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Quand la riposte s’impose

Les statistiques sur la criminalité envers les femmes incitent à être sur ses gardes. La sécurité au féminin est-elle possible?

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Les statistiques sur la criminalité envers les femmes incitent à être sur ses gardes. La sécurité au féminin est-elle possible?

Qu’on le veuille ou non, le danger est réel. « Une Canadienne sur quatre a été victime d’un crime contre sa personne ou ses biens au cours des douze derniers mois », affirme Lucie Papineau, auteure de la conférence Protégez-vous de la criminalité, Mesdames et vice-présidente du bureau d’investigation Métropol, dans les Laurentides. « En fait, chaque année, près de 300 000 Québécoises sont victimes d’agressions physiques; près de la moitié ne sont pas signalées, précise la conférencière. Au Canada, une femme sur quatre sera victime d’au moins une agression sexuelle dans sa vie. »

Lucie Papineau, qui a livré ses conseils de sécurité à maints groupes de femmes au Québec, croit que les règles de prudence traditionnelles-celles qu’on nous répète depuis que nous sommes toutes petites-peuvent permettre d’éviter un grand nombre d’agressions. « Changer les serrures d’un nouveau logement, vérifier l’intérieur de sa voiture avant d’y prendre place, éviter de prendre l’ascenseur en même temps qu’un individu à l’allure louche… voilà des précautions qui ont fait leurs preuves » , signale-t-elle.

Léona Heilig, coordonnatrice au Centre de prévention des agressions de Montréal, perçoit différemment le problème. « Pour protéger les femmes contre la violence, on leur a toujours dit de cesser de porter des mini-jupes, de ne pas marcher seules le soir-en un mot, de ne pas tenter l’agresseur, déclare-t-elle. Autrement dit, on leur reproche de projeter l’image d’une personne qui cherche à se faire agresser. On leur impose ainsi des règlements qui, à notre avis, constituent une forme de contrôle de la victime; cela accentue tout simplement la peur des femmes. Plutôt que de préciser aux femmes ce qu’elles ne doivent pas faire pour éviter une agression, nous préférons de loin leur enseigner comment réagir en cas d’agression. »

Un crime contre la personne, c’est…

Tout crime commis en présence de la personne (vol qualifié, extorsion, agression sexuelle, voies de fait, menaces de mort, torture, agression armée, enlèvement, etc. ).

Qui sont les victimes?

Les agressions touchent généralement les personnes les plus faibles et les plus isolées de la société; par conséquent, un grand nombre de femmes âgées ou handicapées. Mais les jeunes femmes sont elles aussi menacées : le nombre de date rape c’est-à-dire de viols perpétrés par l’homme qu’une femme a préalablement accepté d’accompagner lors d’une sortie quelconque est en effet élevé. « Dans la plupart des cas d’agression envers une femme, cette dernière connaît son agresseur », précise Léona Heilig.

Les chiffres semblent appuyer ces propos puisque, entre 1974 et 1987, 39% des 7582 homicides résolus au Canada ont révélé l’existence d’un lien de parenté par alliance ou par le sang entre la victime et son agresseur. Rien de surprenant quand on sait qu’une enquête menée par la firme Decima Research Ltd. auprès de 1834 hommes et femmes de 18 ans et plus à l’automne 1986, a permis de constater que 12% des hommes avouaient avoir, au moins une fois au cours de l’année précédente, « poussé, empoigné ou bousculé leur partenaire ». Un sondage mené auprès de Québécois mariés ou en union libre indique ‘entre eux ont déjà commis une agression contre leur conjointe. Pour l’ensemble du Canada, cette proportion grimpe à 18% .

Dire non

Il est dix heures. Monique entre dans son appartement. Soudain, un cambrioleur surgit devant elle, un couteau à la main. Que faire? Crier à l’aide? Attaquer? Fuir? Le meilleur moyen de défense consiste à surprendre l’agresseur, à lui montrer qu’il s’est trompé en croyant avoir trouvé une faible proie. « L’approche verbale suffit souvent à faire fuir un agresseur, estime Léona Heilig. La personne agressée doit absolument exprimer, par son attitude, qu’elle refuse de perdre le contrôle de la situation. Il faut à tout prix éviter ces scènes mélodramatiques où l’agressée supplie l’agresseur de la laisser partir ». « La femme qui reste calme a effectivement plus de chances de s’en sortir indemne », confirme Lucie Papineau.

Un certain nombre d’organismes dispensent de l’aide (hébergement, accompagnement) et de l’information aux femmes qui subissent de la violence sous une forme ou sous une autre. Devant l’impossibilité de les énumérer tous, en voici quelques-uns auprès desquels on pourra obtenir des renseignements plus précis.

Certaines femmes jugeront préférable d’effrayer l’agresseur en tentant d’attirer l’attention des passants : hurler, frapper sur un objet résonnant ou klaxonner, par exemple.

Armes et menaces sont loin d’être les seuls éléments qui permettent de reconnaître la violence. Elle s’annonce parfois de façon subtile. Ainsi, le chantage et la manipulation peuvent-ils mettre la femme dans une situation délicate devant un agresseur potentiel. « On nous a appris, petites filles, que nous devions toujours être gentilles et polies, dit Léona Heilig. Il faut pourtant savoir dire non de façon positive. Trop souvent, nous fermons les yeux devant une situation inacceptable; cela finit par dégénérer. »

Les femmes ont rarement le réflexe de se défendre activement, de façon physique. Pourtant, la riposte s’impose parfois. Il faut alors viser les points faibles de l’agresseur… et surtout miser sur ses propres points forts, explique Léona Heilig : « Une personne handicapée peut se servir de sa chaise électrique; en mouvement, un tel fauteuil peut faire mal! »

« Il faut rappeler que la loi permet à une personne attaquée illégalement de se défendre avec la force nécessaire afin de protéger sa vie et son intégrité physique, signale Lucie Papineau. Il suffit que la personne juge que son agresseur est en mesure d’utiliser la force à ce moment même pour qu’elle puisse avoir recours à son droit à la légitime défense. » Cette nécessité a d’ailleurs été reconnue dans le cas d’Angélique Lynn Lavallée, d’abord acquittée de l’accusation d’avoir tué son conjoint et qui a vu son acquittement annulé par la Cour d’appel. En dernière instance, la Cour suprême a maintenu l’acquittement en reconnaissant, ce 4 mai dernier, que Mme Lavallée avait agi ainsi parce qu’elle était convaincue que son mari, l’ayant déjà menacée de mort, était sur le point de passer aux actes.

Nulle ne saurait jurer de rien. Il est sûr, cependant, que les femmes prêtes à réagir à une agression se donnent plus de chances d’en sortir victorieuses.

Un recours mal connu

Il existe une loi sur l’indemnisation des victimes d’actes criminels. Cette loi-dont l’application relève de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) prévoit une indemnisation en cas d’atteintes physiques ou psychologiques perpétrées au Québec dans un contexte criminel. Les victimes connaissent mal ce recours. En fait, le Service de l’indemnisation des victimes d’actes criminels, rattaché à la CSST, indique que seulement 5% des 46 717 crimes contre la personne perpétrés en 1989 au Québec ont donné lieu à une demande d’indemnisation. Les formulaires de demande sont disponibles dans les bureaux régionaux de la CSST.