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La marche des femmes: Acte II

Tel est le tour de force, et non des moindres, réalisé par La Marche des femmes et qui ressort du bilan rendu public à l’occasion d’une journée de relance et de retrouvailles.

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Qu’on se le tienne pour dit : réussite et surplus peuvent aussi rimer avec communautaire. Mieux, ils peuvent être associés à enrichissement collectif et à lutte contre la pauvreté.

Tel est le tour de force, et non des moindres, réalisé par La Marche des femmes et qui ressort du bilan rendu public à l’occasion d’une journée de relance et de retrouvailles.

Surplus financier d’abord-d’environ 100 000 $! -soit près du quart des revenus provenant incidemment, pour la très grande majorité, de fonds non gouvernementaux. Mais surplus d’enthousiasme et d’engagement surtout de la part des femmes qui ont participé, de près ou de loin, à la Marche ou qui ont appuyé les revendications de ce mouvement de fond.

Que tous les sceptiques qui avaient cru qu’une fois l’événement terminé la mobilisation retomberait comme un soufflé soient confondus : avec ou sans bottines, la Marche se poursuit. La Gazette des femmes s’en est entretenu avec Françoise David, présidente de la Fédération des femmes du Québec.

« C’est dans un climat de démocratie, tout autant que de recherche d’efficacité, que les quelque 65 représentantes de la Table provinciale de concertation pour la Marche ont identifié les quatre priorités, parmi les neuf revendications de départ, qui seront au cœur du plan d’action pour la prochaine année. »

« Il était important, essentiel même, de se fixer des priorités en raison de la complexité des dossiers à suivre. Le choix n’a pas été difficile, les sujets retenus s’imposant presque d’eux-mêmes parce qu’ils commandent une action à court terme : »

-« une loi satisfaisante sur l’équité salariale que nous voulons obtenir rapidement; »

-« une augmentation, et cette fois sensible, du salaire minimum d’ici le 1er octobre 1996; »

-« la réforme de l’aide sociale, parce que nous savons que la question est à l’ordre du jour politique et que nous voulons nous assurer que les changements respectent les droits et la dignité des personnes assistées sociales; »

-« le programme d’infrastructures sociales, pour lequel des travaux sont déjà en marche, mais dont l’application peut poser des problèmes si on n’en obtient pas de vrais emplois, mais seulement des mesures d’employabilité « revampées ». »

« Pour ce qui est des cinq autres revendications que portait la Marche, ajoute Françoise David, nous continuerons de les suivre, bien sûr, mais en appui des groupes qui s’occupent de façon plus spécifique de ces questions. »

Mais qui donc a marché?

Les organisatrices de la Marche ont adressé un questionnaire aux 582 « marcheuses officielles » : 195 d’entre elles ont pris le soin de répondre, ce qui permet de savoir que :

-75% d’entre elles ont marché 8 jours ou plus;

-67, 2% ont entre 36 et 55 ans;

-si la majorité n’ont pas d’enfant (60, 2% ), 37% sont tout de même mères de 1 à 3 enfants;

-bien que la majorité ait une scolarité post-secondaire, 72, 1% ont un revenu inférieur à 30 000 $ et, pour 60% d’entre elles, il s’agit du seul revenu de la famille;

-pourtant, près de la moitié travaillent à temps plein (47, 6% ), parmi lesquelles 49, 2% sont employées des secteurs public ou parapublic;

-on s’en serait douté, la très grande majorité ont un engagement militant : 32, 6% dans leur organisation syndicale, 26, 2% dans un groupe de femmes et 24, 8%, dans un groupe communautaire; enfin, la très très grande majorité a aimé son expérience sur toute la ligne!

Pour le voir et l’entendre, il ne vous reste qu’à visionner la vidéo sur la Marche réalisée par Petunia Alves, Anne Golden et Stella Valiani : des motifs d’engagement aux ampoules aux pieds, de l’accueil des communautés où les marcheuses se sont arrêtées aux discours politiques, vous pourrez vous tremper ou vous retremper dans cette remarquable odyssée. Vous obtiendrez tous les renseignements nécessaires auprès de la maison de production Groupe Intervention Vidéo

« Afin de faire avancer les questions de l’équité salariale et du salaire minimum, nous prévoyons utiliser toutes nos ressources intellectuelles et créatrices pour organiser deux importantes campagnes de sensibilisation et d’action pour convaincre la population que ces changements sont, non seulement indispensables, mais faisables. Quant aux deux autres questions, il s’agit de dossiers de plus longue haleine qui commanderont des plans d’action précis qui ne sont pas encore élaborés. »

En femme pratique qu’elle est, la présidente de la FFQ poursuit : « Justement pour préparer et réaliser les actions nécessaires à l’atteinte de nos objectifs, la Table provinciale va continuer de se rencontrer, au moins quatre fois l’an, mais nous formerons aussi un comité de coordination. Nous le voulons large, mais centré sur l’action et assurant la représentation des groupes nationaux et régionaux, tout en reflétant la diversité des femmes, des situations qu’elles vivent et des organisations qu’elles se sont données. »

« Cependant, il faut bien voir que plusieurs revendications remettent directement en cause les règles du jeu du système économique. Pour réussir, nous devons nous assurer des appuis, les plus larges possible, des autres mouvements sociaux : bien sûr, des milieux syndical et communautaire-d’ailleurs, depuis la Marche, les femmes de ces mouvements sont déjà très présentes-, mais ça peut aller encore plus loin. Je pense, par exemple, aux femmes d’affaires… »

Françoise David a le vent dans les voiles. Comme au demeurant les 600 femmes qui se sont retrouvées au Spectrum pour fêter le succès de la Marche, leur succès, dans une ambiance empreinte d’électricité et d’émotions. Elles y célébraient ce que Françoise David appelle « le renouveau de la mobilisation collective par un geste qui est venu toucher autant la raison que le cœur ». Cette expérience se solde pour elle par une grande leçon : « Jamais on n’aurait réussi ce qu’on a réussi sans cette jonction entre politique et émotion. C’est ce qui m’a le plus frappée, avec l’accueil et l’appui que nous ont réservés les communautés où nous sommes passées : une solidarité et une sympathie manifestes de personnes de tous âges et sexes confondus. Ce climat était inattendu, et il continue… ! »

Pour Françoise David, c’est clair : jamais la Marche n’aurait connu le succès que l’on sait « sans la jonction entre le politique et l’émotion. Ce climat était inattendu, et il continue… »