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Responsabilités partagées

La sexualité à tendance pornographique est omniprésente dans l’espace public. Le Conseil du statut de la femme a étudié les conséquences de ce phénomène sur les jeunes.

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La sexualité à tendance pornographique est omniprésente dans l’espace public. Le Conseil du statut de la femme a étudié les conséquences de ce phénomène sur les jeunes. Résultat ? Un cri d’alarme assorti d’une dizaine de recommandations.

En , le Conseil du statut de la femme a lancé un avis intitulé Le Sexe dans les médias : obstacle aux rapports égalitaires pour orienter les actions du gouvernement en matière de sexualisation de l’espace public et de sexualisation précoce. D’emblée, la chercheuse principale, Ginette Plamondon, avait choisi d’éviter le terme hypersexualisation, car le préfixe hyper, accolé au mot sexualisation, suggérait le dépassement d’une norme que le Conseil aurait été bien en peine de définir.

Ce nouvel avis met en lumière le rôle de certains médias — les vidéoclips, les revues destinées aux jeunes filles ainsi que les jeux électroniques plus particulièrement — qui exercent une influence certaine sur les comportements des jeunes Québécois et Québécoises. Ginette Plamondon et ses collaboratrices, Nathalie Roy et Annie Desaulniers, ont recensé plusieurs études québécoises, françaises et américaines notamment, qui permettent d’établir un lien entre cet envahissement de la sexualité dans les espaces accessibles à la collectivité et l’abaissement de l’âge des premières relations sexuelles.

L’étude du Conseil soulève de nombreuses questions. Les adolescentes et les adolescents sont-ils en mesure de s’extraire du dogme de la séduction à tout prix et de l’objectivation du corps des femmes qui leur sont servis sur toutes les plateformes ? Comme société, assume-t-on nos responsabilités en négligeant de leur donner l’information touchant la santé sexuelle, au moment même où les infections transmises sexuellement sont en forte hausse, surtout chez les 15-24 ans ? Et que dire de la probabilité de subir un épisode de violence dans une relation amoureuse, qui augmente chez celles qui ont eu leur première relation sexuelle avant l’âge de 13 ans (67 %), par rapport à celles qui ont commencé leur vie sexuelle à 14 ans ou plus tard (40 %) ?

Depuis le début des années , la sexualisation de l’espace public est teintée par les codes de la pornographie qui valorisent les stéréo types sexuels. Des codes qui, peu à peu, s’imposent comme des normes. Les femmes présentées sont soumises aux fantasmes d’hommes souvent violents et toujours dominants, incapables de contrôler leurs pulsions. Le Conseil du statut de la femme a de tout temps défendu l’importance d’une sexualité égalitaire, définie pour la première fois dans cet avis comme étant respectueuse du plaisir et du désir des partenaires, sécuritaire, et où chacun partage la responsabilité en matière de contraception, notamment.

Les recommandations de l’avis du Conseil ciblent les médias, les parents et différents ministères, de façon à ce que plusieurs actions se conjuguent pour enrayer le phénomène. Ainsi est-il suggéré que le comité de travail pour la promotion des rapports égalitaires dans tous les milieux éducatifs, mis en place dans le sillage du plan d’action de la Politique pour l’égalité entre les femmes et les hommes, devienne permanent et qu’il intensifie sa lutte contre les stéréotypes, la sexualisation de l’espace public et la sexualisation précoce. Le Conseil souhaite par ailleurs que le personnel éducatif soit fortement incité à intégrer des con tenus liés aux comportements égalitaires dans les cours d’éthique et de culture religieuse ainsi que dans les activités mises sur pied dans le contexte de l’éducation à la citoyenneté.

Le Conseil propose également que le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport et celui de la Santé et des Services sociaux assurent aux parents une meilleure diffusion de l’information relative à la sexualité des jeunes et à l’utilisation d’Internet, média privilégié pour accéder — volontairement ou accidentellement — à de la pornographie. Évidemment, le Conseil cible aussi les médias en proposant que soient resserrées les règles d’application des normes en matière de stéréo types sexuels qu’ont adoptées les diffuseurs et l’industrie de la publicité. Le Conseil recommande à la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine de sensibiliser le milieu québécois de la publicité aux effets des stéréotypes sexuels en organisant des rencontres annuelles sur le sujet. Il invite également le gouvernement à utiliser l’espace public pour offrir un autre discours par le biais d’une large campagne de promotion des rapports égalitaires entre les femmes et les hommes.

De son côté, le Conseil s’engage à coordonner un nouveau concours pour promouvoir les images égalitaires présentées dans les médias. Entre et , les prix Éméritas et Déméritas, qui valorisaient les publicités non sexistes et dénonçaient leurs contraires, avaient contribué à nettoyer le paysage publicitaire québécois. Malheureusement, les images sexistes sont de retour en masse dans nos médias et elles exercent une influence néfaste sur le développement identitaire des jeunes.

Il est temps de relever nos manches pour présenter aux jeunes générations une option à la porno branchée et aux stéréotypes sexuels qui s’érigent en modèles. Dans son avis, le Conseil du statut de la femme en appelle à la responsabilité de tous — acteurs gouvernementaux, membres de l’industrie des médias, personnel éducatif et parents — pour aider les jeunes, filles et garçons, à développer leur jugement critique et à faire d’autres choix.