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Gardiennes de prison : dans la gueule du loup

On ouvre toute grande la porte aux femmes pour qu’elles accèdent au métier hypermasculin de gardien de prison. L’objectif est louable. Mais si c’est pour les envoyer dans la gueule du loup…

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On ouvre toute grande la porte aux femmes pour qu’elles accèdent au métier hypermasculin de gardien de prison. L’objectif est louable. Mais si c’est pour les envoyer dans la gueule du loup… « Dans mon secteur, j’ai pratiquement toujours travaillé avec des femmes. On a toute la misère du monde à avoir un homme. On en a enfin un, et on le tient comme il faut! » Celle qui parle n’est pas infirmière dans un CLSC ou éducatrice dans un centre de la petite enfance, mais agente des services correctionnels au Centre de détention de Rivière-des-Prairies. Il y a près de 500 personnes dans cette prison réputée difficile, dont quelque 420 en attente de procès et 80 qui purgent leur peine. Avec trois autres collègues, Manon (prénom fictif) surveille les détenus. « On devrait être au moins un, sinon deux employés de plus, mais on vit à l’heure des coupes d’effectif », ajoute cette agente qui témoigne à La Gazette des Femmes sous le couvert de l’anonymat. Sinon, elle pourrait être passible de mesures disciplinaires allant jusqu’à la suspension.

Bienvenue aux dames

Il y a à peine quinze ans que la première femme s’est aventurée dans ce bastion masculin. Et c’est à pas de tortue que d’autres sont venues la rejoindre. Depuis quelques années, elles sont de plus en plus nombreuses dans les dix-huit centres de détention du Québec. C’est qu’on recrute massivement des agentes à la faveur du Programme d’accès à l’égalité en emploi, et aussi que les femmes réussissent mieux aux examens d’admission que les hommes. « Ce que je déplore, dit Nicole (prénom fictif), agente des services correctionnels expérimentée du Centre de détention de Québec, c’est qu’il n’y a plus de critères d’embauche relativement à l’âge et à la taille. C’est bien beau d’avoir de bons résultats aux examens, mais il y en a qui ne sont quasiment pas capables d’ouvrir les trappes des départements! » « Certaines ne mesurent même pas 5 pieds et pèsent à peine 100 livres toute habillées », renchérit Manon. « Même des agentes demandent que l’employeur cesse de recruter des femmes », affirme François Laprise, avocat au Syndicat des agents de la paix en services correctionnels du Québec, qui regroupe environ 1 785 membres. Le tiers sont des femmes et, de ce nombre, celles qui sont à temps partiel ont dépassé les hommes, soit 362 contre 357. Ce n’est pas qu’elles remettent en cause la capacité des femmes d’accomplir le boulot. Mais elles souhaitent qu’on ralentisse leur rythme d’embauche, question de les intégrer de façon un peu plus harmonieuse.

Week-ends explosifs

Le personnel ayant de l’ancienneté et pouvant compter sur un poste permanent — et qui profite ainsi des meilleurs quarts de travail pendant la semaine — est en majorité composé d’hommes. Conséquence? Une situation assez étonnante, sinon surréaliste : les fins de semaine, les périodes les plus explosives, l’ordre et la sécurité dans les prisons québécoises sont assurés avant tout par des femmes au statut précaire, qui travaillent à temps partiel et qui représentent de 60 % à 70 % de l’effectif. Des agentes parfois de petite taille, dans la jeune vingtaine, naïves, inexpérimentées, mal formées. Des agentes qu’on envoie littéralement dans la gueule du loup, au beau milieu d’une population carcérale de plus en plus criminalisée à cause des rafles de l’escouade policière Carcajou qui ont entraîné l’arrivée d’une nouvelle clientèle de Hells Angels et de Rock Machine. « Les petits criminels, les voleurs de sacoches et de chars, on les laisse maintenant dehors, avec une promesse de comparaître qui s’ensuit d’un sursis de sentence ou de probation, dit Manon. Qui on trouve aujourd’hui dans les prisons? Ceux qu’on appelle les rapaces de la société. Non seulement il y a les groupes de motards qui se font la guerre à l’intérieur des murs, mais aussi de plus en plus d’ethnies : des Blancs, des Noirs, des Latinos qui font partie de gangs de rue. On est toujours en train d’éteindre des feux. » Bref, un véritable concentré de criminels, une clientèle peu encline à la réhabilitation et susceptible de faire circuler de la drogue, des armes et des bombes artisanales. Parfois, la prison s’embrase, comme lors de ces émeutes qui se sont produites deux dimanches de suite au Centre de détention de Rivière-des-Prairies en , au cours desquelles les Hells Angels, les Rock Machine et leurs sympathisants respectifs se sont affrontés à l’heure du souper. « C’est évident que les détenus vont observer la situation et passer à l’action au moment le plus propice. La majorité des événements violents se produisent en fin de semaine ou en soirée, dit Gaétan Roberge, responsable des dossiers de griefs et d’accidents de travail au Syndicat des agents de la paix en services correctionnels du Québec. Or, dès l’instant où vous avez un bassin de 60 % et plus d’agentes à temps partiel qui travaillent les fins de semaine, cela peut avoir un impact important sur la sécurité générale. »
« Comme il y a trop de femmes sur le plancher et pas suffisamment d’hommes, ce n’est plus sécuritaire les samedis et dimanches, confirme Nicole. De plus, la majorité des agentes font des chiffres de 12 heures en ligne, et les gestionnaires savent très bien qu’elles ne peuvent pas donner leur plein rendement avec un horaire aussi excessif. Eux-mêmes craignent les agressions physiques les fins de semaine et ils ont peur que ça pète, alors ils incitent les agentes à acheter la paix, par exemple en autorisant les échanges de tabac entre détenus de différents étages. »

Proies faciles

Depuis , les nouveaux agents des services correctionnels reçoivent une formation de base d’une durée de vingt jours. Une formation insuffisante et trop théorique, de l’avis même des agents. « La formation varie d’un centre de détention à l’autre, c’est un constat qu’on a présenté à maintes reprises en comité paritaire, signale Gaétan Roberge. Et on soutient que ces vingt jours ne répondent pas aux exigences de la réalité du milieu. »
« Cette formation, ça ne vaut pas cher, tranche Manon. On dit aux nouveaux agents de bien écouter les détenus, on leur montre comment monter un dossier social ou remplir des grilles d’entrevues. Mais tout le quotidien du travail et les techniques de sécurité, on ne les leur enseigne pas. Il faudrait aussi une formation sur le plancher et les jumeler avec des agents d’expérience plutôt que de leur donner des cours de fonctionnaires qui n’ont jamais fait une fouille de cellule. »
Les nouvelles agentes fraîchement sorties du cégep, âgées parfois d’à peine 19 ans, constituent des proies faciles pour les détenus reconnus comme de grands manipulateurs. Certaines seraient même tombées amoureuses d’un prisonnier, au point de transporter de la drogue pour lui. « J’ai entendu de telles histoires dans les centres de détention de longue durée, mais pas dans les centres de détention du Québec où les détenus purgent des sentences de deux ans moins un jour et sortent habituellement après en avoir fait le sixième, dit Manon. Mais c’est sûr qu’ils vont essayer de se faire prendre en pitié pour avoir plus de privilèges. Et les plus inexpérimentées peuvent se faire embobiner. » Nicole et Louise, elles, ont été témoins d’au moins trois situations semblables. « Vous savez, il y a de beaux bonhommes qui sont en-dedans. Ils savent être séduisants et manipulateurs pour obtenir des faveurs. Cela est même arrivé à une femme mature de 42 ans en au Centre de détention de Québec. Mariée, ayant deux enfants, elle a tout laissé tomber pour un détenu, à qui elle fournissait de la drogue », dit Nicole.

Haute tension

Au quotidien, les agentes reçoivent régulièrement des menaces, souvent à caractère sexuel, de la part des personnes incarcérées. Manon puise dans ses souvenirs personnels : « Toi, ma chienne, quand je vais te voir dehors, on va être en gang, on va te violer et te laisser sur le bord du chemin. » Les menaces visent aussi la famille des agents, femmes et hommes confondus, et certains ont même déjà fait l’objet de filature. Il faut dire qu’ils sont aux premières loges de la violence et qu’ils subissent l’intimidation des détenus prêts à tout pour obtenir un privilège. Des exemples de chantage exercé à l’endroit des agentes interviewées? « Sais-tu que si j’avais eu un pic, j’aurais pu te tuer? » Ou encore : « Je sais à quelle école vont tes enfants. » Depuis quelque temps, les agents des services correctionnels font face à un nouveau type d’agression sournois. « Avant, relate Nicole, on était exposé à des coups. Maintenant, on se fait arroser d’urine et lancer des excréments. Ça arrive fréquemment : c’est humiliant, sans compter que, de nos jours, on peut attraper le sida ou l’hépatite. On réclame de l’équipement, mais les gestionnaires nous disent que ça fait partie de notre job. » Le danger d’attraper une maladie infectieuse est d’autant plus grand que l’état de santé des détenus est tenu confidentiel. Plus forte que jamais, la tension est montée d’un autre cran à la suite de la fermeture de cinq centres de détention en . Des cellules sont maintenant partagées par deux détenus. Récemment, au Centre de détention de Rivière-des-Prairies, des prisonniers ont été obligés de coucher par terre dans des salles communes, faute de place. Il est question prochainement de fermer le Centre de détention de Valleyfield… les fins de semaine! Les détenus seraient déplacés à Bordeaux et les prévenus, à Rivière-des Prairies. « La tension va être encore plus grande, craint Manon. Les visites vont se compliquer : les prévenus vont se demander où sont leurs effets personnels et ils vont chialer après nous. Tout ça, pourquoi? Pour des économies de bouts de chandelle, si on tient compte des coûts de déplacement. »

La peur au ventre

Ce climat perpétuel de sourde tension se répercute forcément sur la vie privée des agentes. Nos amis de longue date et les membres de notre famille nous disent que notre caractère a changé. On devient moins tolérante avec le temps, témoigne Manon qui, d’instinct, se place dos au mur quand elle va au restaurant et qui ne fréquente pas les bars où elle pourrait croiser d’anciens détenus. « Moi, quand je rentre chez moi, j’essaie d’oublier le travail et de vivre normalement, sinon ce serait invivable, dit Louise (prénom fictif), une autre agente expérimentée du Centre de détention de Québec. Mais après le meurtre d’un deuxième agent en , pendant un mois, par réflexe, j’ai pris ma voiture pour aller au dépanneur situé juste en haut de la rue. » 1997 a été une année noire pour tous les agents des services correctionnels du Québec. Deux des leurs ont été assassinés, à quelques mois d’intervalle : Diane Lavigne, du Centre de détention de Bordeaux, tuée au moment où elle retournait à son domicile le . Et Pierre Rondeau, du Centre de détention de Rivière-des-Prairies, tombé sous les balles le pendant qu’il conduisait un fourgon cellulaire. « Le nombre de dossiers de réclamations pour les accidents de travail de nature psychologique a augmenté de façon inquiétante depuis ces événements », signale Gaétan Roberge. Un phénomène qui touche autant les agentes que leurs confrères. Pas moins d’un agent des services correctionnels sur quatre fait appel au programme d’aide offert aux employés de la fonction publique, la majeure partie du temps pour obtenir un soutien psychologique. C’est quatre fois plus que la moyenne d’utilisation! Et le taux de roulement du personnel laisse deviner l’atmosphère qui règne au travail. Un exemple? Des 128 agentes et agents des services correctionnels que comptait le Centre de détention de Québec au printemps dernier, seulement 90 étaient toujours en poste au moment de l’entrevue avec les deux agentes de cette prison. Trente-huit sont partis pour des raisons de maladie ou d’accident de travail, ou ont carrément démissionné.

L’ennemi de l’intérieur

« Depuis quelques années, on se demande vraiment ce qu’on fait là, dit Manon. Ces meurtres remettent bien des choses en question. On doit toujours faire plus avec moins, tout pour le bien-être des détenus et peu importe le nôtre. On se décourage de plus en plus devant le manque d’ouverture des patrons, pas nécessairement des gestionnaires de premier niveau, mais des autres. Plus on monte dans la hiérarchie, pire c’est. On leur demande des choses, on leur fait des suggestions, on leur soumet des problèmes et ils nous disent qu’ils vont s’en occuper. Mais il ne se passe jamais rien. De plus, ils ne reconnaissent pas les maladies professionnelles : c’est systématiquement contesté. Il faut quasiment que tu sortes avec un poignard dans le dos pour que ça soit considéré comme un vrai accident de travail. »
Comme si ce n’était pas assez, les agents des services correctionnels doivent composer avec des conditions de travail épouvantables. Malgré ses longues années de service et son statut permanent, il arrive encore que Manon, qui travaille normalement le soir, soit « gelée » pour le quart de nuit à quelques heures d’avis. « Moi, je n’ai pas d’enfants, mais que fait l’agente avec son petit qui sort de la garderie à si elle est réquisitionnée pour la nuit? Les gestionnaires s’en balancent. On fait face à leur indifférence, et c’est généralisé. » La vie privée des agentes à temps partiel est encore plus compliquée, car on exige d’elles une disponibilité absolue. Elles doivent être prêtes à travailler à tout moment, sur simple appel. Et pas question de refuser, sous peine de représailles. « On a plus de difficulté à négocier avec les patrons qu’avec les détenus, juge Louise. Le plus difficile, c’est d’essayer de faire notre travail, malgré le harcèlement et les abus de pouvoir. » Il y a quelques années, plusieurs femmes ont subi du harcèlement sexiste et des remarques désobligeantes répétées parce qu’elles occupaient un poste de jour, le plus convoité, du fait qu’elles étaient enceintes. Finalement, elles ont obtenu, il y a deux ans, le retrait préventif des femmes enceintes en milieu carcéral. « Ce fut la conclusion d’un grand débat qui a commencé au début des années , dit Gaétan Roberge. L’employeur ne voulait pas retirer les femmes enceintes, seulement les confiner dans des postes dits sécuritaires, mais dans les faits, ils ne l’étaient pas suffisamment. » En , une enquête menée au Centre de détention de Québec faisait état de harcèlement sexuel et d’abus de pouvoir de la part des gestionnaires à l’égard de plusieurs agentes. Dans la foulée de ce rapport accablant, le ministère de la Sécurité publique du Québec a adopté, en , une politique visant à contrer toute forme de harcèlement et d’abus de pouvoir au travail dans les centres de détention. Un an après son application, 40 employés avaient porté plainte à l’échelle locale, dont 23 agentes, et 19 employés à l’échelle provinciale, dont 10 agentes, surtout pour des motifs d’abus de pouvoir. Une politique dont s’est rapidement dissocié le Syndicat des agents de la paix en services correctionnels du Québec. « Elle est intéressante en théorie, dit Gaétan Roberge. Mais on s’est rapidement rendu compte que son application avait deux poids, deux mesures. Les sanctions sont exemplaires lorsque les plaintes impliquent des agents, particulièrement les militants syndicaux. Mais quand elles visent des gestionnaires, on étouffe l’affaire. »

Mission impossible

Un autre débat fait rage depuis des années dans le milieu carcéral : le rôle des agents des services correctionnels. On leur demande aujourd’hui de s’occuper aussi de réinsertion sociale, une mission qui ne remporte pas l’adhésion de tous. « Qu’on ait à faire de la réhabilitation, oui, mais pas au détriment de la sécurité, s’exclame Manon. Si on apprend, par exemple, que des détenus ont une arme ou de la drogue, ce n’est plus important de faire une fouille systématique. Il faut juste fouiller les suspects. Comme s’ils étaient assez imbéciles pour garder ça sur eux! Et puis, les professionnels de la réinsertion, on les écoute, mais pas nous. Et eux-mêmes ne nous écoutent pas. » « Concrètement, on manque de personnel pour faire à la fois le travail de réhabilitation et celui de sécurité », ajoute Louise. Finalement, quatre clans s’affrontent en prison, des clans qui ont une « vision en tunnel », explique François Laprise. « C’est un univers complexe où on se demande qui est gardé par qui, car les agents finissent par se sentir surveillés, dit-il. Au-delà de l’antagonisme naturel entre détenus et gardiens, une rivalité s’est formée entre les professionnels de la réhabilitation et les agents, sans oublier l’opposition de base avec la direction. Et un des éléments moteurs de tous ces antagonismes est que ces différents groupes perçoivent différemment le niveau de danger. » La réduction des effectifs a aussi comme conséquence l’impossibilité croissante d’appliquer la réglementation. « Par exemple, on est censé faire le dénombrement des détenus au moyen de leur carte et de leur photo pour s’assurer que tous sont au bon endroit, raconte Manon. Mais on se contente de compter les têtes en se disant qu’ils vont aller à la bonne place. » Paradoxalement, l’application stricte des règlements n’est pas toujours appréciée des supérieurs. « On dit que le judas de la cellule doit toujours être dégagé pour pouvoir bien observer ce qui se passe, explique Gaétan Roberge. Il arrive que des détenus l’obstruent avec des couvertures. Un jour, une agente a décidé de les enlever. Eh bien, elle a reçu une réprimande parce qu’elle n’est pas intervenue dans son secteur. Or, son travail consiste aussi à porter assistance aux agents des secteurs voisins. C’est le règne de l’ambiguïté. On dit maintenant aux agents de faire preuve d’une certaine souplesse, mais qu’est-ce que cela veut dire en pratique? De plus, les agents ne se sentent pas nécessairement appuyés dans leurs décisions, ce qui engendre un effet pervers de laisser-aller, et on a tendance à tourner les coins rond. » Coupes d’effectifs, taux de roulement et absentéisme élevés, violence latente des détenus, manque d’appui ou abus de pouvoir des employeurs, conditions de travail précaires ou inflexibles, accidents de travail et détresse psychologique, le travail d’un agent des services correctionnels est dur pour le moral. Particulièrement pour les femmes. « Il y a une grosse démotivation qui règne parmi tous les agents, surtout depuis le débrayage de , note Manon. On regarde tous l’Info-Carrière dans l’espoir de se trouver autre chose ailleurs. » « Après toutes ces années, déclare Louise, on se demande quel autre travail on serait capable de faire. Mais dans le fin fond, je l’aime encore ce métier et j’ai le goût que ça change. Si la majorité des patrons arrêtaient de jouer aux boss et travaillaient en équipe avec nous, ça irait pas mal mieux. » « Il faudrait réévaluer le profil type des agents qu’on veut avoir dans le réseau correctionnel, affirme Gaétan Roberge. Et déterminer des critères précis relativement à l’embauche, entre autres sur le plan physique, la formation, le rôle des agents et la réglementation. Mais ce n’est pas parti pour ça. » « C’est bien d’ouvrir ce métier aux femmes, conclut Nicole. Mais il ne faudrait pas leur faire payer ce choix. Actuellement, c’est ce qui se passe. »

Épreuve de force

Le , les agents des services correctionnels du Centre de détention de Rivière-des-Prairies débraient. Ils ont appris officiellement la veille que l’effectif des fins de semaine passait désormais de 28 à 15 personnes. Le lendemain, 32 d’entre eux, dont 14 femmes, sont congédiés. Cette mesure draconienne sans précédent dans le milieu carcéral a donné lieu à une quinzaine de jours d’audition en arbitrage de griefs, qui se sont échelonnés de à . Pour pallier l’absence des 32 agents congédiés, le personnel en place accumule les heures supplémentaires. « Ils sont en train de brûler ceux qui restent, lance François Laprise, avocat au Syndicat des agents de la paix en services correctionnels du Québec. Nous pensons qu’il y aura des répercussions sur leur santé au cours des prochains mois, sinon des prochaines années. » La décision de l’arbitre de griefs était toujours attendue au moment de mettre sous presse.

Question ouverte

La question mérite d’être posée : les femmes ont-elles leur place dans cette jungle? Les réponses des premières intéressées sont nuancées. « Peut-être moins de nos jours », répond Manon, qui ajoute aussitôt : « Mais est-ce encore la place de n’importe quel être humain sensé? » « Oui, elles ont leur place, estime pour sa part Nicole. L’homme a un rôle plutôt physique, la femme un rôle plutôt modérateur. Les deux font un bel ensemble, s’il y a un rapport équilibré. Ce n’est pas le cas les fins de semaine parce que c’est mal géré. » « C’est sûr que, dans une situation d’urgence, les agents se sentent plus en sécurité avec d’autres gars, convient Manon. Mais celui qui a 80 livres en trop n’est pas plus mobile et apte à faire le travail qu’une femme costaude en pleine forme. Il reste aussi de vieux agents qui n’aiment pas travailler avec des femmes, qui pensent qu’elles sont juste bonnes à faire de la paperasse ou du café. » Deux des dix-huit centres québécois de détention ont une clientèle féminine. Ne serait-il pas plus simple, voire souhaitable, que les agentes travaillent essentiellement dans les prisons de femmes? Question ouverte… Et vous, qu’en pensez-vous? Partagez votre opinion avec les lectrices de La Gazette des femmes.