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Des images pour grandir

Sans être partie en guerre contre le sexisme, Mireille Levert crée des personnages porteurs de sa vision du monde: celle d’une femme qui s’épanouit sur le marché du travail.

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Sans être partie en guerre contre le sexisme, Mireille Levert crée des personnages porteurs de sa vision du monde : celle d’une femme qui s’épanouit sur le marché du travail. Mireille Levert, illustratrice de livres pour enfants, ressemble à ses personnages : grand visage ovale, nez proéminent, petits yeux rieurs et tempérament placide. Depuis 13 ans, elle recrée sur papier des univers variés. Naïf, enjoué, son style émeut et charme tout à la fois. Et quel humour! Après quelques années passées à créer pour les adultes, Mireille Levert s’est laissée happer par le monde de l’enfance, pour pouvoir enfin raconter des histoires avec ses images et donner libre cours à sa fantaisie. « J’aime penser que je contribue à rendre les enfants bien dans leur peau et que je les aide à grandir harmonieusement », dit-elle. Benjamine d’une famille de trois filles, Mireille Levert est née à Saint-Jean-sur-Richelieu. En plein cœur des années 50, Mireille rêve d’ajouter un camion à sa collection de jouets de fille. Le bolide lui est finalement offert, mais c’est une poupée qui est au volant! Grosse déception… L’illustratrice serait la première à protester si, dans les livres pour enfants, les petites filles n’étaient représentées que dans des activités traditionnellement féminines. Mais elle n’a jamais eu envie de partir en guerre contre les stéréotypes. A force de vouloir à tout prix éviter le sexisme, croit-elle, on finit par tomber dans l’absurde, évitant par exemple de montrer une fillette en train de lire parce que c’est trop passif! « Par la force des choses, mes personnages sont porteurs de ma vision du monde, celle d’une femme de 39 ans qui s’épanouit sur le marché du travail », dit-elle. Cette certitude lui suffit et pas question pour elle de mettre de petits Noirs ou des garçons faisant la vaisselle, juste « parce qu’il le faut». L’artiste a mené à bien un projet qui peut, a priori, sembler terriblement désuet : illustrer Le petit chaperon rouge! « Si les contes traditionnels ont franchi la barrière de 300 à 400 ans d’histoire, c’est qu’ils sont efficaces », soutient-elle. Pour Mireille Levert, le drame de la petite naïve qui se fait dévorer par un loup va bien au-delà du cliché sexuel. « Les petits garçons aussi peuvent être leurrés par des personnes méchantes et rusées», dit l’artiste qui est convaincue qu’en évitant de raconter des histoires cruelles aux enfants, on ne les prépare pas adéquatement aux dures réalités de la vie. En outre, soulève-t-elle, « dans la version de Perrault que j’ai retenue, la conclusion de l’histoire donne à l’enfant la conviction que dans la vie, les obstacles peuvent être surmontés ». Mireille Levert, qui a su très tôt qu’elle ferait carrière dans les arts plastiques, ne se lasse pas de son métier. La technique à l’aquarelle, qu’elle privilégie, l’enthousiasme encore. Elle aime les textures qu’elle procure, la sensibilité qu’elle laisse transparaître, la luminosité qui s’en dégage. Lorsqu’elle ouvre son porte-folio, les personnages jaillissent, ronds et joviaux. L’artiste, toujours émerveillée, contemple et commente son œuvre avec la candeur d’une écolière devant son plus beau dessin. « Je suis restée proche de mon enfance, reconnaît-elle. Je peux facilement adapter mon travail en fonction de l’âge de mon public ». Un public qu’elle ne sous-estime pas, d’ailleurs : « Tout comme les adultes, les enfants ont des goûts bien à eux. Vouloir plaire à tous serait par trop ambitieux ». En bonne artiste, Mireille Levert n’aime ni les contraintes, ni les recettes. Par ses dessins, elle rêve d’éveiller en chaque petit garçon son côté féminin, en chaque petite fille, son côté masculin. « Pourquoi ne pas tenter de créer un équilibre? » , suggère-t-elle.