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Féministes et mères

« Les féministes n’aiment pas les mamans», «les féministes sont contre la famille »: rumeurs sans fondement ou réalité?

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« Les féministes n’aiment pas les mamans», « les féministes sont contre la famille » : rumeurs sans fondement ou réalité?

La maternité a été un des sujets les plus abondamment discutés dans l’histoire du mouvement des femmes. Du refus de Simone de Beauvoir qui croyait que seule une libération des fonctions reproductrices et des contraintes du maternage permettrait l’abolition de l’inégalité sexuelle, jusqu’à la célébration de la maternité comme un lieu de savoir et de pouvoir des femmes, tout le spectre des opinions se déploie. Entre ces deux positions, une vaste majorité de féministes et de femmes veulent se réaliser à travers à la fois la maternité et leur insertion dans la sphère publique.

D’ailleurs, une enquête récente menée auprès de mères de la région montréalaise nous apprenait que les femmes acceptent positivement leur double statut de mère et de travailleuse, malgré le stress et la fatigue qu’il occasionne. Dans une forte proportion, elles trouvent leur rôle de mère gratifiant et ont rarement l’impression que la maternité est davantage une corvée qu’un plaisir. Bien plus, l’engagement familial vient au premier rang dans leur échelle de valeurs, ce qui les amène à souscrire en grand nombre à l’idée que la maternité demeure toujours pour les femmes l’expérience de vie la plus importante

Cela ne veut pas dire que les mères en emploi ne subissent pas de tiraillements entre ces deux pôles que sont la maternité et le travail, mais elles sont à la recherche d’un rapport mieux équilibré entre les deux univers et d’un partage plus équitable des responsabilités familiales. Toutefois, leurs partenaires, privés ou sociaux, qui ont une responsabilité évidente dans le soutien aux enfants et aux familles, sont-ils au rendez-vous?

Faisons un petit bilan, juste pour voir. Côté privé, seuls 4% des nouveaux pères, nous le signalions lors d’une enquête menée par le Conseil, utilisent le congé parental. Ils n’ont accru que faiblement leur participation aux travaux domestiques, laissant encore à 80% des mères la responsabilité complète ou quasi complète des tâches de soutien aux enfants. A la rupture d’un couple avec enfants, la situation économique des femmes se dégrade de presque 40% tandis que le niveau de vie des hommes augmente très légèrement, entre autres, parce que les pères séparés qui doivent une pension alimentaire pour les enfants ne s’en acquittent bien que dans un cas sur deux.

Côté public, les écoles renvoient toujours les enfants vers le foyer à 15 h 30, comme si une mère était là à les attendre comme au « bon vieux temps». Les entreprises sont peu enclines à aider les parents à concilier famille et travail : 60% des travailleuses connaissent des interruptions d’emploi de plus d’un an à cause de leurs responsabilités familiales, alors que ce n’est le cas que de 16% des hommes. Le statut des mères sur le marché du travail est donc fragilisé, souvent précaire ou à temps partiel pour accommoder cette autre dimension de leur vie que sont leurs enfants.

Au moyen du système d’assurance-chômage, le congé de maternité n’est payé qu’à 57% du salaire brut des nouvelles mères, alors que la compensation versée pour un accident du travail atteint 90% . Et l’accès à ces prestations parentales sera rendu encore plus difficile par la réforme du système qui est en cours. Sur le plan de la fiscalité fédérale, le gouvernement a mis fin, en 1993, à une tradition de soutien universel aux enfants par des allocations familiales et des déductions fiscales. La nouvelle prestation fiscale pour enfant constitue donc en quelque sorte une redistribution du revenu entre les familles elles-mêmes plutôt qu’entre les particuliers sans enfants et ceux qui en ont. Le Québec a diminué, en 1993, l’étendue de son programme d’allocations de maternité en les liant également au revenu familial, et il a restreint son programme de soins dentaires aux enfants.

Ce ne sont là que quelques exemples. Mais qui illustrent bien le déséquilibre entre l’apport des femmes et de leurs partenaires aux enfants et à la famille. Aujourd’hui, le salaire de la conjointe est devenu indispensable pour assurer à la famille des revenus suffisants. Les hommes sont libérés de leur statut d’unique pourvoyeur qui était souvent lourd à supporter et la société peut s’enrichir grâce à la contribution professionnelle des femmes. Mais la contrepartie pour les mères travailleuses se fait encore attendre…