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A l’école des affaires

C’est mercredi soir, 7 heures. Quinze à vingt jeunes – filles et garçons – de 5e secondaire sont réunis en conseil d’administration. A l’ordre du jour: emprunt ou marge de crédit.

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C’est mercredi soir, 7 heures. Quinze à vingt jeunes-filles et garçons de 5e secondaire sont réunis en conseil d’administration. A l’ordre du jour : emprunt ou marge de crédit. Si ce n’était de la salle de classe, on pourrait se croire au 20e étage de la Place Ville-Marie où se brassent de véritables affaires. Ces jeunes de 16 à 18 ans-qu’on appelle JE démontrent un sérieux et un enthousiasme tels que leur conviction est profonde de pouvoir enrayer la récession économique. Qui sont donc ces « jeunes chevaliers et chevalières d’industrie »? En 1974, des hommes d’affaires, constatant que l’entrepreneurship est à la baisse au Québec, créent le Mouvement des Jeunes entreprises. Ce programme vise à faire comprendre aux jeunes les rouages du système économique au moyen d’une expérience concrète, celle de la formation d’une compagnie. Sur les conseils du milieu des affaires et de l’industrie, ces jeunes forment leur propre conseil d’administration, réalisent une étude de marché, se procurent du capital-actions, fabriquent un produit et le vendent, tiennent à jour les livres de la compagnie et produisent un rapport annuel aux actionnaires. Les élèves se rencontrent environ trois heures par semaine pour organiser, faire fonctionner et finalement liquider cette mini-entreprise. « Trois heures par semaine, c’est ce qu’on nous dit à la rencontre d’information, mais « mets-en » . Ça peut aller jusqu’à quinze heures quand on est en grosse période de production », s’accordent à dire Véronique et Jean-Maxime affairés à confectionner une paire de pantoufles portant leur propre marque de commerce. « Sans compter le temps qu’il faut pour rencontrer les médias, les commanditaires, les propriétaires de centres commerciaux ou de magasins en vue d’établir des points de vente ». Véronique, ex-JE, a tellement aimé son expérience qu’elle la fait partager aux élèves qui démarrent leur entreprise : « Bien sûr, nous apprenons le fonctionnement du monde des affaires car nous participons à toutes les étapes de la confection d’un produit, de la conception jusqu’à la mise en marché. Mais il y a plus que cela. On apprend à travailler en équipe, à établir une solidarité en vue du succès de l’entreprise, à analyser le jeu de la concurrence dans un système capitaliste. Et comme cette expérience se situe à un moment de nos études où nous devons effectuer des choix, elle nous apprend à mieux nous orienter. Celles ou ceux qui ne sont pas capables de faire les compromis que commandent la vie dans une organisation sont mieux de tirer leur révérence. Par ailleurs, d’autres peuvent se découvrir des talents de leaders », ajoute Véronique. Fait-on l’apprentissage du syndicalisme au sein de l’entreprise? « Tout est possible dans les JE, nous dit Sophie qui consacre une soirée par semaine à conseiller ces jeunes. Ce serait cependant difficile dans ce contexte puisque les élèves sont à la fois membres de la direction et du personnel. » C’est plutôt à une expérience de cogestion à laquelle les jeunes sont conviés. Quand il s’agit de décider à quel taux on rémunérera le temps supplémentaire, par exemple, tout le monde a en tête la hausse du coût du produit et la diminution des dividendes que toucheront les actionnaires. Car les JE, en plus de vendre leurs actions à l’extérieur, sont également actionnaires de leur compagnie, ce qui ne fait qu’augmenter leur intérêt à la bonne gestion de l’entreprise. On peut se demander si tout ce temps consacré à la compagnie peut nuire au travail scolaire. « Certes non, affirme Julie. C’est un choix que nous faisons parmi bien d’autres activités parascolaires. En plus, c’est un enseignement pratique que nous recevons. Ça nous aide à mieux intégrer les cours théoriques de mathématiques ou de science économique, par exemple. Il faut dire aussi que ce sont davantage celles et ceux qui songent à une carrière en administration qui s’inscrivent au programme des JE. Des élèves ont même abandonné l’équipe de volleyball ou raccourci leur fin de semaine de ski parce que ce choix leur tient plus à cœur » , ajoute Julie. En plus de l’aide du personnel conseil et technique du Mouvement des JE, les jeunes peuvent compter sur les directions d’école. Sœur Jacqueline, responsable de la vie étudiante, supporte les efforts de ses entrepreneures : « Les expériences antérieures nous ont convaincues que les jeunes tirent un grand profit tant sur le plan individuel que collectif. Les filles apprennent très tôt qu’elles sont capables de gérer une entreprise. Etre disponible, avoir le sens de l’organisation, se serrer les coudes quand l’entreprise est dans l’impasse et avoir le goût de réussir ne sont pas des attitudes propres à un sexe plus qu’à l’autre » , a-t-elle pu vérifier.