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Patrimoine familial et régimes de retraite, le délicat partage de la sécurité

A première vue, on pourrait croire que le partage du patrimoine familial entre ex-époux a pour effet de couper en deux parts égales les réserves pour l’avenir accumulées sous différentes formes par le couple durant la vie en commun.

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A première vue, on pourrait croire que le partage du patrimoine familial entre ex-époux a pour effet de couper en deux parts égales les réserves pour l’avenir accumulées sous différentes formes par le couple durant la vie en commun. Dans les faits, l’accès à une juste part du coussin de sécurité n’a rien de si automatique! Avant d’entrer dans le vif du sujet, soulignons que le régime des rentes du Québec (RRQ) fait exception, puisqu’il prévoit nécessairement un partage des gains amassés par le cotisant (à moins d’une ordonnance contraire du juge ou d’une renonciation) aussitôt que lui parvient le jugement de divorce. On retiendra donc que les informations qui suivent concernent les autres régimes, c’est-à-dire ceux auxquels on souscrit au travail ou ceux qu’on se « bâtit » à l’aide d’un RÉER ou de divers fonds de retraite. Cette précision établie, prenons le cas d’un couple qui, tout bien calculé, a prévu que le régime de retraite du mari assurerait à ce dernier 1200 $ mensuellement lorsqu’il cesserait de travailler à 65 ans. Son épouse en déduit qu’advenant le divorce, le partage du patrimoine familial lui donnerait droit à la moitié de ce montant. Logique, puisque la loi a voulu ces dernières années favoriser l’égalité économique des ex-conjoints. Mais inexact! le calcul n’étant pas aussi simple. Les sommes en jeu peuvent varier selon l’âge de l’individu et selon la durée du mariage, être converties ou non en épargne-retraite, être touchées maintenant ou plus tard, être plus ou moins soumises au couperet de l’impôt, être échangées contre un chalet ou l’auto… Bref, le moins nanti des deux sur le plan de la sécurité financière a certainement avantage, en dépit d’une certaine protection de la loi, à savoir sur quelles bases discuter lors d’une rupture. Voyons donc quels sont les points utiles, tant pour évaluer soi-même ce qu’on attend du partage des régimes de retraite que pour en discuter avec son avocate et en faire la meilleure défenseure de ses intérêts.

Demander expressément le partage des régimes de retraite

D’abord, pour mieux comprendre, faisons un retour sur le principe même du partage du patrimoine familial : depuis 1989, en situation de divorce ou de séparation de corps, la loi prévoit le partage de la valeur de l’ensemble des biens à usage familial (résidence, meubles, automobile et régime de retraite), partage à parts égales sauf. On parle donc ici de la valeur des biens à usage familial et non pas des biens eux-mêmes. Pourquoi cette distinction? Parce que lors de l’opération de partage, c’est le total de cette valeur qui est pris en considération; la part qui revient à chacun est établie selon la somme d’argent correspondante, et non pas en fonction de biens précis. Supposons que l’ex-époux est celui des deux qui possède des avantages de rentes plus élevés, comme c’est souvent le cas, et qu’il veut préserver ce portefeuille. Par contre, il se montre plus volontiers disposé à céder, à valeur égale, la maison de la famille dont il est propriétaire. Au terme des discussions, le juge peut décider que l’arrangement se conclut de cette façon. Toutefois, il peut ordonner plutôt le partage du régime de retraite pour autant que l’ex-conjointe en ait fait la demande expresse et que le magistrat juge cette solution plus équitable. C’est pourquoi il est de toute première importance que les femmes se renseignent sur la valeur relative des divers choix et qu’elles s’assurent que leur avocate fasse connaître au tribunal leurs priorités.

S’y retrouver parmi tous les régimes

Pour peu qu’on plonge dans l’univers compartimenté des programmes de sécurité à la retraite, on s’aperçoit de la diversité des acquis, des gains, des modalités de versement des rentes, et aussi des règles de partage lorsque la vie commune prend fin. Ainsi, dans un cas, l’ex-conjointe du cotisant verra-t-elle sa part versée dans un compte de retraite créé par l’organisme qui administre le régime, ce qui pourra lui conférer le statut de participante. Ailleurs, on constituera pour elle le même genre de compte, mais dans une institution financière. La moitié qui lui revient pourra aussi être convertie en régime d’épargne-retraite. Selon une autre formule, il s’agira d’une rente viagère dont le montant est notamment fonction de l’âge de la personne. Pour s’y retrouver dans les mécanismes distincts, il importe donc, dans un premier temps, de bien déterminer les programmes visés. A cette étape, l’avocate peut signifier à une partie adverse qui serait récalcitrante son obligation de livrer les renseignements pertinents. Par la suite, l’ex-conjointe du cotisant peut elle-même, ou par l’intermédiaire de sa procureure, s’adresser directement au Comité de retraite de l’organisme qui gère le fonds afin d’obtenir un relevé de la valeur des droits accumulés durant le mariage par le participant au titre de son régime de retraite. Cette demande peut être assortie de certaines formalités : frais, envoi de documents tels que le certificat de mariage et la convention de divorce, etc. Relevé en main, il faut maintenant s’en remettre à la loi particulière du régime et mettre en parallèle la situation de la personne réclamante avec les règles qui s’appliquent. Le domaine des rentes demeurant, pour la plupart des gens, un univers complexe de calculs actuariels et de données financières hermétiques, on ne doit pas craindre d’aller recueillir auprès des organismes responsables l’éclairage essentiel à l’exercice de ses choix. Enfin, au-delà des caractéristiques de chaque régime, entrent en ligne de compte les besoins et les aspirations de chaque personne face à l’argent dont elle veut disposer maintenant et plus tard. Sans oublier les considérations fiscales qui peuvent faire hésiter entre divers choix : par exemple, qu’est-ce qui est le plus avantageux, la rente de retraite ou le produit de la vente de la résidence familiale? Tout en étant apparemment d’égale valeur, ces deux composantes du patrimoine familial peuvent, dans une situation donnée, ne pas subir dans les mêmes proportions les ponctions de l’impôt. En conséquence, elles assurent, dans la « vraie vie » des bénéfices beaucoup plus inégaux qu’au premier regard. Les avantages et les inconvénients sont donc à évaluer sous l’angle de la fiscalité actuelle et future avec les conseillères compétentes.

Pour être juste, le partage doit parfois être inégal

Étonnant? Un exemple nous éclairera… Dans ce cas-ci, l’ex-épouse est employée dans les services publics et cotise à son régime de retraite depuis de nombreuses années. Celui qui a été son conjoint pendant quinze ans a accumulé beaucoup plus d’argent qu’elle grâce à un commerce personnel et a toujours eu le réflexe d’investir une large part de ses avoirs dans des biens qui ne font pas partie du patrimoine partageable parce qu’ils n’étaient pas à l’usage de la famille : disons, des immeubles à revenus. Le jour où le partage du patrimoine familial doit s’effectuer, on peut réaliser que la règle du 50-50 pour la répartition des biens admis au partage défavoriserait nettement la travailleuse qui ne peut, comme son ex-conjoint, mettre à l’écart du calcul une part substantielle de ce qu’elle possède. Le juge peut alors décider qu’en raison de ces circonstances, le partage le plus équitable est celui qui découpe tout autrement les régimes de retraite de l’ex-épouse, la cotisante étant autorisée à en conserver par exemple 80%, ou même l’entièreté. Voilà une autre situation qui achèvera de nous convaincre qu’il est bien trop simple de présumer que la poire se coupe systématiquement en deux lorsqu’il s’agit du partage de régimes de retraite. Sans pour autant voir la montagne trop grosse, vaut mieux prendre le temps de s’intéresser aux incidences réelles des diverses règles de partage et entrer, sans complexes, mais accompagnée d’une bonne guide, dans le monde du RRQ, du RRE, du RRF, du RREGOP, des RÉER, etc. Pour réaliser le partage, on détermine d’abord la valeur marchande des biens familiaux. Du total, on soustrait les dettes contractées pour leur acquisition ou leur entretien, ainsi que la valeur des biens que les époux possédaient au moment du mariage. C’est ce qui reste au terme de ces calculs qui est partagé.