Aller directement au contenu

Lucette Proulx Sammut : celle par qui la ménopause s’éclaire

Si vous ne voulez pas m’écouter, ne venez pas vous plaindre lorsque vous aurez 75 ans et que vous souffrirez d’ostéoporose». «Vous refusez de prendre des hormones?

Date de publication :

Auteur路e :

« Si vous ne voulez pas m’écouter, ne venez pas vous plaindre lorsque vous aurez 75 ans et que vous souffrirez d’ostéoporose. » « Vous refusez de prendre des hormones? Alors, ne revenez plus me voir. » Combien de femmes ont encaissé ce genre de répliques devant leur refus ou leur hésitation à prendre des hormones? Et combien d’autres ont déploré le peu d’informations qu’elles recevaient sur la ménopause? Assez pour que naisse et vive le bulletin de liaison Une véritable amie, explique Lucette Proulx Sammut, l’actuelle rédactrice en chef.

Une nouvelle carrière

D’abord une publication anglophone du nom de A Friend Indeed, créée par Janine O’Leary Cobb en , la version anglaise est ensuite traduite en français sous le nom d’Une véritable amie. Puis, les deux bulletins, qui paraissent dix fois l’an, deviennent indépendants l’un de l’autre, traitant sensiblement des mêmes sujets, mais sous un angle différent et avec des perspectives appropriées aux deux communautés. Mais qu’est-ce qui a amené Mme Proulx Sammut, une ex-enseignante, à devenir rédactrice d’Une véritable amie? La ménopause, bien sûr! « En , j’ai pris une année sabbatique à la suite d’une hystérectomie et d’une ovariectomie. Comme plusieurs femmes, je me posais beaucoup de questions sur la ménopause. » La même année, Jeanne Maranda, alors rédactrice en chef du bulletin, lance un appel à toutes pour se faire remplacer. Il n’en faut pas plus pour que Mme Proulx Sammut se lance dans l’arène. Au fil des ans, elle acquiert sur la ménopause et les phénomènes qui surviennent à cette période de la vie un savoir suffisamment consistant pour nourrir le bulletin et quelques ouvrages sur le sujet1

Des renseignements, pas des dogmes

Sans parti pris dogmatique, Une véritable amie propose une approche globale de la ménopause et essaie de démystifier celle-ci. « On aborde, entre autres, les approches dites “douces”, mais pas n’importe lesquelles et pas avec n’importe qui, prévient Mme Proulx Sammut. On valide toujours nos sources. Et puis tout n’est pas blanc ni noir. Il faut savoir nuancer. » Ainsi, reconnaît-elle, en parlant de la prise d’hormones : « Certaines femmes, à cause de leur condition, doivent en prendre ou ont avantage à le faire. Nous avons publié deux numéros expliquant aussi bien les avantages que les inconvénients de la prise d’hormones. » Ce qui la désole, en fait, c’est que des médecins les prescrivent presque automatiquement sans étudier à fond le dossier de la patiente pour évaluer la pertinence d’un tel traitement, voire les contre-indications possibles. « Au cours d’un congrès de spécialistes, raconte-t-elle, j’ai même entendu un gynécologue dire : “Les femmes ne sont pas assez informées. Il faut qu’on devienne des meilleurs vendeurs d’hormones”. » De quoi ravir les compagnies pharmaceutiques qui subventionnent les recherches dans ce domaine! Donc, avant toute chose, Une véritable amie cherche à donner le maximum de renseignements aux femmes pour qu’elles puissent prendre une décision éclairée, leur décision. D’ailleurs, dès ses débuts, Mme Proulx Sammut s’est employée à établir un vaste réseau de personnes ressources (médecins, psychologues, gynécologues, spécialistes des médecines douces, etc.) susceptibles d’alimenter le bulletin en informations aussi diverses que pertinentes.

La ménopause, un drame?

« On dramatise beaucoup trop la ménopause, déplore Mme Proulx Sammut. En Occident, et particulièrement en Amérique du Nord, on la traite comme une maladie pour laquelle on propose immédiatement un traitement : les hormones. Alors que dans plusieurs sociétés, remarque-t-elle, la ménopause est vue comme un phénomène tout à fait naturel sans plus. Au Japon, il n’y a même pas d’expression précise pour traduire “bouffées de chaleur”. » Que doit-on en déduire? La rédactrice d’Une véritable amie soutient qu’on ne pousse pas assez les recherches en ce sens. « On a toujours tendance à associer les malaises liés à la ménopause seulement à la baisse d’œstrogènes qui survient à ce moment-là et non à d’autres causes telles que le type d’alimentation, l’activité physique, le mode de vie en général dont l’exposition au stress. » « En plus, on est vraiment porté à tout attribuer à la ménopause. Savez-vous qu’une étude hollandaise2 a analysé 12 manifestations périménopausiques et que seules les bouffées de chaleur ont pu être associées directement à la ménopause? Tous les autres symptômes pouvaient se présenter tant chez les femmes que chez les hommes ». En fait, on oublie trop souvent que les hommes vivent, eux aussi, des bouleversements à un âge plus mûr de la vie. Il semblerait même, selon Mme Proulx Sammut, que le départ des enfants, appelé le « syndrome du nid vide », les affecterait autant sinon plus que les mères. Sans parler d’autres changements liés à la sexualité. Pourquoi dramatiser tellement plus la ménopause que l’andropause? D’ailleurs, elle considère que la ménopause est une période de transition dans la vie des femmes et non une catastrophe. Et, insiste-t-elle, « il y a aussi d’autres changements qui marquent cette période de leur vie. » Par exemple, en plus du départ des enfants, il y a la retraite du mari qui vient parfois bouleverser le quotidien des femmes, quand il ne s’agit pas de leur propre retraite. La rédactrice d’Une véritable amie reproche donc aux médecins d’adopter souvent une approche trop fragmentée de la ménopause. « Plusieurs oublient de considérer tout son aspect psychologique et social. Ensuite, les médecins devraient respecter plus l’intelligence des femmes et les aider à prendre en charge leur santé. » Selon elle, la relation entre médecin et patiente devrait être plus égalitaire, et le droit à l’information un plus grand souci de la part de ces derniers.

Solidarité au pays de la ménopause

Heureusement, le bulletin joue le rôle d’un véritable groupe d’entraide, particulièrement pour les femmes des régions éloignées. La rubrique « Entre amies », où l’on invite les lectrices à partager leurs expériences, y occupe une place très importante. Elle est devenue un authentique lieu d’échange qui permet aux femmes de réaliser qu’elles ne sont pas seules à se questionner et à vivre certaines situations. « Ce n’est pas une revue comme les autres, souligne Mme Proulx Sammut, le contact avec les lectrices est primordial. C’est ce qui m’encourage et me donne l’énergie pour continuer. Car il y a du boulot et le salaire est modeste. Il s’agit d’un travail solitaire au départ, mais ce retour des lectrices est tellement gratifiant. Et puis, personne d’autre que nous donne cette information. » De plus, la rédactrice en chef affirme que, depuis son entrée en fonction, aucun spécialiste n’a critiqué le contenu du bulletin. Ne bénéficiant pas de subvention et n’acceptant aucune publicité, Une véritable amie affiche une neutralité au-dessus de tout soupçon. Le revers de la médaille : une situation financière précaire qui repose entièrement sur le nombre d’abonnées. Mais il en faut plus pour abattre Lucette Proulx Sammut qui confie que le bulletin l’a aidée à apprivoiser sa propre ménopause et le vieillissement. « On oublie trop souvent que les femmes de 50 ans ont du potentiel et des choses à réaliser. » Et comment! La quinquagénaire, grand-mère de quatre petits-enfants, a de quoi être fière. Elle aura permis à des milliers de femmes de mieux comprendre et de partager ce qu’elles vivent à cette époque charnière de la vie, voire de prendre en charge leur santé. Qui a dit que la vie s’arrêtait avec la ménopause?
  1. Ouvrages de Mme Proulx Sammut :
    • La ménopause, mieux comprise, mieux vécue, Édimag, 1992.
    • Son andropause, mieux comprise, mieux vécue, Édimag, 1993.
    • L’ostéopause, mieux comprise, mieux vécue, Édimag, 1995.
  2. Van Hall, E.V., Verdel, M. and Van Der Velden, J., « Perimenopausal » Complaints in Women and Men : A Comparative Study, Journal of Women’s Health, Vol. 3, Number 1, , pages 45-49.