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Période de questions

Comment payer la nourriture et les vêtements, pour soi-même et pour ses enfants, quand on tire le diable par la queue ?

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Comment payer la nourriture et les vêtements, pour soi-même et pour ses enfants, quand on tire le diable par la queue? Au Québec, la crise du logement social oblige les plus démunies à consacrer une part exorbitante de leur budget au paiement d’un loyer. Pire encore, la pauvreté entraîne de plus en plus de femmes vers l’itinérance. À l’aube de la Marche mondiale des femmes, beaucoup réclament du gouvernement du Québec qu’il tienne ses promesses électorales envers les pauvres. Je suis allée rencontrer deux de nos élus pour savoir comment ils entendaient répondre à des besoins plus que criants.

Il y a trois ans, Santé Québec évaluait à 28 814 (dont 23 % de femmes) le nombre d’itinérants à Montréal (avec ou sans domicile fixe), soit les personnes fréquentant les soupes populaires, les centres de jour et le réseau d’hébergement. À Québec, on parle de 11 300 personnes, dont 36,5 % de femmes. Le phénomène ascendant de l’itinérance féminine est une conséquence directe de l’appauvrissement des femmes. Quelles mesures privilégiez-vous pour endiguer ce problème?

Gilles Baril, ministre délégué à la Santé, aux Services sociaux et à la Protection de la jeunesse — À mon entrée en fonction, j’étais très conscient du problème et j’y ai vite consacré un plan d’action triennal et ai défini une série de mesures visant précisément le phénomène de l’itinérance dans les grands centres urbains du Québec. Santé Québec mène présentement une vaste enquête auprès des personnes itinérantes et démunies qui fréquentent les refuges, les centres de jour et les soupes populaires de Montréal et de Québec afin d’obtenir un portrait réaliste de la situation. Cette étude va permettre de mieux cerner les besoins en services ainsi que d’ajuster les ressources. Pour le moment, grâce à une étude de Santé Québec, nous savons qu’au cours de la dernière année le nombre d’hommes et de femmes ayant été sans domicile fixe à un moment donné pendant cette même année s’élevait à 12 666 à Montréal et à 3 589 à Québec.

L’enquête de La Gazette des femmes révèle que ce sont presque exclusivement des ressources communautaires, débordées et sous-financées, qui pallient la demande. Quelles mesures comptez-vous mettre en avant pour remédier à la situation?

En , j’ai consacré 2 millions de dollars au financement de ces groupes communautaires, ce qui représente une augmentation de 20 % par rapport à . Il est très clair qu’il faut soutenir les ressources communautaires en offrant aux personnes itinérantes un meilleur accès aux services. Il faut aussi miser sur la consolidation des services existants plutôt que d’éparpiller les ressources.

Les régions sont particulièrement dépourvues en ressources communautaires par rapport aux grands centres. On va même jusqu’à diriger les personnes itinérantes des régions vers les grandes villes. Trouvez-vous qu’un tel phénomène est normal?

Au cours de la dernière année, nous avons décidé d’intervenir directement là où sont les personnes itinérantes, soit dans leur localité. En plus de Montréal et de Québec, nous avons inclus cinq autres régions dans notre intervention auprès des personnes itinérantes, soit la Montérégie, l’Outaouais, le Saguenay-Lac-St-Jean, la Mauricie et le Centre-du-Québec, et l’Estrie. Sans vouloir diminuer l’ampleur du phénomène en dehors de Montréal et de Québec, il est évident que les drogues dures, notamment l’héroïne, la cocaïne et le PCP, sont beaucoup plus accessibles dans la métropole qu’en région. Ça explique qu’un certain nombre de toxicomanes se rapprochent des grands centres. De plus, comme l’itinérance en région est un phénomène nouveau, les services le sont aussi. Les régions de Montréal et de Québec ont davantage de ressources parce que le phénomène de l’itinérance y est présent depuis plus longtemps. Il n’existe pas un profil unique de la personne itinérante. En conséquence, il faut mettre en place des services qui répondent aux différents problèmes.

À la veille de la Marche mondiale des femmes, votre gouvernement est fortement pressé d’intervenir pour contrer le phénomène de la pauvreté, qui touche davantage les femmes. Quel message aimeriez-vous livrer à celles-ci?

C’est vrai que les femmes, très particulièrement les mères qui élèvent seules leurs enfants, vivent bien souvent des situations pénibles. Par ailleurs, le gouvernement du Québec a mis en place, au fil des années, toute une gamme de programmes pour contrer la violence faite aux femmes. Je pense notamment au nouveau programme gouvernemental en matière de condition féminine pour réduire la pauvreté des femmes. Aussi, le programme du ministère de la Santé et des Services sociaux, « Naître égaux et grandir en santé », qui consiste à intervenir en amont afin de réduire les écarts de santé entre les femmes pauvres et celles plus favorisées économiquement. Au Sommet du Québec et de la jeunesse, on a également prévu, pour les trois prochaines années, un renforcement des activités de prévention auprès des parents en difficulté pendant la grossesse et la petite enfance.

Le Front d’action populaire en réaménagement urbain déplore la timidité de vos propositions sur le logement social comprises dans votre livre blanc sur la réorganisation municipale. Pourquoi ne pas avoir profité de cette réforme pour encourager la création de nouveaux logements en obligeant les municipalités à participer financièrement?

Louise Harel, ministre d’État aux Affaires municipales et à la Métropole et ministre responsable des Aînés — D’une part, toutes les municipalités comprises au sein des communautés métropolitaines de Montréal, de Québec et de Hull ainsi que celles se trouvant sur un territoire de MRC auront dorénavant à partager le déficit d’opération du logement social. D’autre part, bien que la tendance actuelle soit de réclamer de nouveaux logements sociaux, le problème réside surtout dans le coût des loyers trop élevé pour les ménages à faibles revenus. Aussi, la construction de nouveaux logements sociaux n’est pas une panacée. À preuve, des HLM sont vacants, surtout en milieu rural, et certaines villes ne peuvent plus accueillir de nouvelles constructions parce qu’il n’y a pas de terrains disponibles. Je crois plus efficace de se concentrer sur les deux problèmes majeurs : l’accessibilité financière et les besoins de logements nécessitant un soutien communautaire ou des aménagements particuliers.

Certaines personnes interviewées dans La Gazette des femmes s’inquiètent du sort des personnes à faibles revenus devant la pénurie de logements sociaux. Elles attendent que les engagements de votre gouvernement prennent forme. Que leur répondez-vous?

Mon gouvernement respecte ses engagements. Plusieurs mesures ont été mises en place afin de favoriser le plus de personnes possible en matière d’accession au logement. Du Plan d’action gouvernemental en habitation de ont découlé deux programmes importants : AccèsLogis et Allocation-logement. AccèsLogis permet à des ménages à faibles revenus de se procurer un logement adéquat à coût abordable. Le programme aura permis, d’ici , la création de 6 000 logements communautaires de type coopératif et à but non lucratif. Près de la moitié des ménages locataires bénéficieront d’un supplément au loyer et se logeront au même coût que dans un HLM. Je vous rappelle que le gouvernement a maintenu l’échelle des loyers en HLM à un montant de base équivalant à 25 % du revenu des locataires. De plus, l’Allocation-logement aide présentement 148 000 ménages à réduire la part de leur revenu consacrée au loyer. Plusieurs bonifications ont été apportées au programme. L’aide aux chambreurs a été élargie. Le montant moyen versé aux familles s’est accru de plus de 30 %. Le budget consacré au programme a d’ailleurs augmenté de 28 millions de dollars depuis son lancement. Je vous signale que le Québec est l’une des seules provinces qui continuent de financer de tels programmes, depuis le retrait du gouvernement fédéral en matière de logement social. De plus, les engagements suivants sont en voie d’être concrétisés :
  • Un ajout de 3 000 unités de supplément au loyer aux 12 000 unités déjà offertes aux ménages à faibles revenus se logeant sur le marché privé au même coût que dans un HLM. Cet engagement sera respecté à compter de .
  • La prolongation de 5 à 10 ans de la période d’admissibilité au supplément au loyer accordé à quelque 3 500 ménages à faibles revenus qui bénéficient des programmes « Achat-Rénovation » et « AccèsLogis » pour se loger à moindre coût. Afin de ne pas pénaliser les prestataires qui auraient subi une augmentation de leur coût de logement en , une prolongation de un an vient de leur être accordée;
  • L’ajout de 400 unités de logement (100 par année) au programme « AccèsLogis » pour les personnes ayant des besoins particuliers de logement, comme les itinérants, les femmes victimes de violence ou les personnes ayant des problèmes de santé mentale ou de toxicomanie : cet engagement fait partie des demandes prioritaires à la Société d’habitation du Québec (SHQ).
  • Ajoutons à cela le « Programme de logements adaptés pour aînés autonomes », qui permet aux personnes âgées à faibles revenus d’effectuer des adaptations dans leur logement pour y demeurer plus longtemps, et dont le budget a augmenté cette année.

Dans un autre ordre d’idées, quelles solutions le gouvernement propose-t-il aux femmes pour qu’elles aient accès plus facilement à la propriété?

Nous travaillons pour que les personnes à faibles revenus puissent, au même titre que les mieux nanties, acquérir et conserver un certain patrimoine en achetant un logement. Ainsi, les femmes qui occupent la moitié de notre parc immobilier pourraient devenir propriétaires de leur logement. Comme elles ont difficilement accès aux prêts des institutions financières, nous cherchons des solutions pour favoriser leur accession à la propriété.

Prises dans l’étau de la violence conjugale, des femmes voudraient mettre fin à leur bail avant échéance. Quels sont vos préoccupations vis-à-vis ces dernières?

Je suis très sensible à cette situation. Un comité interministériel a d’ailleurs été formé avec le ministère de la Justice, le Secrétariat à la Condition féminine et la Régie du logement afin de réviser le Code civil sur cet aspect et y apporter les amendements requis. Nous devrions être en mesure d’annoncer des changements bientôt.