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Le nombre d’adolescentes enceintes

Le nombre de grossesses à l’adolescence diminue presque partout dans le monde sauf au Québec, où il n’a cessé d’augmenter depuis dix ans.

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Le nombre de grossesses à l’adolescence diminue presque partout dans le monde sauf au Québec, où il n’a cessé d’augmenter depuis dix ans. Dans sa politique de périnatalité, rendue publique au printemps 1993, le ministère de la Santé et des Services sociaux ( MSSS ) s’inquiète de cette situation.

Le taux de grossesses chez les adolescentes québécoises de 14 à 17 ans est passé de 12, 5 pour 1000 en 1980 à 18, 8 pour 1000 en 1990, soit une augmentation de 50% . En 1990, 7, 5% des jeunes filles sont devenues enceintes avant d’atteindre l’âge de 18 ans; 2, 5% d’entre elles ont mené leur grossesse à terme, les autres ont opté pour l’avortement (4, 5% ) ou ont fait une fausse couche (0. 5% ).

Les auteurs de la politique de périnatalité ont constaté que les adolescentes qui recourent à l’avortement ont généralement des ambitions scolaires et professionnelles mieux définies que celles qui choisissent de garder leur enfant. Ces dernières sont souvent issues de milieux socio-économiques défavorisés. Elles voient la venue de l’enfant comme une façon d’échapper à leur milieu familial et d’acquérir une certaine autonomie. Certaines sont des délinquantes en fugue ou séjournant en centre d’accueil, et vivent leur adolescence dans la révolte. Dans la plupart des cas, la grossesse se poursuit dans l’ambivalence et l’établissement du lien mère-enfant n’est pas chose aisée. De plus, la venue d’un bébé n’améliore en rien la condition des adolescentes : la moitié d’entre elles quittent l’école, les deux tiers vivent de l’aide sociale et les quatre cinquièmes se retrouvent à la tête d’une famille monoparentale.

Constatant que cette situation perturbe leur santé et leur qualité de vie, le MSSS se propose de ramener le taux de grossesses chez les adolescentes à moins de 15 pour 1000 au cours des prochaines années et de réduire les conséquences de ces grossesses sur la santé et le bien-être des mères et de leurs enfants.

Éduquer et informer

Le MSSS compte s’associer avec le ministère de l’Éducation pour soutenir le réseau scolaire dans ses activités portant sur la sexualité et favoriser la scolarisation des jeunes mères. Actuellement, tout l’enseignement sur la sexualité se résume à quelques cours de biologie au début du secondaire et à quelque 25 heures données à l’intérieur du programme Formation personnelle et sociale dans les trois dernières années du secondaire. De plus, on note une grande disparité dans cet enseignement d’une école à l’autre. « Trop souvent, déplore Jean Guimond, médecin à la Clinique des jeunes, à Montréal, ces cours sont donnés comme on donne un cours de géographie : pas d’empathie, pas de contact personnel. Ce n’est pas tout le monde qui est à l’aise pour parler de sexualité avec des jeunes et capable d’en parler sans porter de jugement et sans faire la morale » . En fait, il faut considérer non seulement le contenu informatif d’un nouveau programme, mais aussi s’assurer de la compétence de celles et de ceux qui offriront cet enseignement et de quelle façon il sera présenté.

Dans son avis portant sur l’accessibilité des services de contraception et d’avortement, le Conseil du statut de la femme soutient que le phénomène de la grossesse chez les adolescentes pose des questions très importantes quant aux services d’éducation et d’information destinés aux jeunes : « Pourquoi sont-ils amenés à vivre une sexualité sur un mode adulte?, se demande le CSF. N’y a-t-il pas une sexualité de l’adolescence qui se vivrait plus sur le plan de la curiosité, de l’exploration?

Le flou contraceptif

Le CSF se dit déçu que la mesure qu’il avait proposée, soit la distribution gratuite des contraceptifs aux moins de 18 ans, n’ait pas été adoptée par le MSSS . « Nous n’avons retenu que les mesures qui faisaient consensus », affirme Sylvie Montreuil du MSSS , qui a participé à la rédaction de la politique de périnatalité. Pourtant, comme il y a peu de chances que les jeunes renoncent à la sexualité dans un proche avenir, la situation exigerait des actions concrètes en matière de contraception. « Il y a dix ans, quand on pratiquait un avortement sur une jeune fille de moins de 14 ans, c’était une exception, révèle Jean Guimond. Cette année, j’ai dû en faire six ou huit » .

Édith Guilbert, la directrice de la Clinique de planification des naissances du Centre hospitalier de l’Université Laval, à Québec, croit qu’il ne faut pas attendre la 1re secondaire pour donner de l’information sur la sexualité. « A la commission scolaire des Découvreurs, en banlieue de Québec, dès la 1re secondaire, 10% des jeunes sont sexuellement actifs, dit-elle. Cette proportion atteint 60% à 70% en 5e secondaire. Plusieurs utilisent encore des méthodes peu efficaces comme la méthode du calendrier ou celle du coït interrompu. Les élèves sont très mal informés. Plus on a une attitude ouverte avec eux pour discuter de ces questions, mieux on peut les amener à prendre soin de leur sexualité » , assure la Dre Guilbert.

Et la nouvelle pilule, le Marvelon (R), dont on a dit qu’elle conviendrait particulièrement bien aux adolescentes? « Il faut nuancer cette information, affirme Édith Guilbert. Ces nouveaux contraceptifs-il y en a quatre marques différentes-contiennent des progestérones de 4e génération. Les études théoriques démontrent bien que sur le plan biochimique, ils ont moins d’effets androgéniques, donc provoquent moins d’acné, moins de prise de poids, etc. Par contre, il n’y a pas d’évidence que sur le plan clinique, cela se traduira par une différence sensible. Il n’en demeure pas moins que la pilule est un excellent contraceptif pour les jeunes. »

Un meilleur suivi

Aux futures jeunes mères, le MSSS désire offrir de meilleures conditions à celles qui décident de poursuivre leur grossesse. Selon les auteurs de la politique, les jeunes ont souvent des habitudes de vie déficientes en matière de santé : elles s’alimentent mal et pas assez, très souvent elles fument, elles consomment parfois de l’alcool et des drogues. Plus que la moyenne des femmes, elles ont des bébés prématurés et de petit poids. Celles qui choisissent l’avortement le subissent souvent au deuxième trimestre, qui comporte plus de risques pour la santé qu’un avortement effectué avant la 12e semaine.

Les jeunes vivant dans des conditions socio-économiques difficiles ont du mal à s’adapter à leur rôle de parent. Dans ce contexte, l’enfant risque davantage d’être victime de négligence et d’abus. Il est donc très important d’intensifier le soutien à ces jeunes familles qui refusent habituellement d’utiliser les services à leur disposition parce qu’elles ne s’y reconnaissent pas.

Pour l’instant, aucun plan d’action concret n’a été établi et le MSSS ne prévoit pas d’injection d’argent pour soutenir de nouveaux projets. Les projets existants bénéficieront tout au plus de réaménagements de budgets. Sylvie Montreuil mentionne certaines initiatives dont pourront s’inspirer les régies régionales de la santé et des services sociaux, quand viendra le temps d’appliquer la politique de périnatalité :

-Le Dispensaire diététique de Montréal intervient sur le plan nutritionnel, mais s’intéresse également à l’environnement social de la mère. Cette année, le dispensaire a suivi 270 adolescentes, soit 10% de sa clientèle;

-le CLSC Basseville de Québec offre un accompagnement avec une approche psychodynamique, afin de faciliter l’épanouissement du lien mère-enfant;

-le DSC Maisonneuve-Rosemont offre de l’aide aux adolescentes pour faciliter le passage à la maternité et éviter les abus et les négligences envers les enfants.

Pour sa part, la Dre Édith Guilbert croit qu’il faut absolument améliorer les services cliniques qui s’adressent spécifiquement aux jeunes et assurer une meilleure coordination entre ces services et les milieux scolaires. Quand les jeunes se sentent bien reçus, ils n’hésitent pas à consulter médecins, infirmières ou travailleurs sociaux et à y diriger leurs amis.