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Dur, dur la rue

Vivre dans la rue est encore plus dur pour les filles que pour les garçons. Marie-Marthe Cousineau, professeure en criminologie à l’Université de Montréal, a recueilli les récits de vie de 13 filles, de 14 à 24 ans, membres actives ou passées de gangs de rue.

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Vivre dans la rue est encore plus dur pour les filles que pour les garçons. Marie-Marthe Cousineau, professeure en criminologie à l’Université de Montréal, a recueilli les récits de vie de 13 filles, de 14 à 24 ans, membres actives ou passées de gangs de rue. Plus que des bandes d’ados s’adonnant occasionnellement à des pratiques frauduleuses, ces clans correspondraient plutôt à une version « jeune » des groupes de motards, vivant du vol, de la prostitution et du trafic de drogues. Même si elles n’en ont pas conscience, les jeunes filles y occupent presque toujours un rôle subalterne. « Agressées physiquement ou sexuellement, isolées et contrôlées par les garçons, elles sont victimes des pratiques des membres de leur propre gang, même si elles considèrent leurs agissements comme faisant partie des risques du métier », explique Marie-Marthe Cousineau.

Même dans les nouvelles bandes de filles, il semble qu’au moins un garçon occupe toujours le sommet de la hiérarchie. Leur rôle n’est cependant pas négligeable, affirme la chercheuse. « Elles s’impliquent dans des bagarres pour défendre le groupe et menacent d’autres filles pour protéger les membres de leur gang. Mais surtout, elles rapportent d’importantes sommes d’argent en se prostituant, en dansant nues ou en servant d’escortes. » Les filles des gangs ne gardent jamais l’argent qu’elles gagnent en vendant leur corps ou en commettant des délits. C’est la bande qui leur fournit vêtements ou drogues.

Garçons et filles ne sont pas non plus égaux face à l’itinérance, selon une nouvelle étude publiée dans le Journal de l’Association médicale canadienne. Les femmes de moins de 45 ans, célibataires et sans enfants, qui vivent dans la rue sont les seules dont l’espérance de vie n’est pas supérieure à celle des hommes dans la même situation. Selon les spécialistes, c’est un signe de l’extrême fragilité de leur situation. Stephen Hwang et Angela Cheung, de la Faculté de médecine de l’Université de Toronto, ont recueilli des données sur 1 981 femmes sans abri de Toronto, âgées de 18 à 64 ans et ayant séjourné au moins une nuit dans un refuge de la ville en . En consultant les registres de décès de la ville en , ils ont constaté que 26 d’entre elles étaient mortes. Triste détail : 21 avaient moins de 45 ans. La plupart de ces itinérantes ont été emportées par le sida ou une surdose.

  • « Jeunes filles affiliées aux gangs de rue à Montréal : cheminements et expériences », Michèle Fournier, sous la direction de Marie-Marthe Cousineau, Les cahiers de recherches criminologiques, , vol. 39, p. 165.
  • « Risk of death among homeless women: a cohort study and review of the literature », Angela M. Cheung et Stephen W. Hwang, Journal de l’Association médicale canadienne, , vol. 170, p. 1 243-1 247.