalement confiance et avec qui tu noues des liens qui se rapprochent de l’amitié. Mais finalement, c’est elle qui t’examine et qui va t’aider à accoucher! » rigole Émilie. « Elle est là pour te rassurer pendant la grossesse, renchérit Carina. Si j’avais besoin de parler à ma sage-femme, je pouvais prendre le téléphone et la joindre à tout moment. C’est ce qui tisse des liens plus étroits qu’avec les médecins, qu’on voit à l’hôpital et qui peinent à nous accorder 10 petites minutes », partage la dame aux origines italo-québécoises. Elle se souvient de ses deux accouchements comme de moments extrêmement intimes, douillets et chaleureux. « Les sages-femmes nous laissent du temps avec notre enfant. Elles font les vérifications et les examens du bébé dans le lit avec nous. Après, quelqu’un nous apporte des fruits et du jus et nous sert un repas si on le souhaite. Toutes les femmes qui nous entourent sont touchantes et lumineuses. » Même si la sage-femme d’Émilie n’a pas pu la suivre à l’hôpital, elle est loin de l’avoir délaissée pour autant. « Dès le lendemain, elle était dans ma chambre d’hôpital. Elle a fait le suivi pendant les six premières semaines. Comme j’avais de la difficulté à allaiter, elle venait chez moi tous les jours et on essayait différentes techniques pour augmenter les apports alimentaires de mon bébé et stimuler sa succion. » Émilie sait que sa sage-femme a été plus que disponible pour elle. Voilà qui l’amène à croire, tout comme Carina, que les futures mamans pour qui l’hôpital correspond peu à leur conception de l’accouchement seront certainement mieux servies auprès d’une sage-femme que d’un médecin. « C’est souvent l’inconnu qui crée de l’inquiétude. Dans les faits, c’est vraiment rassurant », attestent-elles.