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Les femmes burkinabè

Les dioxines contenues dans les produits de papier ou de carton qui entrent en contact avec le corps ou la nourriture sont-ils dommageables pour la santé?

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Au Burkina Faso, petit pays d’Afrique, les associations de femmes ont plusieurs sujets de préoccupation : excision, polygamie et remariage forcé des veuves. Je n’oublierai jamais le malaise qu’on ressent à être servie à la même table que les hommes, par une femme qui se retire ensuite pour aller manger avec les autres épouses de son conjoint ou ses enfants. Mais je n’oublierai jamais non plus la capacité d’organisation des femmes burkinabè et peut-être surtout leur habileté à faire évoluer les choses, tout en évitant de se marginaliser.

Dans ce petit pays d’Afrique de l’Ouest, les régimes politiques issus de la Révolution de 1983 ont accrédité un certain nombre d’idées et de pratiques nouvelles et, si la réalité ne change pas du jour au lendemain, reste que cette société n’est pas bloquée.

Il y en a pour ne voir dans les femmes burkinabè, et africaines en général, que des servantes soumises à leur mari, courbées sous le poids des traditions et de leurs maternités. Et il y en a d’autres pour dire qu’en privé, ce sont elles qui portent le pantalon et qu’elles gouvernent, en quelque sorte, par procuration. Comme souvent, la vérité se tient loin des extrêmes et loge quelque part entre les deux.

L’Afrique des femmes offre, il est vrai, son lot d’images douloureuses. Paysannes qui triment d’une étoile à l’autre, portant sur leurs épaules une lourde responsabilité dans l’autosuffisance alimentaire, sans jamais être reconnues comme agricultrices autonomes. Vieille femme quêtant un peu de nourriture dans un restaurant de Koupéta, et au sujet de laquelle mes compagnons africains m’ont dit qu’elle avait sans doute été chassée de son village, sorcière accusée d’avoir causé la dernière épidémie ou d’être responsable de la mort de tous ses enfants. Fillettes promises en mariage dès le ventre de leur mère et excisées à l’adolescence, sinon dès la tendre enfance.

La blessure de l’excision

Les mentalités commencent pourtant à changer lentement. Témoin ce séminaire national sur l’excision, tenu en mai 1988, qui a réuni des femmes, des hommes, des anciens, des représentants des autorités politiques, médicales et religieuses. Dans un pays où les chefs coutumiers et les anciens ont encore beaucoup de poids, dans un pays où ce sont les vieilles femmes qui excisent les plus jeunes, les femmes sont conscientes qu’elles ne peuvent combattre l’excision sans une large sensibilisation de la population.

Interrogeant les anciens sur l’origine de cette pratique, elles ont révélé qu’en fait, personne n’a de réponse valable, sinon de dire qu’elle se perd dans la nuit des temps. Soulevant la question religieuse, elles ont mis en lumière le fait qu’aucune religion ne prescrit l’excision. Pour faire contrepoids aux vieilles craintes (une femme non excisée ne peut avoir d’enfants, l’absence d’excision favorise l’infidélité), elles ont mis dans la balance les irréparables dommages causés à la santé des femmes.

Un discours sur le droit au plaisir ou sur la liberté sexuelle aurait fermé les oreilles. Celui qui parle de la souffrance des fillettes, des femmes, des mères, a davantage de chances de les ouvrir. Certes, on excise encore au Burkina Faso, mais c’est un secret moins bien gardé, une question moins taboue, une pratique moins légitime.

Quand un homme meurt

Les Burkinabè vivent sous un double régime juridique : le droit moderne, pour autant qu’on puisse qualifier de moderne le Code Napoléon, et le droit coutumier. Dans les faits, c’est le droit coutumier qui modèle l’organisation sociale dans les villages.

En vertu de ce droit, les parents peuvent promettre leur fille en mariage dès sa naissance, le mariage n’étant pas une affaire personnelle mais une alliance entre deux familles. Les hommes sont les chefs de famille, exercent l’autorité parentale et sont légalement propriétaires des enfants.

La polygamie n’est pas seulement le fait de la classe paysanne pauvre, qui l’apprécie comme apport de main-d’œuvre et comme moyen de partager entre épouses le fardeau des taches domestiques, agricoles et de reproduction. Des Burkinabè haut placés, fonctionnaires ou riches commerçants, la considèrent comme un symbole de richesse et de prestige.
Quand un homme meurt, on accuse sa femme d’avoir porté malchance ou d’avoir voulu le supprimer. Quand une femme meurt c’est le Bon Dieu qui a fait son œuvre. » Mme Lucie Kaboré, fondatrice de l’Association des veuves et orphelins du Burkina (AVOB), explique ainsi le fondement de l’injustice faite aux veuves. Non seulement n’héritent-elles pas des biens du défunt, mais elles sont elles-mêmes considérées comme un objet d’héritage et souvent forcées, selon la pratique du Lévirat d’épouser un frère
ou un parent de leur mari. Une femme qui se révolte risque fort de devoir quitter la famille et le village… en y laissant ses enfants.

Fines stratèges

L’AVOB réclame qu’en cas de décès d’un conjoint, le parent survivant soit responsable des biens et des enfants. Bien sûr, dans les faits, cette reconnaissance profiterait surtout aux femmes, puisque les hommes n’éprouvent aucune espèce de difficulté à hériter, ou à choisir une nouvelle conjointe, si d’aventure leur épouse décède. Mais Mme Kaboré ne veut absolument pas en faire une revendication de femmes, par peur de les marginaliser.

C’est le même sens de la stratégie qui l’a amenée, dans un premier temps, à mettre sur pied des activités génératrices de revenus pour les veuves, plutôt que de se lancer dans les revendications de nature juridique. « Nous voulions, dit-elle, changer la situation juridique des veuves mais si nous avions choisi de nous y attaquer tout de suite, nous étions perdues d’avance, à cause des traditions. Nous avons d’abord choisi de renforcer notre Association, en créant des activités telles que tissage, couture, broderie, fabrique d’huile d’arachide ou de beurre de karité, champ collectif, alphabétisation. »

Mme Jacqueline Tapsoba, membre de l’Association féminine pour le développement communautaire et de la Fédération des femmes burkinabè, déplore quant à elle, le montant dérisoire des allocations familiales : 700 francs CFA (moins de 3 CA) par enfant et par mois, jusqu’à un maximum de
six enfants. Les femmes demandent des allocations plus élevées, qui tiennent compte des coûts réels occasionnés par les enfants.

Mais pourquoi, m’étonnai-je, ne pas avoir demandé aussi que les allocations soient versées à la mère plutôt qu’au père, comme c’est le cas actuellement? « Tout simplement, m’a-t-elle répondu, parce qu’elles ont peur que certains hommes inconscients disent à leur femme de se débrouiller avec cette somme dérisoire. » D’abord des allocations plus substantielles, et ensuite, qui sait?

Code de la famille

Le gouvernement est sur le point d’adopter un nouveau Code des personnes et de la famille, qui devrait interdire le mariage forcé, abolir la pratique du Lévirat, confier la responsabilité des enfants et des biens au conjoint survivant, reconnaître le mariage monogame comme forme légale tout en tolérant la polygamie.

Plusieurs éléments du Code ont été réclamés par des associations de base comme l’AVOB et par l’Union des femmes du Burkina, une structure politique des femmes liée au gouvernement du front populaire qui en a fait une priorité. Si essentiels soient-ils, il n’est pas sûr que les changements juridiques modifient sensiblement la réalité, du moins tant que la situation concrète des femmes n’aura pas changé.

Des groupes agissent aussi dans ce domaine, organisant toutes sortes d’activités économiques et réclamant pour les femmes l’accès à la terre et au crédit. Entre tradition et révolution, les citoyennes burkinabè sont des actrices de premier plan dans la lutte pour l’autosuffisance alimentaire et contre la désertification. Leur reste à être reconnues comme telles et à profiter, elles aussi, des retombées de ces combats.