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Blood sisters

«Au cours de sa vie, chaque femme utilise en moyenne de 10.000 à 15.000 tampons ou serviettes (taxables…). Il n’existe aucune loi qui oblige l’industrie à tester ses nouveaux produits ou à indiquer leur contenu chimique sur l’emballage. Chaque mois, notre sang vient remplir les poches des multinationales au dépend de notre santé»!

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« Au cours de sa vie, chaque femme utilise en moyenne de 10 000 à 15 000 tampons ou serviettes (taxables…). Il n’existe aucune loi qui oblige l’industrie à tester ses nouveaux produits ou à indiquer leur contenu chimique sur l’emballage. Chaque mois, notre sang vient remplir les poches des multinationales au dépend de notre santé! »
Elles laissent leurs slogans rageurs dans les toilettes, multiplient ateliers et tracts dans les milieux universitaires, sont convaincues d’avoir une lutte sans merci à livrer à l’industrie des protections hygiéniques, aux bataillons rangés de Tampax et autres garnitures commerciales. Elles, ce sont les Blood Sisters — au Québec, elles s’appellent Zone rouge —, un de ces groupes de jeunes militantes dont on entend de plus en plus parler en Amérique du Nord et qui sont résolument parties en guerre contre les protections hygiéniques jetables et chlorées du marché. Chez Elle Corazon, le local communautaire où Zone rouge a établi son quartier général à Montréal, Aimée Darcel (elle préfère qu’on l’appelle AD) est l’âme dirigeante de ce regroupement né en 1996 sur le campus de l’Université Concordia. Pour elle, Proctor & Gamble et autres Kimberley-Clark sont le mal incarné. Sur un ton alarmiste et imagé, qui n’est pas sans rappeler celui pur et dur des féministes des années 70, elle affirme qu’il faut « lutter contre le contrôle corporatif et patriarcal de nos corps et de notre image. » Ses arguments forcent l’attention. « Au cours de sa vie, chaque femme utilise en moyenne de 10 000 à 15 000 tampons ou serviettes (taxables…). Il n’existe aucune loi qui oblige l’industrie à tester ses nouveaux produits ou à indiquer leur contenu chimique sur l’emballage, alors que toutes les protections commerciales contiennent de la dioxine, produit toxique pour l’être humain et pour l’environnement. Chaque mois, notre sang vient donc remplir les poches des multinationales au dépend de notre santé. Il ne faut pas être si confiantes, il est grand temps de réagir! » Derrière AD, des bénévoles sont en train de tailler de la ratine pour en faire surgir des serviettes en coton réutilisables, aux imprimés éclatants de couleurs, qui font penser aux protections hygiéniques du début du siècle (voir « L’armée rouge est en ville! »). Des protections naturelles que « de toutes façons, malgré la publicité intempestive des géants, tant de femmes continuent à utiliser partout dans le monde. Après tout, les produits commerciaux n’existent en gros que depuis 60 ans! » Urban Armor, le bras commercial du regroupement, a fabriqué artisanalement près de 2 500 serviettes alternatives depuis le début de l’année. Elles sont vendues (à 8 $ pièce) chez Elle Corazon et dans une vingtaine de boutiques et coopératives de Montréal. La plupart des magasins d’aliments naturels proposent de leur côté des serviettes et tampons en coton non blanchi — comme les Natracare — qui ne contiennent ni dioxine ni fibres synthétiques. Ainsi que des éponges de mer naturelles plus compatibles avec la flore vaginale et que chacune peut se tailler sur mesure. Pour en faciliter l’utilisation, les militantes de Zone rouge conseillent d’y coudre un bout de fil dentaire… La petite merveille qu’elles vantent tout particulièrement? Le keeper, une coupe menstruelle en caoutchouc qu’on insère facilement dans le vagin en le pliant en deux. Elle peut contenir jusqu’à une once de sang. On la retire au besoin, on la vide dans les toilettes et on la remet en place après l’avoir nettoyée. Voilà, selon Urban Armor qui en vend à 45 $ la pièce, un autre bon moyen de retrouver son indépendance physiologique (pas question ici du syndrome du choc toxique associé aux tampons) et financière (le keeper a une durée de vie de dix ans). À condition bien sûr de ne pas être indisposée par le contact avec son propre sang. Libération, tout cela? AD a déjà devancé la question : « La libération, ça peut n’être aussi qu’un excellent argument de vente! »

Les règles au musée

Un musée tout spécialement consacré aux menstruations? Oui, ça existe, et c’est un homme qui l’a ouvert en 1994! L’Américain Harry Finley a même dédié son MUM (Museum of Menstruation) à sa mom qui était infirmière. Il a ouvert le premier espace au monde entièrement consacré aux règles, à leur diversité culturelle, à leur histoire et aux pratiques qui les entourent. Illustrateur de métier, ce passionné, qui a aussi longtemps travaillé en Europe, a eu accès à toutes sortes d’archives, d’anciennes publicités, d’accessoires liés au sujet. Il a voulu en faire profiter ses contemporains dans une perspective aussi bien anthropologique que sociologique, historique qu’artistique. Durant quatre ans, le Museum of Menstruation a accueilli ses visiteurs dans le sous-sol d’un bungalow de la banlieue de Washington. Il est fermé depuis 1998, faute de local et de financement plus adéquats. Mais en attendant sa réouverture en laquelle il croit dur comme fer, Harry Finley a métamorphosé son musée en un formidable lieu de références virtuel. Son site — www.mum.org — déborde d’idée, de thèmes à creuser et de sources bibliographiques constamment mises à jour.