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L’indemnisation des victimes d’actes criminels: après le choc, la réparation

Des 1713 demandes d’indemnisation pour un acte criminel présentées en 1994, 54% provenaient de femmes.

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Des 1713 demandes d’indemnisation pour un acte criminel présentées en 1994, 54% provenaient de femmes. Parmi elles, 39% avaient subi une agression sexuelle, de l’inceste à l’agression sexuelle armée, qui s’était déroulée, dans la moitié des cas, à leur propre domicile. Pour obtenir réparation à la suite d’une agression criminelle, les victimes peuvent d’abord intenter des poursuites en responsabilité civile, mais les procédures sont généralement longues et coûteuses.

Elles peuvent également poursuivre au pénal. Mais ce n’est pas là qu’elles obtiendront une compensation pour les souffrances et les douleurs découlant de l’agression, le Code criminel ne prévoyant rien à ce chapitre. Dans le meilleur des cas, elles peuvent espérer obtenir un dédommagement pour la perte de biens ou les dommages matériels.

Enfin, elles peuvent recourir à la Loi sur l’indemnisation des victimes d’actes criminels qui, depuis sa mise en vigueur en 1972, permet aux personnes blessées au cours d’une agression de recevoir une indemnité. Advenant le décès de la victime, les personnes qui étaient à sa charge ou, dans le cas d’un mineur, ses parents, peuvent aussi demander une compensation.

Mais comme l’argent ne saurait se substituer au respect, en 1988 s’est ajoutée la Loi sur l’aide aux victimes d’actes criminels qui reconnaît également à la victime le droit d’être traitée avec courtoisie, équité, compréhension, ainsi que dans le respect de sa dignité et de sa vie privée.

Pourquoi?

Essentiellement, le régime d’indemnisation des victimes d’actes criminels vise à atténuer les préjudices causés par l’agression en redonnant aux victimes, en autant que faire se peut, les conditions dans lesquelles elles se trouvaient avant l’agression. Il faut savoir qu’avant l’adoption de ce régime, les victimes devaient elles-mêmes poursuivre leur agresseur qui, entre autres difficultés, les mettait souvent aux prises avec l’insolvabilité de celui-ci, d’où l’impossibilité d’obtenir une compensation.

L’IVAC a donc facilité les recours sur le plan économique. Par ailleurs, si elle n’oblige pas les victimes à porter plainte contre leur agresseur, en

l’absence d’un rapport de police ou de tout autre document juridique, la victime devra être capable de démontrer que l’agression s’est déroulée comme elle l’a décrite dans sa demande d’indemnisation. On peut facilement imaginer les difficultés que suppose se remémorer dans les moindres détails un événement aussi douloureux. C’est pourquoi l’enquête policière résultant d’une plainte peut grandement aider à l’obtention d’une prestation en fournissant des éléments de preuve déterminants, voire nécessaires à l’étude de la demande. Toutefois, cette exigence peut s’avérer dure à respecter pour nombre de femmes, compte tenu du type de crimes qu’elles subissent. Pour des raisons évidentes, les victimes d’inceste ou de violence conjugale, par exemple, hésiteront à porter formellement plainte contre leur agresseur.

Les exigences de preuve du régime de l’IVAC risquent donc de restreindre l’accès de certaines victimes à des bénéfices auxquels elles pourraient avoir droit.

Où et quand adresser une demande de prestations à l’IVAC?

Toute demande doit être présentée dans l’année où surviennent les dommages matériels, la blessure ou la mort de la victime. Une exception mérite cependant d’être soulignée : compte tenu de la situation particulière des enfants victimes d’agressions sexuelles, la Direction de l’IVAC peut retenir le jour du dévoilement de l’abus sexuel comme date de départ dans le calcul du délai d’un an.

C’est à la Commission de la santé et de la sécurité du travail, chargée de l’application de la Loi sur l’indemnisation des victimes d’actes criminels, qu’on doit adresser les demandes. La CSST a des bureaux dans toutes les régions du Québec. On peut aussi communiquer, sans frais, au 1-800-561-4822. Il n’est pas nécessaire d’être résidente du Québec pour avoir droit à l’indemnisation.

Quelles sont les indemnités accordées?

Les victimes peuvent bénéficier de l’assistance médicale. Elles peuvent aussi obtenir une rente hebdomadaire pour compenser une incapacité temporaire, complète ou partielle, de travailler ou de vaquer à leurs occupations habituelles. Par contre, si les séquelles sont permanentes, les victimes pourront avoir droit à une indemnité mensuelle, dont l’importance variera selon qu’il s’agit d’une incapacité totale ou partielle. Enfin, si les victimes sont décédées des suites de l’agression, leur famille, qu’il s’agisse du conjoint, des parents ou des personnes à charge, aura droit à une allocation spéciale pour couvrir les frais funéraires. Les personnes à leur charge, dont, dans certains cas, leur conjoint, peuvent également obtenir une rente correspondant à 80% de l’indemnité à laquelle les victimes auraient eu droit si elles avaient survécu.

Les indemnités des victimes d’actes criminels sont établies selon les mêmes principes que celles accordées aux travailleuses et travailleurs ayant subi un accident du travail ou une maladie professionnelle.

Dans quels cas l’indemnité peut-elle être refusée?

Parce qu’ils font déjà l’objet d’autres lois, les préjudices subis en raison d’accidents du travail ou d’automobile ne peuvent être couverts par l’indemnisation des victimes d’actes criminels. Mais c’est assurément « la faute lourde » qui représente le principal motif de rejet d’une demande et, de surcroît, le plus contesté. On entend par « faute lourde » un comportement d’insouciance ou de négligence importante qu’on peut considérer comme une « acceptation anticipée » des risques probables et prévisibles. En clair, une jeune femme appartenant à un « gang de rue » ou une victime fréquentant des individus du milieu criminel, pensons à une prostituée, peuvent être considérées à « hauts risques » et, de ce fait, se voir refuser l’accès aux avantages prévus à la loi. De même, par association, on pourra refuser la demande d’indemnisation présentée par la conjointe d’un trafiquant de stupéfiants victime d’un règlement de compte, parce qu’il frayait avec le milieu criminel.

Évidemment, pour établir s’il y a « faute lourde », on devra se fonder sur un jugement de valeur sur la conduite considérée, lequel est étroitement lié aux circonstances propres à chaque cas.

Peut-on cumuler les indemnités?

Rien n’empêche une victime qui fait une demande à la d’exercer, en même temps, d’autres recours. Cependant, si pour un même préjudice la victime obtient une deuxième indemnité, elle devra rembourser à la le montant reçu en vertu du régime de l’IVAC. De plus, la a le droit d’exercer une poursuite civile au nom de la victime et, si elle réussit à obtenir ainsi des dommages-intérêts, s’en servir pour « se rembourser » jusqu’à concurrence du montant qu’elle avait versé.

Etre victime n’est certes pas un sort enviable. Le régime de l’IVAC constitue donc un apport précieux à la réparation des torts subis par la victime. Toutefois, le choc du traumatisme, combiné à la difficulté, dans certains cas, de se conformer aux règles d’accès au régime, rend parfois indispensable l’aide d’un groupe de soutien. A cet effet, l’Association québécoise Plaidoyer-Victimes est une ressource précieuse à connaître.