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Dépistage du cancer du sein

Au Québec, le cancer du sein atteint une femme sur neuf et constitue la première cause de décès chez les femmes de 40 à 59 ans. Un dépistage précoce améliorera-t-il la situation?

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Au Québec, le cancer du sein atteint une femme sur neuf et constitue la première cause de décès chez les femmes de 40 à 59 ans. Un dépistage précoce améliorera-t-il la situation?

L’annonce d’un plan de dépistage du cancer du sein fait du Québec la septième province canadienne à se doter d’un tel programme qui permet de détecter la maladie à un stade précoce et d’en faciliter le diagnostic.

Le volet majeur du plan d’action réside dans le dépistage systématique (mammographie et examen clinique) offert à tous les deux ans aux femmes de 50 à 69 ans. Actuellement, le dépistage se fait à la pièce, sur ordonnance médicale et s’est développé à même les services diagnostiques assumés par la Régie de l’assurance-maladie. Toutefois, il semble que 60% des femmes de cet âge n’aient jamais passé de mammographie. D’ici trois ans, le temps que le programme soit appliqué intégralement, environ 100 000 mammographies devraient s’ajouter aux 340 000 qui se font déjà.

Pourquoi s’adresse-t-on spécifiquement aux femmes de 50 à 69 ans? « Les études nous démontrent que c’est à cet âge que la procédure est le plus efficace » , affirme le Dr Marc Dionne, directeur de la Protection de la santé publique au ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS).

La clinique des maladies du sein de l’hôpital Saint-Sacrement à Québec a participé à une vaste étude nationale sur la portée des programmes de dépistage. Selon la Dre Jocelyne Chiquette, chef de service de sénologie à cette clinique, l’étude a confirmé qu’il est possible de diminuer de façon appréciable la mortalité par cancer du sein chez les femmes de plus de 50 ans en leur proposant un suivi par examen physique et par mammographie. L’examen du sein est très important car certaines lésions palpables peuvent passer inaperçues sur un film. Le plan d’action du MSSS souligne qu’en combinant les deux examens, on détecte 15% de plus de tumeurs que par mammographie seulement. « Un tel programme devrait permettre une diminution de la mortalité de l’ordre de 15% à 30%, affirme Jocelyne Chiquette. On espère rejoindre 70% de la clientèle visée.

Une question controversée

La mammographie est un examen techniquement très exigeant; pour obtenir des résultats valables, une grande, rigueur s’impose. Une étude menée par le Conseil d’évaluation des technologies de la santé (CETS) a démontré que la qualité des radiographies et l’interprétation qui en est faite varie beaucoup d’un endroit à l’autre. Plusieurs facteurs peuvent en affecter la fiabilité : appareils désuets, mauvaise qualité de film, lecture déficiente des radiographies, etc. Des 150 centres qui font présentement des mammographies, le ministère n’en accréditera qu’une quarantaine pour répondre aux besoins sur l’ensemble du territoire du Québec. On songe également à acquérir une unité mobile afin de desservir les femmes des régions très éloignées. « Certains centres font très peu de mammographies et donc ne développent pas d’expertise, affirme Marc Dionne, alors que d’autres obtiennent trop de résultats faussement positifs. Chacune des cliniques sera évaluée. L’appareillage sera amélioré là où c’est nécessaire et nous verrons à contrôler la qualité du personnel technique ».

« Actuellement, sur cinq images qui nous paraissent inquiétantes, il n’y en a qu’une qui révèle un cancer, souligne Jocelyne Chiquette. En améliorant notre équipement, nous aimerions ramener ce taux à un sur trois car, pour l’instant, quatre femmes sur cinq doivent subir des biopsies inutilement ».

Pour plusieurs raisons, le recours à la mammographie pour le dépistage du cancer du sein ne fait pas l’unanimité parmi les experts : les taux de réduction de la mortalité ne sont pas toujours concluants, la qualité des images radiologiques est souvent décevante, certains soupçonnent les radiations d’avoir un effet néfaste sur le sein, et un dépistage précoce peut s’avérer moralement désastreux lorsque la guérison n’est pas possible. Chez les femmes de moins de 50 ans, il semble que le dépistage n’ait pas d’effet sur le taux de mortalité. On ne s’explique pas très bien ce phénomène, mais on sait que le sein d’une femme plus jeune est plus dense et donne de moins bonnes images radiologiques. Par ailleurs, dans ce groupe d’âge, les tumeurs sont parfois plus résistantes aux traitements et se propagent très rapidement. Chez les femmes de 40 à 49 ans, le dépistage systématique sera réservé à celles qui, en raison de leurs antécédents personnels ou familiaux, présentent un haut risque de développer un cancer du sein. Pour toutes les autres femmes, la mammographie est offerte sur recommandation médicale.

Un bon accueil

Dans l’ensemble, les réactions sont favorables au plan du MSSS. « On a privilégié la partie de la population la plus susceptible d’obtenir des gains à l’égard du taux de mortalité, affirme Louise Voyer, agente de recherche au Conseil du statut de la femme, et on a préservé l’accessibilité des services pour tous les groupes d’âge, ce qui, pour nous, était essentiel ».

Lise Lamontagne se réjouit de l’accueil du Ministère aux demandes du Regroupement des centres de santé des femmes. « On s’est montré très ouvert à certaines propositions que nous avons faites, comme celle de confier l’examen du sein à d’autres professionnels de la santé que les médecins, explique la coordonnatrice. La question de la formation des médecins sera également examinée. C’est heureux car de nombreuses femmes ayant une tumeur au sein se sont fait dire par leur praticien qu’elles étaient trop jeunes pour avoir un cancer ».

Toutefois, au Breast Cancer Action, un organisme regroupant des femmes touchées par le cancer du sein, la porte-parole Sharon Batt craint qu’en mettant ainsi l’accent sur la mammographie de dépistage, les femmes se fient trop à des résultats qui ne sont pas valables à 100% . « De plus, poursuit-elle, les femmes ne réalisent pas toujours que le sein risque d’être affecté par les radiations des mammographies de dépistage, spécialement chez celles de moins de 30 ans » .

Sharon Batt se demande pourquoi le programme ne s’applique plus après l’âge de 69 ans. On sait que l’incidence du cancer du sein augmente beaucoup avec l’âge. Comment compte-t-on rejoindre ces femmes « hors catégorie »? Le plan du ministère reste flou sur cette question.

A défaut de prévention

Si on met ainsi l’accent sur le dépistage, c’est qu’on ne connaît toujours pas les causes du cancer du sein et qu’il n’est donc pas possible d’agir à titre préventif. Sharon Batt insiste : « La recherche devrait nous expliquer pourquoi l’incidence de cette maladie est si élevée en Amérique du Nord et pourquoi les traitements actuels ne sauvent pas plus de vies » .

Jusqu’à présent, la recherche a été dominée par l’industrie pharmaceutique avec des résultats plutôt décevants. Une des plus importantes études en cours aux États-Unis et au Canada porte sur un éventuel effet préventif du tamoxifen, un anti-œstrogène qu’on utilise présentement pour traiter les femmes souffrant d’un cancer du sein hormono-dépendant. Comme pour tout médicament, des risques et des effets secondaires importants sont associés à la prise du tamoxifen. Sur les 16 000 volontaires qu’on comptait recruter pour cette étude, à peine la moitié se sont présentées. Sharon Batt croit que les femmes atteintes d’un cancer du sein devraient être consultées dans le choix des axes de recherche. « La recherche ne se fait pas dans le sens que les femmes désirent », affirme-t-elle. C’est le message que plusieurs d’entre elles ont lancé de façon très active l’automne dernier au Forum national sur le cancer du sein à Montréal. Dorénavant, il faudrait se pencher davantage sur les facteurs environnementaux, l’hérédité, l’alimentation, etc. Cependant, de telles études sont difficiles à réaliser, demandent beaucoup de temps et de gros investissements.

En l’absence de guide plus précis en matière de prévention, on se contente de conseils généraux afin de maintenir le système immunitaire en bon état : adopter une bonne alimentation, faire de l’exercice, éviter le stress, le tabac, le café et l’alcool. « Dans le contexte actuel, le dépistage, c’est ce qu’on peut offrir de mieux » , observe Jocelyne Chiquette.