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Pour une télé plus pacifique

Vingt ans les séparent, mais elles ont un dénominateur commun : le refus de la violence. Croisade de deux battantes pour une télé plus pacifique.

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Vingt ans les séparent, mais elles ont un dénominateur commun : le refus de la violence. Croisade de deux battantes pour une télé plus pacifique. Adolescente, j’étais très idéaliste. Aujourd’hui, à 20 ans, je sais que c’était utopique de ma part de vouloir changer le monde. Mais je ne renie pas mes actions, bien au contraire. Dans le contexte, j’ai fait ce que j’ai pu, et ce, dans la pleine mesure de mes moyens. » Sept ans après avoir mené une croisade contre la violence à la télévision à la suite du meurtre de sa sœur, Virginie Larivière tient un discours plus nuancé qu’à l’époque où elle a réussi le tour de force de recueillir 1,3 million de signatures en vue d’inciter le gouvernement à interdire toute forme de violence au petit écran. « J’avais 13 ans, et ma petite sœur venait de mourir assassinée. Je ne comprenais pas. Essentiellement, mon message était basé sur la rage et la révolte. » Par le truchement des médias, son cri d’alarme et son appel à la non-violence ont été entendus. De tous les coins du Québec, des centaines de lettres d’appui lui sont parvenues, dont bon nombre de victimes d’agression sexuelle ou de violence. Du haut de son adolescence révoltée, convaincue de l’importance de sa mission, Virginie Larivière a sillonné sans relâche les routes de la province pour prendre la parole dans les écoles primaires et secondaires pour s’adresser à des politiciens et à des journalistes. « L’expérience m’a donné non seulement confiance en moi, mais elle m’a appris que je possédais des forces intérieures insoupçonnées. Dans les moments difficiles, je me sers de ce que j’ai vécu pour aller encore plus loin. » Mais, avant d’atteindre cet équilibre, la jeune fille d’alors aura eu sa traversée du désert. Victime de surmenage, frôlant de près la dépression nerveuse, elle n’en terminera pas moins ses études secondaires, puis une formation en cinéma au cégep Saint-Laurent. Actuellement en année sabbatique, Virginie Larivière prépare en quelque sorte son retour sur scène. « Je rêve, depuis que je suis toute petite, de faire du cinéma ou du théâtre. Cela fait partie de moi, au même titre que le refus de la violence. C’est pourquoi, je n’accepterais jamais de jouer dans une série de type Omerta. Il faut être conséquent avec soi-même. » Dénonçant les reconstitutions de meurtres, de viols et de vols qui foisonnent à la télévision, la jeune femme croit que la violence y est à la hausse. Et le phénomène s’étend au réseau Internet, sur lequel la pédophilie et la pornographie se disputent les faveurs de voyeurs rivés à leur ordinateur. De la même façon que l’on ne fabrique pas un explosif avec un seul élément, la violence résulte de plusieurs facteurs, à son avis. « Notre mode de vie, axé sur la performance et la consommation, influe aussi sur le degré de violence. On ne prend plus le temps d’être près de ses parents, de parler à ses enfants ou d’aller passer un après-midi dans un parc, par exemple. Tout le monde est pressé, surmené, constamment prêt à passer à autre chose. » Très sollicitée pour être porte-parole de causes humanitaires ou environnementales, Virginie Larivière trouve parfois que le vedettariat pèse lourd, bien qu’elle comprenne les aléas du métier de personnalité publique. « Vous savez, c’est exigeant de vouloir sauver l’humanité à tout prix. Au cours des deux dernières années, je me suis souvent sentie très, très seule. Maintenant, j’ai le goût de voyager, d’avoir des enfants. Bref, de vivre pleinement ma vie. » En 1976, Micheline Charest et son conjoint Ron Weinberg fondent la maison de distribution Cinar. Pari ambitieux, elle met le cap sur un créneau novateur : des émissions éducatives non violentes pour enfants. Cette femme d’affaires avertie a tellement bien mené sa barque que Cinar se classe parmi les chefs de file mondiaux du divertissement destiné aux tout-petits. Figurent au panthéon de cette multinationale les émissions La maison de Ouimzie, Arthur et Zoboomafoo, toutes diffusées sur la chaîne éducative américaine PBS, sans compter la célèbre série de dessins animés Caillou qui y sera présentée d’ici un an. « Quand on s’adresse à une population aussi vulnérable que celle des enfants, on doit absolument reconnaître que l’on détient un pouvoir exceptionnel », affirme la grande patronne de cette entreprise dont les actions en bourse se chiffrent à des millions de dollars. « En fait, je ne crois pas que l’on puisse faire de la télé sans être conscient de ce pouvoir. Dans cette optique, Cinar met un point d’honneur à offrir aux enfants des produits non violents et non sexistes, ce qui favorise le développement de la personnalité de femmes et d’hommes en puissance. Certes, nous sommes là d’abord et avant tout pour divertir, mais avec une valeur ajoutée qui fait toute la différence. » Cette valeur ajoutée se fonde justement sur des principes de vie que Micheline Charest et son équipe souhaitent transmettre à leur jeune public : la tolérance, la confiance en soi, le sens des responsabilités et le respect de soi et des autres. « Quand on pense que les enfants regardent la télévision une vingtaine ou une trentaine d’heures par semaine, on comprend l’importance de leur présenter un produit de qualité. » Affichant un degré de tolérance zéro relativement à toute forme de violence, cette mère de deux adolescents croit que la médiatisation à outrance d’événements récents, comme les tueries dans les écoles secondaires, contribue étroitement à l’augmentation de la violence. Selon elle, il faut certes respecter le droit du public à l’information. Il n’en demeure pas moins que certains faits doivent être abordés « avec beaucoup de doigté et énormément de sagesse. Depuis une dizaine d’années, les nouvelles ont tendance à être traitées comme une composante économique pour mousser la vente des journaux ou pour augmenter les cotes d’écoute. Finalement, la question consiste à savoir si, en tant que société, on veut perpétuer cette situation ou bien changer les choses. » Cette volonté de créer un monde meilleur, Micheline Charest l’étend au domaine des femmes, dont elle a toujours aimé s’entourer — elles sont sept sur quatorze membres de la haute direction de l’entreprise. Féministe jusqu’au bout des ongles, cette influente femme d’affaires québécoise a toujours pensé que les grandes entreprises y perdaient en ne favorisant pas un meilleur équilibre entre les forces féminines et masculines, précisément dans les hautes sphères. « J’aime travailler là où il y a une complémentarité de savoir-faire. Je désire vivre dans une société juste où les femmes auront complètement accès au pouvoir et à l’équité », lance-t-elle comme un credo. Tenace et déterminée, Micheline Charest ne cache pas qu’elle voit loin, très loin. « Les limites, ça n’existe que dans la tête finalement. »