Des émissions de radio féministes ? Mais oui, ça existe !
En 2005, quand Anik Salas a déposé son projet d’émission à
CFOU, la radio de l’Université du Québec à Trois-Rivières, elle s’est contentée de dire qu’il était destiné aux femmes.
« Souvent, lorsqu’on dit le mot féministe, les gens sont réfractaires »
, constate l’animatrice de 29 ans. Pourtant, chaque mercredi soir,
Lakshmi informe sur l’exercice du pouvoir, sur les veuves hindoues…
« C’est un rendez-vous avec le monde tel qu’il est vu par les femmes. »
Dans les radios alternatives du Québec, plusieurs animatrices conçoivent bénévolement des émissions féministes. La plupart sont très engagées.
« Si je n’étais pas militante, je ne ferais pas cette émission »
, convient Monique Foley, qui anime le magazine
Mes amies de filles, diffusé à
CKIA, une station de Québec, depuis janvier 2000.
Mes amies de filles garde un projecteur allumé sur la condition féminine.
« Quand les groupes masculinistes sont apparus, par exemple, nous avons abordé le sujet. Des victimes de violence conjugale sont aussi venues s’exprimer; dénoncer leur situation les a aidées à se sentir moins seules et à s’en sortir »
, poursuit Foley, qui tient à donner la parole aux groupes œuvrant auprès des femmes.
La doyenne des émissions de radio féministes québécoises a vu le jour à l’été 1980 sur les ondes de Radio Centre-Ville, une radio communautaire de Montréal. Animée en anglais,
Matrix adore… le sport !
« Nous voulons mettre en valeur les réalisations des femmes »
, explique Laura Yaros, l’une de ses artisanes. Ainsi, l’équipe a interviewé Lisa-Marie Breton, capitaine de l’Axion, l’équipe montréalaise de la Ligue nationale de hockey féminin. Elle traite aussi d’art et de musique.
Radio Centre-Ville diffuse également des émissions comme
Pawol Fanm, animée en créole, ou
Entre elles, destinée aux Québécoises d’origine chinoise.
« Elles ne s’affichent pas vraiment comme féministes »
, précise Evan Kapetanakis, directeur général de la station, mais leur contenu colle souvent aux valeurs du mouvement.
Depuis l’été dernier, 12 filles dans la vingtaine — féministes, anarchistes et libertaires — animent
Ainsi squattent-elles à
CKIA.
« Nous nous réapproprions les ondes pour parler de sujets qui nous touchent »
, dit une responsable, Joëlle Gauvin-Racine. Par exemple, les mythes sur les menstruations ou la « guérilla jardinière », qui consiste à squatter un espace public pour y faire pousser plantes et légumes !
Les radios étudiantes et communautaires permettent de découvrir des réalités oubliées par les grands médias.
« Certaines personnalités médiatiques peuvent aborder des thèmes en lien avec la condition féminine, mais c’est rare »
, croit Johanne Arseneault, collaboratrice à
Mes amies de filles.
L’auditoire qui syntonise ces stations se compose surtout de gens éclairés à la recherche d’une solution de rechange à la radio commerciale. Les émissions féministes risquent-elles alors de ne prêcher qu’à un public de converties ? Oui, répond François Demers, professeur en journalisme à l’Université Laval.
« En général, les radios communautaires ne sont pas un outil pour rejoindre M. et Mme Tout-le-monde. On parle à des gens déjà sensibilisés. »
« Est-ce si grave ? rétorque Anne-Marie Brunelle, ancienne directrice de la revue progressiste Recto-Verso. Il me semble que les féministes ont aussi besoin d’apprendre et de pousser leur réflexion. »
Ces radios proposent des points de vue différents des autres médias.
« En ce sens, leur impact est quotidien. »