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Contraception nouvelle vague

Pendant longtemps, il n’y a rien eu de bien nouveau dans le domaine de la contraception: on a joué avec les mêmes produits, les mêmes hormones.

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Petit traité de la contraception de l’avenir. Pendant longtemps, il n’y a rien eu de bien nouveau dans le domaine de la contraception : on a joué avec les mêmes produits, les mêmes hormones. Mais depuis quelques années, on a le sentiment que ça bouge. Plutôt limitée il y a peu, la gamme des solutions de rechange s’étend. On parle de contraceptifs de moins en moins lourds, plus facilement accessibles, utilisables et réversibles. Et si on ose chercher un mérite à la propagation du sida et des MTS, c’est celui d’avoir lancé à fond de train la recherche sur la voie d’une protection sans cesse croissante, qui vise à donner aux femmes plus de pouvoir de décision et moins d’effets secondaires. La pilule anticonceptionnelle tout d’abord, la reine de l’arsenal contraceptif, celle qui est venue tout changer. On l’a revisitée et assouplie sans pour autant lui faire perdre de son efficacité. Revisitée en ce sens qu’on en a allégé les dosages hormonaux, provoquant ainsi moins de désagréments. Assouplie par l’apparition, par exemple, de la pilule du lendemain. Mais dans la gamme des contraceptifs, la pilule n’occupera peut-être plus longtemps seule la place de choix. Un nombre grandissant de femmes sont lasses de ce fastidieux rendez-vous quotidien, lasses surtout de l’oublier un peu trop souvent. Elles sont nombreuses aussi celles qui ne supportent pas de gober ces cocktails d’hormones œstrogènes et progestatives. Celles qui ont eu des problèmes cardiovasculaires, qui n’arrivent pas à cesser de fumer ou qui ont toujours refusé le stérilet. Bref, toutes celles qui ne veulent pas d’enfant — pas tout de suite — et rêvent de pouvoir se procurer autre chose. Déjà, pour les femmes qui en ont les moyens, il y a eu la petite révolution créée au printemps dernier par le Mirena, un stérilet nouvelle vague qui s’impose de plus en plus en Europe depuis les années 90, mais nouveau ici. Il libère son infime dose quotidienne de progestatif directement dans l’utérus, évitant ainsi à la femme les effets hormonaux indésirables de la pilule tout en épaississant sa glaire cervicale et en inhibant la mobilité des spermatozoides. Comme il bloque graduellement la croissance et le développement de l’endomètre — assurant ainsi une contraception si efficace qu’elle peut se comparer à une stérilisation… réversible —, il présente l’énorme intérêt, pour toutes celles qui souffrent depuis des années de règles abondantes ou douloureuses, de réduire considérablement la durée et l’intensité des menstruations. Ainsi, le mois suivant son implantation, la durée des règles diminue déjà de 97 %, et au bout de trois mois, le flux menstruel se réduit de 86 %. Une utilisatrice sur cinq n’a même plus de menstruations un an après sa mise en place. Et si on le souhaite, on peut même oublier jusqu’à son existence durant cinq ans. Le hic du Mirena? Son prix : il coûte environ 350 $ et, pour le moment du moins, n’est pas couvert par la Régie de l’assurance-maladie du Québec. Un peu plus accessible si en on juge par son prix sur le marché européen (il n’est pas encore vendu en Amérique du Nord), l’Implanon que depuis deux ans 120 000 femmes expérimentent avec succès là-bas. Contrairement à son prédécesseur, le Norplant, qui consistait en l’insertion de plusieurs bâtonnets, l’Implanon est un unique bâtonnet souple de la taille d’une allumette : on le pose en quelques minutes d’anesthésie locale sous la peau de la face interne du bras non dominant (gauche pour une droitière, droit pour une gauchère), dans le sillon qui sépare le biceps du triceps. Son principe? Un double verrou : son réservoir déverse dans l’organisme une dose quotidienne d’étonogestrel, une hormone de type progestérone qui bloque l’ovulation. Et il agit aussi sur la glaire cervicale en s’opposant à l’ascension des spermatozoïdes. On l’implante au début du cycle menstruel et son efficacité dure trois ans. Son action commence dans les 24 heures, mais il a aussi l’avantage de se faire oublier de l’organisme dans les quatre jours qui suivent son retrait. Les laboratoires Organon qui l’ont mis au point travaillent à une « pilule » contraceptive similaire pour les hommes : un implant hormonal à glisser sous la peau du bras et qui sera efficace trois ans durant. Si les résultats des premières études s’avèrent concluants, on pourrait commercialiser cette nouvelle méthode contraceptive dès 2005. Pour en finir avec la pilule oubliée, un tout nouveau moyen contraceptif devrait aussi arriver dans quelques mois sur le marché: un simple timbre adhésif et étanche qui a la taille d’une boite d’allumettes et qu’on se colle à une fesse, au ventre ou à l’avant-bras. Il en va ainsi de l’Ortho Evra, le timbre transdermique élaboré par la compagnie Johnson & Johnson. Tout comme pour la pilule contraceptive, le principe de ce timbre est de libérer en continuité dans l’organisme de faibles quantités d’œstrogènes et de progestérone, ces hormones qui bloquent l’ovulation et créent un milieu peu accueillant pour les spermatozoïdes. Mais son intérêt par rapport au rythme fastidieux de la pilule est qu’on ne le change qu’une fois par semaine, toujours le même jour, au cours des trois premières semaines du cycle menstruel. Une facilité d’utilisation qui devrait tout particulièrement séduire les jeunes filles, principal marché visé par ce contraceptif d’un nouveau type, surtout que la prévention des grossesses chez les adolescentes reste plus que jamais la priorité des priorités. C’est aussi dans cet esprit de prévention des grossesses précoces que sont apparus les contraceptifs oraux d’urgence, la fameuse « pilule du lendemain ». Contrairement aux autres contraceptifs du genre, elle ne contient qu’un progestatif, le lévonorgestrel, provoquant moins d’effets secondaires, et elle présente moins de contre-indications. Depuis novembre dernier d’ailleurs, à la suite d’un long et difficile changement à la loi, la pilule du lendemain est offerte sans ordonnance du médecin dans les pharmacies du Québec, comme c’est déjà le cas en Colombie-Britannique, et bientôt en Ontario. Depuis plusieurs années, elle est en vente libre dans une quinzaine de pays d’Europe où on la considère comme un premier contact à la contraception conventionnelle. Tout l’art des contraceptifs de demain sera d’être efficaces tout en sachant se faire oublier. Ainsi le NuvaRing, l’anneau contraceptif vaginal qui vient de recevoir l’homologation de la Food and Drug Administration américaine. De cinq centimètres de diamètre, il libère — comme la pilule et à un prix analogue — son lot d’œstrogènes et de progestérone dans le sang. Mais c’est la femme elle-même — à sa convenance, pendant les cinq premiers jours de ses règles — qui se le place (une fois par mois et pour trois semaines) dans le vagin autour du col où il adhère à la paroi. Le docteur Jocelyn Bérubé, responsable de la Clinique de planning au Centre hospitalier régional de Rimouski, donne un avant-goût de la contraception de l’avenir. « Les recherches actuelles s’orientent de plus en plus vers la mise au point de vaccins et de spermicides beaucoup plus efficaces que ceux qu’on connaît actuellement, et qui, dans le vagin, vont tuer les microbes, les bactéries et du même coup, les spermatozoïdes. Au lieu de bloquer l’ovulation, on va anéantir les spermatozoïdes dès leur arrivée dans le milieu vaginal. » La commercialisation à venir d’une sorte de condom invisible… pour femmes illustre bien cette tendance. Ce nouveau produit, conçu par une équipe de l’Université Laval, serait bien davantage qu’un simple contraceptif de plus sur le marché: il pourrait se révéler le premier moyen permettant aux femmes de se protéger, en toute autonomie et sans avoir à négocier avec leur partenaire l’utilisation du traditionnel condom contre le sida et les MTS. Cette substance spermicide et microbicide incolore et inodore, liquide à la température de la pièce, se gélifiera au contact des muqueuses vaginales. Un applicateur spécial permettra de recouvrir uniformément le col de l’utérus et toute la surface du vagin. Mais auparavant, il faudra que les longs et coûteux essais cliniques de ce produit soient conduits à terme et s’avèrent concluants pour qu’il devienne réalité.

Une affaire de femmes

La contraception reste encore et toujours une affaire de femmes. « Ça ressemble toujours à cela, malheureusement », dit la docteure Francine Léger, de la Clinique de médecine familiale de l’Est, à Montréal, une généraliste spécialisée en obstétrique qui reçoit souvent des couples dans son bureau. « Surtout quand on mentionne aux hommes les risques d’effets secondaires! Ils ont toujours beaucoup de mal à faire le lien entre activité sexuelle et contraception. Alors que chez les femmes, ça va évidemment de soi! » Ça va même si loin que dans ce domaine, malgré tous les discours sur le partage des responsabilités, les femmes semblent être les premières à vouloir qu’il en soit ainsi. Dans un sondage effectué il y a quelques années aux États-Unis, on a demandé aux interviewées si elles feraient confiance à leur partenaire s’il existait une pilule anticonceptionnelle masculine. Elles ont clairement répondu non. Et dans une très large majorité (85 %). « On a obtenu des résultats analogues lors d’une étude menée au Québec à l’occasion du 50e anniversaire du droit de vote des femmes. Ce sont encore et toujours les femmes qui ont la responsabilité contraceptive », dit Anne St-Cerny, coordonnatrice à la Fédération du Québec pour le planning des naissances. Un point de vue que partage le docteur Jocelyn Bérubé, responsable de la Clinique de planning au Centre hospitalier régional de Rimouski. « Il ne faut pas se faire trop d’illusions : la contraception restera encore longtemps destinée aux femmes parce qu’elle n’intéresse pas plus que cela les hommes. Ils ne s’impliquent pas davantage qu’il y a 20 ans, et l’utilisation du condom n’a pas augmenté. Du coup, ils ne représentent pas un marché bien intéressant pour les laboratoires, et tout ce qui apparaît de nouveau sur le marché ne leur est pas destiné. »