Aller directement au contenu

Échographie d’une pratique en évolution

Sage-femme : une profession qui gagne en popularité, mais qui n’a pas encore les moyens de ses ambitions.

Date de publication :

Auteur路e :

Après la longue lutte des sages-femmes pour la reconnaissance de leur statut professionnel, obtenue seulement en 1999, les voici devant une nouvelle bataille : celle pour l’ouverture de plus de maisons de naissance. Tour d’horizon d’une profession qui gagne en popularité auprès des femmes enceintes, mais qui n’a pas encore les moyens de ses ambitions.

Qu’est-ce qu’une maison de naissance?

C’est l’endroit où travaillent les sages-femmes au Québec. Rattachée à un Centre de santé et de services sociaux (CSSS), la maison de naissance sert à la fois de bureau de consultation et de lieu d’accouchement. On y offre aussi des soirées d’information et des cours prénataux. Les maisons de naissance ont été créées à la demande de parents insatisfaits de l’hypermédicalisation des soins prodigués à l’hôpital, qui souhaitaient vivre des accouchements plus naturels. Les futures mamans qui optent pour une sage-femme ont cependant le choix d’accoucher à domicile, à la maison de naissance ou même à l’hôpital.

Est-ce sécuritaire d’accoucher avec l’aide d’une sage-femme?

Les sages-femmes sont des professionnelles de la santé qui ont le droit de faire le suivi de toute grossesse se déroulant normalement, et ce, jusqu’à six semaines après la naissance du bébé. Chaque maison de naissance a convenu d’une entente avec un centre hospitalier pour transférer les cas considérés anormaux. Environ une patiente sur cinq se fait transférer à l’hôpital au moment de l’accouchement. Mais selon Julie Roussy, de la Maison de naissance Mimosa à Saint-Romuald, dans Chaudière-Appalaches, moins de 1 % des transferts sont des cas urgents. « On travaille beaucoup en prévention. On fait le suivi de grossesse régulier en plus de dépister tout ce qui est anormal. On effectue la surveillance adéquate pour prévenir les urgences », dit-elle. Les cas les plus fréquents de transfert à l’hôpital au moment de l’accouchement sont dus à un arrêt de dilatation du col de l’utérus, un arrêt de descente du fœtus, un besoin d’anesthésie péridurale ou une rupture prématurée des membranes. En cas de transfert, la sage-femme peut suivre sa patiente à l’hôpital, mais doit déléguer toutes ses responsabilités au médecin.

Quelle est la formation des sages-femmes?

Depuis septembre 1999, soit après la reconnaissance de leur statut professionnel, une formation universitaire en pratique sage-femme est offerte à l’Université du Québec à Trois-Rivières. Ce baccalauréat s’échelonne sur quatre ans. Les trois quarts de la formation se déroulent en milieu clinique, c’est-à-dire dans une maison de naissance, un centre hospitalier ou à domicile. La future sage-femme cumule ainsi 2 350 heures de stage, pendant lesquelles elle peut pratiquer jusqu’à 70 accouchements. Pour pratiquer en toute légalité une fois diplômée, elle doit renouveler annuellement son adhésion à l’Ordre des sages-femmes du Québec pour 1 800 $.

Qu’est-ce que la Politique de périnatalité 2008-2018 ?

Il s’agit d’un plan d’action du ministère de la Santé et des Services sociaux échelonné sur 10 ans qui vise à offrir les services de sage-femme à une plus grande partie de la population. L’objectif est d’implanter 13 nouvelles maisons de naissance (ce qui porterait leur nombre à 21) afin de permettre à 10 % des femmes enceintes de pouvoir faire appel à une sage-femme. À ce jour, les 143 sages-femmes qui pratiquent au Québec n’assurent que 2 % des accouchements. La province ne compte que 8 maisons de naissance, ainsi que 3 maternités au Nunavik. À Montréal et en Montérégie, deux CSSS offrent des services de sage-femme pour des accouchements à l’hôpital ou à domicile. Les Montérégiennes obtiendront leur maison de naissance au printemps, tel qu’annoncé en avril dernier par le ministre Yves Bolduc, mais bien des projets piétinent dans des régions où il n’y a toujours aucun service de ce genre, comme au Saguenay — Lac-Saint-Jean, à Laval et dans Lanaudière.

Y a-t-il des hommes qui pratiquent le métier?

Aucun au Québec jusqu’à maintenant. Des hommes pratiquent le métier en milieu hospitalier en Ontario, en Colombie-Britannique et en Europe. Selon Huguette Boilard, qui a longtemps lutté pour la reconnaissance du statut professionnel des sages-femmes, il n’est pas impossible de voir un jour des «  sages-hommes » dans la province. « Pour le moment, la population perçoit la profession comme étant strictement réservée aux femmes, et les futures mamans qui viennent en maison de naissance veulent que ce soit une femme qui les aide à accoucher. Mais ça va venir. Je crois que la profession est juste trop jeune. La population sera peut-être plus ouverte aux “sages-hommes” si nous sommes amenées à travailler davantage en milieu hospitalier, là où les hommes ont déjà bien taillé leur place à titre de médecin et spécialiste. »

En complément d’info :

  • Les maisons de naissance au Québec
Crédit photo : Loren Entz*
  1. * Cette huile sur toile intitulée La sage-femme est l’œuvre de Loren Entz. Cet artiste peintre originaire du Kansas a fait de la vie domestique et rurale typique de l’Ouest américain son sujet de prédilection. Loren Entz est membre du regroupement Cowboy Artists of America depuis 1992