Aller directement au contenu

Le paradoxe tunisien

Le gouvernement tunisien claironne sur tous les tons que sa législation est la plus respectueuse des droits des femmes dans le monde arabe.

Date de publication :

Auteur路e :

Le gouvernement tunisien claironne sur tous les tons que sa législation est la plus respectueuse des droits des femmes dans le monde arabe. Une vérité-façade pour un pays en quête de légitimité démocratique? La Gazette des femmes a mené une enquête.

« Le portrait vous paraîtra idyllique, mais c’est la réalité: les Tunisiennes sont aussi libérées que n’importe quelle occidentale », affirme, enthousiaste, Bochra Malki, de l’Agence tunisienne de communication extérieure (ATCE).

Il est vrai qu’elles bénéficient, sans conteste, d’une législation avant-gardiste par rapport aux autres pays arabes. Tout près d’elles, leurs consœurs du Maroc et de l’Algérie vivent toujours sous un régime où la polygamie est autorisée. Les féministes y bataillent notamment pour obtenir le droit au divorce et l’abolition de la répudiation, une pratique qui permet d’arracher les enfants aux mères et réduit des milliers d’entre elles à la mendicité. Rien de tel en Tunisie.

Les étudiantes envahissent les cycles d’études supérieures (49 %), les femmes investissent la magistrature (27 %), et les pharmaciennes (57 %) dépassent en nombre leurs collègues masculins. À Tunis, 80 % des médecins de santé publique sont des femmes. Les étudiantes vont bientôt dépasser les étudiants dans les facultés de médecine. Les travailleuses accaparent aujourd’hui 27 % du marché de l’emploi, contre 21 % en .

Les conseillères municipales occupent 20 % des sièges, un record de participation à la vie publique dans le monde arabe. « Plus rien n’arrête la femme en Tunisie. Regardez, nous avons même une femme ministre de l’Environnement et une autre ministre des Affaires de la famille et de l’enfance », fait valoir Bochra Malki.

Leçon d’histoire

Tailleur classique, bijoux en or, téléphone cellulaire à l’oreille, Leyla Khaïat, 50 ans et des poussières, incarne la Tunisienne moderne. La présidente de la Chambre nationale des femmes chefs d’entreprises, également présidente de l’Association des femmes chefs d’entreprises mondiales et directrice générale d’une PME dans le domaine du textile, parle avec empressement. « L’émergence des femmes d’affaires est un actif de l’Ère nouvelle. »

L’expression aux couleurs staliniennes désigne la prise de pouvoir, le , du général Ben Ali, ancien ministre de l’Intérieur et patron de la sécurité militaire. Son prédécesseur Habib Bourguiba — élu président à vie en ! — a été destitué après qu’un conseil de médecins l’eut déclaré inapte à gouverner. En accord avec la Constitution, Ben Ali s’est autoproclamé président. Depuis, le chef du Rassemblement constitutionnel démocratique a été réélu trois fois… à plus de 99 % des suffrages. Avec lui commençait l’ère de l’al Taghir (du « changement »), caractérisée, selon le discours officiel, par une « série de mesures destinées à consacrer le choix démocratique et les droits de l’Homme, en particulier des politiques de promotion de la femme et de la famille » (voir l’encadré « Les hommes du changement »).

Les hommes du changement

En , après avoir arraché à la France l’indépendance de la Tunisie, le premier président de la République, Habib Bourguiba, provoque une véritable révolution des mœurs. En promulguant le Code du statut personnel, il interdit la polygamie et la répudiation et autorise le divorce judiciaire. Désormais, il faudra le consentement des jeunes femmes (qui devront avoir au moins 17 ans) avant le mariage et elles pourront accorder leur main sans tuteur. Les Tunisiennes obtiennent le droit de vote et d’éligibilité dès .

À la prise de pouvoir de Ben Ali, en , les femmes retiennent leur souffle. « La montée de l’intégrisme dans les pays arabes nous a fait craindre le pire. Les islamistes ont remis en question le Code du statut personnel en disant qu’il leur avait été imposé par le haut, que ce texte ne correspondait pas à la société », se rappelle Khedija Chérif. Soupir de soulagement, le président affirme son intention de respecter les acquis des femmes. À partir de , il fera adopter une série d’amendements renforçant leur statut juridique, dont le plus novateur sera la création d’un fonds spécial garantissant le versement des pensions alimentaires pour se substituer aux débiteurs récalcitrants.

Révolution féconde

La visite d’un centre de la santé reproductive convainc des avancées des Tunisiennes. Chacun des 23 départements du pays compte un tel centre, et des unités mobiles desservent les régions rurales. Les lieux sont impeccables. Consultations, contraceptifs, avortements (22 000 par année, pour un coût moyen de 350 $ par opération)… tous les services sont gratuits. Les sages-femmes — qui reçoivent une formation universitaire de trois ans — côtoient les médecins.

Le Dr Farouk Ben Mansour, directeur des Centres de santé familiale de Tunis, vante la réussite du Programme national de contrôle de la fécondité. « Au début des années 60, la plupart des Tunisiennes se mariaient vers l’âge de 16 ans et mettaient au monde 7,3 enfants en moyenne — pour une dizaine de grossesses en comptant les mortalités et les avortements spontanés. Leur espérance de vie ne dépassait pas 49 ans. » Aujourd’hui, 73 % des femmes utilisent une méthode contraceptive; elles n’ont plus, en moyenne, que 2,2 enfants et leur espérance de vie a grimpé à 72 ans. Les filles attendent maintenant de souffler leurs 26 bougies avant de se marier (30 ans pour les hommes). « Quelle mutation sociale incroyable! »

La rue des hommes

Au premier coup d’œil, même Tunis semble chanter la liberté des femmes. Sur l’axe majeur de la capitale, le boulevard Bourguiba, bordé de dattiers luxuriants, le centre commercial Palmarium offre trois étages de boutiques. Lingerie féminine, chansons de Céline Dion. Pas de « barbus », pas de voiles. Sexy, les jeunes femmes hissées sur leurs souliers à plate-forme portent le pantalon noir comme une seconde peau. Henda Gafsi, coordonnatrice du Programme de gestion urbaine, vient troubler ce mirage. L’urbaniste a mené une étude sur l’appropriation de l’espace public selon les sexes. Mis à part quelques enclaves mixtes (les lieux touristiques, les commerces et les quartiers résidentiels riches), les rues appartiennent aux hommes. Ils déambulent chez eux, alors que les femmes ne font que passer. Leur place est encore à l’intérieur. Celle des hommes, à l’extérieur.

« L’après-midi, les cafés sont remplis d’hommes, dont les conversations reflètent une frustration sexuelle présente dans tous les pays arabo-musulmans. Sans aller jusqu’à la violence physique, il y a une violence dans le langage qui rend les femmes mal à l’aise sous leur regard. Ils font des remarques en référence à leurs attributs masculins, par exemple. Et si une passante ose répliquer, cela déclenche une réaction encore pire. Leur attitude désobligeante rend l’usage du transport en commun très pénible. Beaucoup de femmes prennent le taxi (50 % de la clientèle est féminine), même si c’est à la limite de leurs moyens. »

Changement de ton

Il m’a fallu ruser pour parvenir à rencontrer des femmes dont le nom ne figurait pas sur la liste fournie par l’Agence tunisienne de communication extérieure. Créée en pour soigner l’image du pouvoir, l’ATCE réglemente la presse tunisienne, dont la liberté fait défaut. Une situation que reconnaît le ministère canadien des Affaires étrangères: « Le musellement de la presse locale et l’omniprésence policière démontrent l’emprise du régime. Depuis deux ans, les journaux Libération, Le Canard enchaîné et la transmission d’Antenne 2 sont interdits. Depuis peu, les médias comme Radio-Canada, Le Devoir, La Presse et Le Soleil ont subi le même sort à cause de reportages jugés hostiles à la Tunisie. Leurs sites Web sont inaccessibles à partir de la Tunisie. » Selon Human Rights Watch, il n’y aurait que deux fournisseurs d’accès à l’Internet, « l’un étant dirigé par la fille du président Ben Ali et le second par un autre proche du pouvoir. »

Dès mon arrivée, j’ai demandé à rencontrer la sociologue Ilhem Marzouki, qui jette un regard critique sur le rapport des femmes au politique dans son ouvrage Femmes d’ordre ou désordre de femmes? (éditions Noir sur Blanc, ). Réponse à ma requête: « Désolée, elle est à l’extérieur du pays. »

Sceptique, je tenterai à maintes reprises de la joindre au téléphone par l’entremise d’un contact. Chaque fois ma ligne sera coupée, même lorsque l’appel aura été logé à partir d’un téléphone public! (On m’avait averti que les lignes étaient sous écoute, les chambres d’hôtel fouillées, ce que je peux confirmer)… Qu’à cela ne tienne, je me rends directement à la maison d’édition. L’éditeur, François Ruix, m’apprend qu’il « dîne justement avec Ilhem ce soir. Elle assistera demain à une activité du à l’hôtel El Theatro » (…).

Lorsque, le lendemain, je la rencontre à l’événement, qui se déroule sous le thème de la violence faite aux femmes, en écho à la Marche mondiale des femmes, une « officielle » (liée au pouvoir) me reconnaît, surprise. « Mais qu’est-ce que vous faites ici »? À la pause, elle tente, en vain, d’accaparer mon attention pour éviter que je parle à Noura Borsali, une membre de l’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD), une des rares associations féminines non affiliées au pouvoir.

Il faut dire que la militante ne pratique pas la langue de bois, contrairement aux féministes d’État rencontrées, qui se gardent bien d’égratigner le régime. « Le plus grand combat à livrer en Tunisie est celui de la citoyenneté. Notre plus grand handicap, le manque de liberté. » Un exemple concret? « Des policiers habillés en civil surveillent constamment notre petit local. La presse écrite, la radio et la télévision nous boycottent. On paralyse notre boîte vocale en nous envoyant, par exemple, 800 fois le même message dans une journée. On nous empêche de nous rassembler en faisant pression auprès des hôteliers pour qu’ils annulent nos locations de salle à la dernière minute. » Certains journaux de Tunis y vont même d’attaques misogynes et traitent les militantes de « vieilles filles démocrates, lesbiennes », qui s’adonnent à la « prostitution politique anarchique! »

Libération sous surveillance

Une des dirigeantes de l’ATFD, la féministe Khedija Chérif, professeure de sociologie à l’Université de Tunis, m’a confirmé ces pratiques lors de son passage à Québec, en . L’ancienne vice-présidente de la Ligue tunisienne pour la défense des droits de l’Homme est également membre fondatrice du Conseil national des libertés en Tunisie (CNLT). Figure nationale de la lutte pour les droits de la personne, elle connaît la chanson. « Le gouvernement se targue d’abriter 7 000 organisations non gouvernementales — parmi lesquelles une vingtaine d’associations féminines. De ce nombre, neuf seulement ne sont pas inféodées au pouvoir, dont deux sont dédiées aux droits des femmes (l’ATFD et l’Association tunisienne pour la recherche et le développement). »

Cette indépendance, Khedija Chérif la paie cher. Le premier , alors qu’elle se rend à une réception organisée par le CNLT, elle est stoppée au volant de sa voiture par des policiers en civil qui lui intiment l’ordre de rebrousser chemin. Devant ses protestations, ils l’abreuvent d’insultes: « Putain, traître à la patrie », et lui assènent des coups et des gifles. (Les faits sont relatés dans le rapport Violence, menaces et représailles en Tunisie: la chasse aux défenseurs des droits

Quelques jours plus tard, elle est de nouveau agressée par un policier en civil, qui la jette par terre, la traîne sur le sol et finit par lui arracher le dossier qu’elle tient à la main. Tout ça en pleine rue, au grand jour. Non seulement le procureur de la République refuse de recevoir sa plainte pour agression, mais son passeport est retenu pendant deux mois. Ce qui l’empêchera d’assister à l’assemblée annuelle de l’Internet des droits humains (à titre de membre du Conseil de direction), un réseau international d’information et de documentation sur les droits de la personne dont le siège social se trouve à Ottawa.

La femme alibi

L’anecdote met en lumière ce que Khedija Chérif appelle « le paradoxe tunisien ». « Le pays se veut moderne et, pour cela, mise sur les droits accordés aux femmes. Mais ce n’est qu’une façade. Dans la pratique, nous sommes des femmes alibis, à qui on ne reconnaît pas une participation réelle à la société quand nos voix divergent de la politique du gouvernement. C’est comme si on nous disait: « On vous a donné des droits, maintenant, taisez-vous. » Les acquis des femmes, dont se vantent le régime de façon presque obsessionnelle, risquent de disparaître s’ils ne s’appuient pas sur une société civile libre. »

Derrière la « façade » tunisienne se cache un problème criant: celui de la violence faite aux femmes. Dans ce pays de 9,6 millions d’habitants, l’Association tunisienne des femmes démocrates, qui dirige l’unique (!) centre d’accueil et de défense des femmes victimes de violences, n’a reçu aucune subvention du gouvernement. « C’est une fondation allemande qui nous finance, dit Noura Borsali. Nos budgets sont très réduits. Nous n’avons aucun moyen de faire connaître nos services d’écoute, d’aide psychologique et de soutien juridique. » Grâce au bouche à oreille, plus de 1 000 femmes ont consulté dans les sept dernières années, et ce, malgré l’intimidation policière — chaque nouvelle venue ferait l’objet d’une filature.

Il y a bien eu renforcement des sanctions en cas de violence conjugale: une peine de deux ans d’emprisonnement pour violence grave et 2 000 dinars d’amende. « Mais le pardon est de nature à arrêter toutes les poursuites pour sauvegarder l’intérêt de la famille », stipule la loi. « Ici, la violence conjugale est une affaire privée, souligne Khedija Chérif. Quand une femme ose se présenter en cour, les juges ne la prennent pas au sérieux. »

Comble du paradoxe, le gouvernement cite officiellement le travail des militantes de l’ATFD pour faire bonne figure auprès de la Commission internationale des droits de l’Homme. Et en fait mention dans les rapports de suivi de la plate-forme d’action issue des Conférences mondiales sur les femmes!

Entre modernité et tradition

« On n’en peut plus de toujours se faire servir le même argument: « Regardez les femmes en Algérie ou au Maroc: nous sommes à l’avant-garde de ce qui se passe dans le monde arabe et africain. » C’est terrible, ce regard qu’on porte sur nous, comme si nous étions des sous-citoyennes. Oui, il faut reconnaître qu’il y a des acquis, mais il y a encore des inégalités. Nous revendiquons des changements de fond et de mentalité parce que, malgré ce qu’on en dit, la loi n’est pas parfaite. »

À preuve, la bataille que mène l’ATFD pour l’égalité successorale. L’héritage, toujours régi par la loi islamique, prévoit deux tiers pour l’homme et un tiers pour la femme. Une situation qui n’est pas près de changer, selon Faouzia Charfi, directrice de l’Institut préparatoire aux études scientifiques et techniques. « Récemment, nos étudiants ont assisté à une conférence sur le sujet. Un certain nombre de filles, pas toutes, estimaient que les choses devaient évoluer. Pas les garçons, qui considèrent comme normal de jouir davantage de liberté que les filles. »

L’avocate Khedija El Madani, présidente de l’Alliance des femmes des carrières juridiques, reconnaît que les Tunisiennes « sont coincées: elles vivent les exigences de la modernité, mais avec les contraintes de mentalités traditionnelles. Le problème le plus épineux de ce dilemme: la conciliation travail-famille. »

« Le mari veut bien que sa femme travaille pour rapporter de l’argent. Mais dans son esprit, elle reste la première responsable des enfants et des corvées domestiques et il ne lui passe aucune défaillance. Même chose pour le patron, qui ne veut pas savoir si son employée a des enfants », explique l’urbaniste Henda Gafsi. En général, les femmes n’ont pas leur mot à dire puisqu’elles occupent massivement le marché du travail à titre d’agentes d’exécution (à peine 12 % détiennent des postes de décision dans la fonction publique). « Ce sont les femmes qui paient le prix du changement », dit Boutheïna Gribaa, directrice générale du Centre de recherche, d’études, de documentation et d’information de la femme. Le pendant tunisien du Conseil du statut de la femme au Québec.

Ambitions présidentielles

Quelque 4,5 millions de touristes séjournent en Tunisie chaque année. Le produit intérieur brut par habitant est passé de 220 $ à 2 500 $ en l’espace de 40 ans, quasiment un miracle économique pour ce petit pays dépourvu de richesses naturelles. Son président, qui a signé l’accord de libre-échange avec l’Union européenne, rêve de faire de la Tunisie le « Singapour de l’Afrique du Nord ».

D’où l’importance de présenter à la collectivité internationale l’image d’un gouvernement progressiste où règne la stabilité politique et la paix sociale. « Le président Ben Ali continue de diriger le pays de façon autoritaire, avec l’aide de services de sécurité efficaces », reconnaît le ministère canadien des Affaires étrangères. Mis à part les organismes de défense des droits de la personne qui dénoncent l’emprisonnement et la torture pour des raisons politiques, le procédé ne semble pas inquiéter outre mesure. Le commentaire d’un PDG québécois, entendu dans l’avion au retour d’une mission d’affaires, illustre une certaine pensée générale: « Oui, la Tunisie est un État policier, mais au moins le pays est débarrassé des intégristes, les femmes ne portent pas le voile… et ça nous permet d’y faire des affaires. »

Parole confisquée

Sur l’état du militantisme féministe, la sociologue Ilhem Marzouki hésite à répondre, jetant des regards furtifs aux alentours. Elle explique prudemment la thèse qu’elle développe dans son livre. « Les droits en faveur des femmes sont arrivés très tôt dans l’histoire de la Tunisie. L’instrumentalisation des femmes par l’État a provoqué une paralysie puisqu’elle leur interdit d’agir par elles-mêmes. Elles ne sont pas vraiment des actrices au sein de leur propre mouvement. »

En fait, elles sont dépossédées de leur pouvoir d’émancipation? « C’est le bilan que je fais. Comme l’État a toujours été le principal acteur du changement, les regroupements de femmes adressent leurs revendications et leurs actions aux institutions politiques plutôt qu’à la société. Ce faisant, elles se coupent de la base, des racines sociales, ce qui les empêche de se constituer comme un mouvement fort », explique Ilhem Marzouki.

Mon interlocutrice en restera à la théorie, malgré mes questions. « Vous dites, dans votre livre, que « le courant féministe se trouve dans l’incapacité de fonder un espace consacré de parole et d’action, de transgresser la norme et de se dégager du politique sous peine de graves sanctions. » À quoi faites-vous référence »? « Ah bon, j’ai dit ça? [Rires nerveux, son regard balaie le hall de l’hôtel]. Je ne me rappelle pas dans quel contexte. » Silence. « Vous avez également écrit que les Tunisiennes se cherchent encore, qu’elles ne se sont pas trouvées. » « Ça m’étonne que j’aie pu écrire une chose pareille »… L’adjointe de l’éditeur, qui l’accompagne, s’impatiente: « Mais enfin, assumez vos propos! »

L’interviewée ne s’aventurera pas plus loin. D’ailleurs, tout au long de mon séjour, je me buterai à des témoignages « off the record ». En Tunisie, bien des intellectuelles pratiquent l’autocensure. Ici, la peur est intégrée. Comme un voile invisible.