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La longue marche des femmes au Québec

Pour scander leurs colères et leurs espoirs. Pour faire avancer leurs causes, imposer leur vision du monde et la défendre.

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Émeute à Montréal : « Des femmes mourant de faim se plaignent qu’on leur vend le pain vingt sols la livre » notait dans son journal le marquis de Montcalm… en . Rassemblements, pétitions, grèves, marches, manifestations, ce n’est pas d’hier que les Québécoises se mobilisent, descendent dans la rue. Pour signifier leurs désaccords et revendiquer leurs droits. Pour scander leurs colères et leurs espoirs. Pour faire avancer leurs causes, imposer leur vision du monde et la défendre.

La Marche mondiale des femmes en l’an a des racines profondes. Les quelques dates jalons réunies ici le rappellent : l’histoire des Québécoises est en marche depuis longtemps. Et elle s’écrit pas à pas.

Droit de vote : des femmes persistent et signent

Aucune imperfection ne place les femmes plus bas que l’homme dans l’échelle intellectuelle et rendrait en elles l’exercice de la franchise élective plus dangereux que d’autres. Les femmes ont droit au privilège de voter. Ainsi revendiquent des pétitionnaires féminines dans un texte déposé le à la Chambre, d’Assemblée du Bas-Canada. À l’époque, la loi ne précise pas le sexe des « personnes » qui peuvent voter. À la condition de posséder une propriété, les femmes ont donc droit de vote, par défaut! Sauf que, aux élections de , nombre d’entre elles se sont vu refuser ce droit. D’où l’indignation des Pétitionnaires. En , l’« anomalie » historique sera partiellement corrigée : les femmes mariées perdront le droit de vote. En , l’exclusion sera totale : désormais, aucune femme ne peut se présenter aux urnes.

Révolte des Patriotes : aux armes, citoyennes!

La révolte gronde. Même s’il leur est interdit de participer directement à la milice et à l’action politique, les femmes trouvent le moyen d’être du combat. Elles assistent en grand nombre aux assemblées populaires de protestation. Certaines n’hésitent pas à organiser chez elles des réunions de patriotes et même à s’armer pour entrer dans la lutte. D’autres soutiennent les hommes à leur façon : elles fondent des balles et fabriquent des cartouches, boycottent les produits britanniques entre autres choses.

La répression consécutive aux insurrections des Patriotes sera dure. Les femmes en subiront les contrecoups : non seulement l’incendie de leur maison en jettera beaucoup à la rue, mais leur mari sera emprisonné, déporté, condamné à mort. Elles réagiront en écrivant à Sir John Colborne, gouverneur de l’époque, et à sa femme pour implorer leur indulgence. Leurs lettres resteront sans réponse.

À travail égal, salaire égal : les maîtresses d’école en ont assez!

Les institutrices de Montréal lèvent le ton. Elles signent une pétition pour se plaindre de leur salaire déplorable et exigent d’être payées comme les instituteurs. En une certaine Miss Binmore écrit dans The Educational Record de Québec un article où elle fait valoir que, dans les villes nord-américaines, il y a de moins en moins de discrimination salariale. « Cette discrimination persiste encore à Montréal mais ne nous décourageons pas, ce n’est qu’une question de temps. » Cet article témoigne de la naissance d’une nouvelle attitude : les travailleuses sont maintenant conscientes de l’importance sociale de leur travail.

Tournant des années

Les travailleuses descendent dans la rue!

En , plus de 500 ouvrières font la grève durant douze jours aux moulins Hudson d’Hochelaga. C’est la première grève d’envergure dans le secteur du textile! Les assemblées syndicales sont houleuses, rapportent les journaux de l’époque : les femmes y sont en effet très actives et très hostiles aux briseurs de grèves. La Montreal Cotton de Valleyfiled, usine dans laquelle une grande partie de la main d’œuvre est composée de femmes, connaîtra par ailleurs sept grèves jusqu’en , et quelques-unes seront violentes.

De à , les textiles et le vêtement, secteurs d’activités économiques occupés majoritairement, par des femmes, sont, après les transports, ceux où l’on compte le plus de grèves et de lock-out.

Les travailleures immigrantes sont descendues dans la rue

surtout lors des grèves dans les secteurs du textile. Rien là d’étonnant! Même si certaines arrivaient ici avec une bonne éducation ou une formation spécialisée, elles devaient recommencer au bas de l’échelle pour gagner leur vie et celle de leur famille. Or, ces secteurs avaient besoin de main-d’œuvre. Les immigrantes ont fait plus que participer aux nombreuses grèves et manifestations; elles ont contribué à faire émerger chez des travailleurs et de travailleuses une prise de conscience de leurs droits qui a été à l’origine des grands combats pour obtenir la syndicalisation. Nombre d’entre elles, particulièrement celles qui arrivaient en provenance des pays de l’Est, étaient très politisées, très sensibilisées à la lutte des classes. Elles ont fait essaimer ces idées ici, au Québec. Certaines, je pense par exemple à Léa Roback, une Juive d’origine polonaise, sont devenues d’ailleurs de grandes leaders du mouvement! Bref, l’apport des immigrantes est indéniable. Si je me fie à leur engagement actuel lors des grèves, j’imagine aussi qu’à l’époque elles devaient être au premier rang des manifestations. Dans le secteur de l’hôtellerie par exemple, où elles sont nombreuses, elles demeurent vigilantes aux réunions syndicales, sont très actives sur les piquets de grève, participent beaucoup. Des marches comme celle « Du pain et des roses » et La Marche mondiale des femmes mènent cependant à la même constatation : que l’on soit immigrante ou d’ici, que l’on vienne de n’importe où sur la planète, on vit toutes les mêmes problèmes. On se bât toutes au fond pour les mêmes choses. C’est unies que les femmes gagneront. On l’a compris. Avec la Marche à l’an , on fait une entrée dans le nouveau millénaire en rangs serrés.

Émilia CASTRO, vice-présidente du Conseil central de Québec-Chaudières-Appalaches et responsable du dossier des femmes à la CSN

Les conflits de travail impliquant des femmes se multiplient.

Grève de douze employées à la manufacture de cigarettes Rattray’s de Montréal (): le conflit se termine par leur renvoi. Grève à la filature de coton de Saint-Henri à Montréal (): les grévistes sont surtout des femmes. Grève à la filature Merchants Cotton Co. (): la dizaine de jeunes filles à l’origine de celle-ci sont congédiées. Grève à la Dominion Textile (): les femmes y forment la majorité de la main-d’œuvre et les deux tiers des membres du syndicat (elles sont souvent « vice-présidentes des cellules locales » d’ailleurs). Grève des « gobeuses » (ouvrières spécialisées) à la compagnie d’amiante Johnson de Thetford Mines (): la trentaine de jeunes filles qui y travaillent débrayent. Grève des allumettières de Huit (): l’une des premières menées par des femmes au Québec et au Canada. Le conflit éclate lorsque l’employeur décide d’abaisser les salaires… et de remplacer les contremaîtresses par des contremaîtres. Grève des ouvrières du département de fabrication des couvre-chaussures de la Dominion Rubber de Montréal (): les ouvrières grévistes forment un syndicat. L’ensemble des 700 travailleurs et travailleuses de l’usine y adhéreront. Ces ouvrières instaurent une « structure représentative des deux sexes »: un homme et une femme siègent donc à chaque poste.

Partout, dans une foule de secteurs, des ouvrières se lèvent pour faire valoir leurs droits. Dans leurs rangs, beaucoup d’immigrantes. Surtout lorsqu’elles font partie d’un syndicat, les travailleuses ne se plient pas facilement à l’exploitation dont elles sont victimes. Loin de là!

La femme doit plus que jamais participer à la chose publique.

L’homme seul a failli à la tâche. Les féministes ne veulent pas que la femme se « masculinise », elles veulent que les qualités féminines rayonnent, dans la politique. On ne peut être charitable sans être juste et on ne peut guère être juste en refusant à la moitié de la population le privilège de choisir ceux qui fabriquent les lois et organisent la vie de tous les êtres humains, hommes et femmes. Messieurs, nous vous demandons ces droits pour vos mères, vos sœurs, vos filles et les ouvrières. Nous donnons la vie; pourquoi n’aurions-nous pas le droit de prendre une part active dans la fabrication des lois d’hygiène, dans l’administration financière et dans le bien-être de la Population? Permettez-nous d’élire nos législateurs. Nous sommes des êtres humains responsables. Veuillez nous traiter comme tels.

Idola SANT-JEAN, (), militante pour l’obtention du droit de vote des Québécoises.

Les travailleuses continuent le combat; les conflits prennent de l’ampleur.

En , plus de 4 000 ouvrières et ouvriers s’unissent : c’est la première grande grève de « la guenille » (confection pour dames). Les femmes y jouent un rôle clé. Au cours d’une manifestation, dix d’entre elles sont arrêtées. Trois ans plus tard, 5 000 midinettes récidivent pour faire reconnaître leur syndicat. Elles obtiennent gain de cause au bout de trois semaines, grâce à Léa Roback entre autres, une immigrante militante communiste qui a consacré toute sa vie à la lutte ouvrière.

En , 10 000 ouvrières et ouvriers des huit usines de la Dominion Textile débrayent. La plus grande grève jamais vue jusqu’alors au Québec! Elle sera suivie neuf ans plus tard, en , d’un autre combat historique : 6 000 ouvrières et ouvriers de la Dominion Textile de Montréal et de Valleyfield se mettent en grève pour plus de trois mois. À leur tête, Madeleine Parent et son mari Kent Rowley qui dirigent la section québécoise du Syndicat des ouvriers unis du textile d’Amérique. La lutte sera rude. Les grévistes l’emporteront.

« On ne te, dira jamais assez » :

si la grève de à la Dominion Textile de Valleyfield s’est soldée par une victoire, c’est grâce aux femmes. Ce conflit, le plus marquant de tous ceux auxquels j’ai participé, durait depuis dix semaines déjà quand le syndicat a lancé un appel : « On a besoin des femmes sur les lignes de piquetage. » Non seulement les ouvrières étaient convoquées (le piquetage était habituellement réservé aux hommes) mais aussi les épouses, les mères, les sœurs des grévistes. Bref, toutes! Les femmes, regroupées en Dames auxiliaires, faisaient déjà leur part dans le conflit : entre autres choses, elles assistaient aux assemblées, allaient plaider la cause des grévistes auprès de propriétaires mécontents, demandaient crédit aux marchands au nom des grévistes. Mais là, c’était différent; on avait besoin d’elles dans le feu de l’action! Elles ne se sont pas fait prier. Le mot d’ordre n’a été lancé qu’une seule fois mais il s’est répandu comme une traînée de poudre. De voisine en voisine, et avec la complicité des livreurs qui transmettaient le message de cliente en cliente. Au jour dit, à l’heure dite, quand les gardes de la compagnie et la police de Duplessis se sont présentés pour escorter les briseurs de grève à la sortie de l’usine, 5 000 personnes les attendaient. Les policiers ont tout fait pour effrayer les femmes avec leurs motocyclettes, leurs armes et leurs bombes lacrymogènes. Elles n’ont pas bronché, elles ont fait montre d’un courage extraordinaire. Deux d’entre elles ont même servi de gardes du corps à Kent Rowley et à un autre des organisateurs lorsqu’ils sont allés négocier à l’intérieur de l’usine. Les femmes faisaient vraiment partie de la lutte et s’en sentaient responsables. Grâce à elles, ce jour-là, nous avons vaincu, même si tout ne s’est officiellement terminé que quelques semaines plus tard. Depuis, le , un monument s’élève à Valleyfield en hommage aux grévistes de . On y voit un homme, un petit garçon d’une dizaine d’années (les enfants ont aussi fait leur part dans ce conflit) et, au premier plan, une femme. Ce n’est que normal. À cette occasion, les femmes ont été héroïques. Pour moi, la Marche de l’an est un rappel direct de ces événements. Les femmes seront toujours prêtes à se mobiliser pour une cause juste.

Madeleine PARENT, ex-organisatrice syndicale

La marche des citoyennes!

Une première : les femmes entreprennent une marche pour reconquérir leur droit de vote! En , environ 400 femmes se rendent en délégation à Québec tenter de convaincre le premier ministre Louis-Alexandre Taschereau. Elles se butent à un refus catégorique de sa part. Des articles hostiles pullulent dans les journaux, teintés de crainte, de descriptions physiques ridicules et d’un chauvinisme qui transforment la démarche des femmes en cirque de mauvais goût. L’affaire inquiète : « L’annonce des délégations féminines ne créa pas au Parlement de Québec un mince émoi. S’il en est ainsi quand ces dames viennent demander des droits politiques, qu’en sera-t-il quand elles les exerceront? » Mais les féministes, regroupées derrière Idola Saint-Jean, fondatrice de l’Alliance canadienne pour le vote des femmes au Québec, et Thérèse Casgrain, de la Ligue des droits des femmes, continuent la bataille. Elles reviendront en délégation au moins une quinzaine de fois manifester à Québec.

Idola Saint-Jean se serait certainement fait une joie de battre la Marche mondiale des femmes en l’an , elle qui déjà, il y a 70 ans, réclamait « l’abolition de la concurrence effrénée et de l’égoïsme et l’équilibre entre les nations riches et pauvres. »

En , le Montreal Women’s Club sera à l’origine d’une autre stratégie publicitaire originale, une véritable campagne d’opinion publique : « des femmes-sandwiches » arpentent les rues de Montréal et de Québec en portant des panneaux en faveur du droit de vote des femmes!

Le , la loi reconnaissant le droit de vote aux citoyennes du Québec est adoptée. Le gouvernement fédéral en avait fait autant en et les autres provinces, entre et . Aux élections de , les Québécoises votent. Enfin.

Une pour toutes, toutes pour une!

C’est la crise. La Solidarité féminine, une association fondée en , veut « se préoccuper tout particulièrement de la situation des femmes qui sont habituellement négligées (filles-mères et mères nécessiteuses) et les amener à s’impliquer directement dans les luttes. » La Solidarité organise une foule de manifestations pour protester contre les hausses de loyer, le chômage, le coût de la vie ; bref, toutes les difficultés auxquelles les femmes se butent en ces temps difficiles. Le , 400 femmes prendront d’assaut les tramways, sans payer, pour aller manifester à la Commission du chômage et à l’Hôtel de ville de Montréal. Cinq d’entre elles seront arrêtées.

SVP, la paix.

La menace d’une guerre nucléaire plane. La Voix des femmes, un mouvement international de militantes pour la paix, se fait entendre : conduites par Laura Sebia pour la section canadienne et Thérèse Casgrain, pour la section québécoise, des femmes s’unissent dans un immense « Train de la paix » et marchent devant l’édifice du Parlement d’Ottawa pour dénoncer l’armement nucléaire.

Indiennes nous sommes, Indiennes nous resterons.

Les femmes autochtones en ont assez : elles réclament un amendement à la Loi sur les Indiens () qui les prive de leur statut en cas de mariage avec un non-Indien. Marches, manifestations, revendications, la lutte sera longue. En elles auront finalement gain de cause.

Nous avons le droit de manifester, nous avons le droit de nous exprimer.

Dans la nuit du , 200 femmes s’enchaînent et défilent pour protester contre le règlement anti-manifestation de la Ville de Montréal. Elles seront arrêtées et condamnées à payer des amendes.

En , les femmes obtiennent le droit d’occuper la fonction de jurée à la suite d’une manifestation organisée par le Front de libération des femmes.

Je me rappelle en , les femmes autochtones

sont parties de Kanesatake (Oka) et ont marché jusqu’à Ottawa pour dénoncer la Loi sur les Indiens qui leur faisait perdre leur statut d’Amérindienne si elles épousaient un non-Indien. Cette marche constitue une grande première dans l’histoire des femmes autochtones. Elle n’avait pas été organisée par une association officielle, mais par un « gang de femmes » qui jugeaient que l’injustice avait suffisamment duré. Les femmes autochtones avaient beaucoup parlé, beaucoup discuté de la question dans leur cuisine. Mais là, elles avaient décidé qu’il était temps de porter le débat sur la place publique. Toutes les femmes autochtones du pays étaient solidaires. Pourquoi le mouvement a-t-il commencé à cette époque, alors que la Loi était centenaire? L’influence du féminisme a joué, certainement. Durant les années suivantes, les femmes autochtones ont exercé un lobby constant auprès des parlementaires. Certaines, comme Mary Two Axe Early, fondatrice du mouvement Equal Rights for Native Women et une de ses leaders, étaient conviées à des rencontres internationales et en profitaient pour dénoncer la situation. Chacune travaillait de son côté, mais toutes dans le même sens. La bataille a duré des années et des années. La tâche était lourde, nous nous butions à la fois au gouvernement fédéral et à nos conseils de bande qui jugeaient le moment très mal choisi pour demander de modifier la Loi (au tournant des années , le gouvernement menaçait d’abolir la Loi sur les Indiens pour faire de ces derniers des Canadiens comme les autres). Les chefs disaient aux femmes : « On va d’abord régler nos affaires, ensuite on s’occupera de vous. » Mais les femmes n’en pouvaient plus d’attendre et commençaient à prendre conscience de leur force, de leur pouvoir. En fin de compte, elles ont gagné. En , la Loi a finalement été amendée. Cependant, la marche des femmes autochtones vers l’égalité, la non-violence, l’autonomie se poursuit… Les acquis sont fragiles. La Marche de l’an , par ses thèmes et son ton international, nous interpelle aussi.

Elle nous permettra d’avancer solidairement aux côtés de nos sœurs autochtones des deux Amériques.

Michèle ROULEAU, consultante en affaires autochtones et ex-présidente de l’Association des femmes autochtones du Québec

8 mars : toutes femmes unies

« Ménagères et travailleuses — même combat »: c’est sous ce thème de ralliement que plus de femmes, après avoir manifesté, se rassemblent. Un point tournant : les militantes venant de divers groupes de femmes, les centrales syndicales et nombreux groupements sociaux décident que, désormais, c’est ensemble qu’ils travailleront à l’organisation nationale de la Journée du .

L’union fait la force

dans le secteur de la santé, les femmes se mobilisent depuis longtemps. En effet, on sait que les infirmières ont fait des grèves et manifesté sur la colline parlementaire à plusieurs reprises afin d’obtenir gain de cause, autant pour une meilleure reconnaissance salariale que pour l’amélioration des conditions de leur travail. Cela tout en réclamant haut et fort une amélioration des soins de santé à la population.

Il faudra attendre les années , celles de l’expansion des effectifs dans les services publics et celle des syndicats, pour consolider et développer le syndicalisme infirmier. Ce sont d’ailleurs des infirmières de l’Alliance des infirmières de Montréal qui, en , à l’hôpital Sainte-Justine, se mettent en grève qualifiée, déjà, d’illégale pour protester contre la charge de travail excessive imputable à la Loi de l’assurance hospitalisation adoptée en . Cette grève fut un des premiers conflits marquant dans le syndicalisme du secteur public et parapublic.

En , d’autres infirmières, membres de la CSN, font la grève au sein du Front commun. Deux infirmières, l’une de l’hôpital Saint-Jean-de-Dieu et l’autre de l’hôpital Charles-Lemoyne, furent même emprisonnées durant quelques semaines. Quelques années plus tard, conscientes de la faiblesse de leur division, les trois fédérations indépendantes d’infirmières — la Fédération des syndicats professionnels des infirmiers et infirmières du Québec (FSPIIQ), la Fédération québécoise des infirmiers et infirmières (FQII), la Fédération des infirmières unies (FIU) — unissent leurs forces et fondent la Fédération des infirmiers et infirmières du Québec (FIIQ) en , créant ainsi la plus importante organisation de femmes syndiquées en Amérique du Nord.

En , sous le thème « Pour être là demain », les 35 000 infirmières de la FIIQ font sept jours de grève, défient une loi spéciale et réussissent à signer une entente. Dix ans plus tard, l’histoire se répète et l’expression de « trop plein », notamment à cause des nombreuses compressions budgétaires des dernières années, amène les infirmières à faire vingt-trois jours de grève, à défier une autre loi spéciale afin d’obtenir des mécanismes efficaces permettant de diminuer leur fardeau de tâches, une reconnaissance de la valeur de leur travail et la fin de la précarité de leur emploi (temps partiel, sur appel, etc.).

Jennie SKENE, Présidente de la Fédération des Infirmières et Infirmiers du Québec (FIIQ)

Les femmes se mobilisent pour le « OUI », pour le « NON »

C’est l’année du référendum. Plus de 15,000 femmes pour le « Oui » répondent à l’appel de Lise Payette et se rendent au Complexe Desjardins pour appuyer la souveraineté-association. Contre-réaction : peu de temps après, des femmes se mobilisent pour le « Non » à la suite d’un malheureux commentaire de Lise Payette sur Madeleine Ryan (épouse du chef libéral, Claude Ryan, qui préside le camp du « Non »). Elle compare cette dernière et toutes les femmes au foyer — aux « Yvettes » soumises des manuels scolaires. Quelque 14 000 femmes se rebiffent au Forum de Montréal.

Violence faite aux femmes : pour que cela s’arrête.

Un tribunal populaire sur le viol se tient à Montréal en . C’est le début d’une longue série de manifestations qu’organise Le regroupement des femmes québécoises, une association « féministe révolutionnaire » fondée trois ans auparavant pour dénoncer la violence faite aux femmes. Pour que cela s’arrête.

En toujours, de grandes manifestations ont lieu à Québec et Montréal pour marquer la Première journée internationale pour l’avortement.

En , des femmes marchent sous la bannière « La rue la nuit, femmes sans peur », un thème qui deviendra en celui de la Journée d’action contre la violence faite aux femmes.

En , l’affaire Chantal Daigle — cette femme enceinte poursuivie en justice par son ex-conjoint violent pour lui interdire de se faire avorter — déclenche plusieurs manifestations pour le droit des femmes à l’avortement. Le de cette année-là restera une date noire : quatorze étudiantes de l’École polytechnique de Montréal sont abattues par un homme qui hurle « Vous êtes toutes des féministes! J’haïs les féministes… » Un an plus tard, une manifestation souvenir est organisée dans des grandes villes du pays. Encore aujourd’hui, des rassemblements sont organisés chaque année à Montréal. Pour ne pas oublier.

Pour en finir avec la pauvreté au féminin : Du pain et des roses

De Montréal, de Longueuil et de Rivière-du-Loup, plus de 600 femmes se mettent en route le vers Québec : c’est le départ de la marche « Du pain et des roses ». Que veulent ces femmes soudées en un long défilé de protestation? Une amélioration de la situation économique difficile vécue par trop de Québécoises. Que réclament-elles? Un changement social. La marche se terminera le . Les manifestantes remettent au premier ministre Jacques Parizeau une liste de revendications.

1996, des femmes tiennent une vigile de 24 heures à l’Assemblée nationale, histoire de rappeler au gouvernement les engagements pris à la suite de la Marche de . En , la même lutte contre la pauvreté réunit cette fois des femmes devant la Bourse de Montréal.

Le , des millions de femmes

de quelque 150 pays sur la planète marcheront un d’un même pas : jamais une mobilisation des femmes n’aura connu une telle ampleur! Une immense manifestation de solidarité, autour d’actions locales, régionales, nationales et internationales. Le choix des thèmes a contribué à souder cette solidarité : la pauvreté et la violence résument les plus grands obstacles à l’égalité des femmes partout dans le monde. Les, réunir sous une même bannière donne une force incroyable au message. Les revendications des femmes à cette occasion seront, en quelque sorte, le condensé de toutes les marches, grèves et manifestations qui ont eu lieu au cours des décennies précédentes. Ensemble, les femmes exigeront des retombées concrètes et proclameront d’une seule voix ce qu’elles attendent du prochain millénaire. Bien des sentiments les animeront. Ainsi, lorsqu’une délégation se rendra le , manifester, en notre nom à toutes, devant les bureaux du Fonds monétaire international et ceux de la Banque mondiale, il y aura certainement de la colère dans l’air : ces institutions économiques contrôlent de plus en plus nos vies sans se soucier de l’impact souvent brutal de leurs décisions. Mais la Marche sera aussi porteuse de beaucoup d’attentes et d’espoir. Elle servira de levier. Dans chaque pays, ce jour-là, les femmes s’appuieront sur cette grande mouvance mondiale pour légitimer leurs demandes. Il ne faudra pas sous-estimer la puissance de ce grand déploiement de femmes qui se donneront la main par delà les frontières… Cette marche est un départ. Le fil d’arrivée est encore loin.

Diane MATTE, coordonnatrice pour le Québec du volet international de La Marche mondiale des femmes en l’an

Les femmes de la planète se donnent rendez-vous pour changer la suite du monde.

En , à l’occasion de la Quatrième conférence mondiale des femmes de l’Organisation des Nations Unies de Beijing, des participantes lancent l’idée de souligner l’entrée dans le millénaire par une colossale démonstration : une marche des femmes du monde pour dénoncer la pauvreté et la violence.

Le , le rêve de solidarité deviendra réalité : ce sera le lancement de la Marche mondiale, qui se déroulera du au et qui unira, dans un même, but des millions de femmes sur la planète.

Ce texte a été produit à partir d’une recherche effectuée par le collectif Mémoires d’elles spécialisé dans l’histoire des femmes. Certains extraits et citations sont tirés de L’histoire des femmes au Québec depuis quatre siècles du Collectif Clio, de Citoyennes? Femmes, droit de vote et démocratie de Diane Lamoureux, et de « Idola Saint-Jean, féministe » de Michèle S. Jean dans Mon héroïne.

Suggestions d’activités

  • Participation aux activités de la Marche de l’an .
  • Exposition de photos sur le thème des marches et manifestations dans la ville, la région, dans une industrie, en mettant à profit les archives régionales et les banques de photos des journaux locaux.
  • Dîner-rencontre avec des témoins ou des participantes ou des organisatrices de ces marches, manifestations dans le milieu.
  • Projection de films et discussions :
    • Les marcheuses. Reportage sur la marche des femmes contre la pauvreté organisée par le Fédération des femmes du Québec. Groupe d’intervention vidéo, , .
    • Les filles aux allumettes (reconstitution dramatique du conflit en à la compagnie d’allumettes Eddy) Les Films Virage/ONF, , .
    • Désirs de liberté (brève histoire du mouvement des femmes entre et ) Vidéo Femmes et Intersyndicale des femmes, , .
    • Les filles du Roy (regard des femmes sur le passé et le présent du Québec) ONF, , .
    • Histoire des luttes féministes du Québec (conférence, illustrée de documents d’époque, de l’historienne Michèle Jean) Vidéo Femmes, , .
    • Si le travail m’était conté autrement, (le travail féminin à l’aube des années ), Les Films Virage/ONF, .
  • Débat sur un ou l’autre des aspects soulevés par le document : difficulté des femmes à obtenir le droit de vote, la participation des femmes dans l’espace public, la difficile reconnaissance de l’apport des femmes aux gains des travailleurs dans leur ensemble, l’évolution dans les façons de revendiquer en , en , en et en .
  • Hommage à des militantes du milieu, de différents âges, de différentes origines, sur différentes causes.
  • Rétrospective ou défilé de mode mettant en valeur le costume de la parfaite militante à travers les âges.