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L’enseignement de la vertu

Tolérance et ouverture d’esprit : voilà des valeurs qu’il importe d’inculquer à nos jeunes.

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Tolérance et ouverture d’esprit : voilà des valeurs qu’il importe d’inculquer à nos jeunes. À l’école, depuis 2008, cette transmission s’effectue pendant le controversé cours d’éthique et culture religieuse. Un cadre approprié? La question divise.

Il en a alimenté, des discussions, le cours d’éthique et culture religieuse (ECR) depuis son implantation dans les écoles québécoises à la rentrée 2008. Et il en a fait, des vagues… Ses opposants les plus farouches se sont même retrouvés devant les tribunaux!

Obligatoire pour les élèves du primaire et du secondaire, le programme a remplacé les cours d’enseignement religieux catholique et protestant et celui d’enseignement moral. Les deux grands objectifs de ce changement de cap : la reconnaissance de l’autre et la poursuite du bien commun. Des ambitions louables, quoique très vastes. Et dont le cadre d’application ne convient pas, selon certains, à un système d’éducation que l’on dit laïcisé.

« Ce cours doit être retiré des écoles, car il mécontente tout le monde. »

C’est ainsi que Christian Rioux, journaliste et correspondant du journal Le Devoir à Paris, entame la discussion. À plusieurs reprises, dans les pages du quotidien montréalais, l’observateur politique a dénoncé avec véhémence le cours d’ECR. Selon lui, il « mécontente les croyants, en particulier les catholiques, car il réduit la religion à un simple phénomène culturel à la limite du folklore. Le cours heurte aussi les non-croyants dans la mesure où il véhicule l’image d’un monde où chacun appartient à une religion. Et dans ce monde, les athées et les agnostiques n’ont évidemment pas de place puisqu’ils ne forment pas une “communauté” ».

Devant ces critiques, Denis Watters, qui a coordonné la rédaction du programme d’ECR pour le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS), persiste et signe : « Le programme est un puissant outil d’identité pour le Québec en plus de favoriser l’intégration de la diversité.C’est faire oeuvre utile que d’obliger les élèves, quelles que soient leur culture et leur origine, à connaître les grandes valeurs démocratiques du Québec et les personnages religieux marquants de l’histoire. » [NDLR : Denis Watters tient à spécifier qu’il ne parle pas au nom du MELS, mais en son nom personnel. Nouvellement consultant en éducation, il ne travaille plus au Ministère.]

Le journaliste Christian Rioux souscrit entièrement à l’idée qu’enseigner la culture religieuse à l’école est nécessaire. « C’est une exigence fondamentale.Voire urgente. Mais dans une société laïque, la seule façon de le faire, c’est d’intégrer cet enseignement dans des disciplines reconnues et rigoureuses qui ne prêtent ni à interprétation, ni à controverse. La culture religieuse devrait avoir toute sa place dans les cours d’histoire, de géographie et de littérature. C’est la seule façon d’aborder les religions dans un cadre objectif et laïque sans tomber dans le domaine des croyances personnelles, qui ne concerne pas l’école. »

Une théorie que ne rejette pas M.Watters. « Le Québec a fait un choix. Mais il n’est pas impossible que dans une quinzaine d’années, il y ait une restructuration du programme qui intégrerait l’enseignement de la culture religieuse dans les cours d’univers social. » Par contre, il croit que le coursd’ECR s’inscrit pleinement dans le processus de laïcisation de notre société. « Quand on regarde l’évolution du système d’éducation au Québec, il est clair et net que le programme d’ECR vient boucler la boucle du processus de déconfessionnalisation des écoles. Ce programme ne sépare pas les élèves selon leurs croyances, mais les rassemble dans leurs différences afin qu’ils acquièrent, par le dialogue, des connaissances sur le fait religieux. En ce sens, ce programme favorise davantage l’ouverture et la reconnaissance de l’autre que les trois cours optionnels précédents. »

Denis Watters soutient aussi que cette « reconnaissance de l’autre implique d’abord la connaissance de sa propre identité. Être ouvert à l’autre, à sa vision du monde, c’est d’abord se poser la question : Quelle est MA vision du monde? » Il rejette du coup la critique selon laquelle le cours d’ECR ferait constamment la promotion des minorités au détriment de la majorité. Au contraire, dans la présentation du livre Le petit guide ECR-101, M. Watters affirme que les élèves apprendront, dans ce cours, « les principes et les valeurs chers à notre société de même que la richesse du patrimoine religieux québécois ». Des valeurs qui prennent le nom d’égalité des sexes, de justice, de tolérance, etc.

« La tolérance, bien sûr que c’est une bonne chose », s’exclame Christian Rioux, mais le « moralisme gluant » de nos écoles l’exaspère. À ce sujet, le journaliste tient à rappeler que « le rôle de l’école, c’est d’abord et avant tout d’instruire nos enfants, pas de les rendre fins, beaux, propres et gentils ».

Imaginons qu’un élève affirme, dans un de ses cours d’ECR, qu’il s’oppose au port du voile. Cette opinion tranchée serait-elle perçue (et notée) comme une marque d’intolérance, comme un outrage au bien commun? « La portion éthique du cours n’est pas là pour dicter à l’élève la vision du monde à laquelle il doit impérativement adhérer, mais plutôt pour l’amener à exercer son esprit critique », assure Denis Watters avant d’ajouter : « Par contre, si un élève prenait position contre l’une des valeurs démocratiques du Québec — s’il affirmait être contre l’égalité des sexes, par exemple –, l’enseignant ou l’enseignante se devrait de réagir sur-le-champ pour remettre les pendules à l’heure. »

D’un point de vue plus global, celui qui observe le Québec depuis l’autre côté de l’Atlantique remarque que les Québécois sont déjà « l’un des peuples les plus tolérants qui soient ». « Ce n’est pas d’une dose supplémentaire de tolérance que nous avons besoin pour intégrer les minorités immigrantes, lance Christian Rioux, mais d’un peu plus de fierté à l’égard de notre culture, de notre histoire et de notre langue. Une culture, une histoire et une langue qu’il faut offrir en partage aux immigrants et qui sont la clé de leur intégration. » Le tout hors du cadre religieux, et en faisant fi des croyances personnelles de chacun, oseraient ajouter certains.