Aller directement au contenu

L’hostilité en ligne, une violence sexiste banalisée

Reconnaitre, prévenir et combattre les cyberviolences envers les femmes et les filles

Date de publication :

Auteur路e :

Temps estimé de lecture :4 minutes

Loin d’être un phénomène marginal relevant de la sphère privée, lhostilité en ligne sinscrit dans les violences de genre et prend racine dans un terreau fertile de sexisme et de misogynie, selon les autrices dune récente étude du Conseil du statut de la femme. Face à cet enjeu de société important, le Conseil souligne la nécessité de reconnaître, de dénoncer et de combattre lhostilité en ligne envers les femmes.

« J’ai reconnu des Québécois en ligne, une fois, témoigne une joueuse en ligne dans l’étude L’hostilité en ligne envers les femmes publiée en juin dernier par le Conseil du statut de la femme. Je leur ai dit “allô”, puis la première chose qu’ils me disent, c’est “ah, il y a une petite conne ici!”. Ça a dégénéré en menaces de viol. »

Comme elle, plus d’une femme sur trois au Québec a déjà subi une forme d’hostilité en ligne, rapporte le Conseil. De même, un gazouillis haineux serait transmis à une femme toutes les 30 secondes dans le monde, selon Amnistie internationale et Element AI.

Des formes multiples de violence

L’hostilité en ligne peut prendre de nombreuses formes, comme le harcèlement, la cyberintimidation, les menaces de violence sexuelle ou physique, la distribution non consensuelle d’images intimes, le slut-shaming (recours à un certain vocable pour insulter, harceler ou dénigrer une femme) ou encore le sexisme en ligne. Selon le Conseil, l’hostilité en ligne s’inscrit dans des rapports de genre et des hiérarchies sociales, et fait « partie du sombre paysage des violences faites aux femmes ».

« Quand on gratte un peu, ce qui ressort, c’est qu’il y a plus de femmes que d’hommes qui subissent fréquemment l’hostilité en ligne, et dans des formes aiguës, observe Mélanie Julien, directrice de la recherche et de l’analyse au Conseil. Les manifestations de l’hostilité en ligne sont différentes. Les femmes sont plus souvent visées sur leur apparence physique et leur sexualité que les hommes. Globalement, les conséquences s’avèrent souvent plus lourdes du côté des femmes. »

L’hostilité en ligne envers les femmes peut avoir pour objectif de les reléguer à la sphère domestique et sexuelle, et d’établir le Web comme un espace masculin, selon des spécialistes. Le phénomène peut affecter une multitude d’aspects de la vie des femmes touchant la liberté d’expression, la santé physique et mentale, l’estime de soi et la réputation, la vie professionnelle et la sécurité physique.

« Ce qui ressort de nos travaux, c’est que l’hostilité en ligne envers les femmes partage des points de parenté avec d’autres formes de violence comme la violence conjugale, observe Mélanie Julien. Elle est généralement perpétrée par les hommes. On cherche souvent à blâmer et responsabiliser les victimes. C’est une réalité qui est fréquemment niée, minimisée, banalisée, comme l’ont longtemps été la violence conjugale et les violences sexuelles. »

Des pistes d’action

Pour faire face au problème, certain·e·s expert·e·s prônent l’encadrement gouvernemental des plateformes de médias sociaux. Contrairement aux perceptions selon lesquelles le cyberespace se soustrait à l’application des lois, les actes d’hostilité en ligne peuvent faire l’objet de poursuites criminelles au Canada, bien que de nombreux obstacles demeurent. Les victimes de violence en ligne peuvent faire appel aux centres d’aide aux victimes d’actes criminels (CAVAC), qui offrent une gamme de services gratuits et confidentiels.

« L’hostilité en ligne envers les femmes partage des points de parenté avec d’autres formes de violence comme la violence conjugale. C’est une réalité qui est fréquemment niée, minimisée, banalisée, comme l’ont longtemps été la violence conjugale et les violences sexuelles. »

– Mélanie Julien, directrice de la recherche et de l’analyse au Conseil

« Ça fait longtemps qu’on retarde trop l’instauration de lois adaptées aux caractéristiques des environnements numériques, opine à ce sujet Pierre Trudel, professeur titulaire au Centre de recherche en droit public de la Faculté de droit de l’Université de Montréal. On accuse beaucoup de retard. Qu’en est-il de la mise à niveau des lois pour que le harcèlement entraîne des conséquences? »

Au Québec, un premier tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle et de violence conjugale vient d’être implanté. Le ministère de la Famille chapeaute également un plan de lutte contre l’intimidation et la cyberintimidation, qui rassemble un ensemble d’actions déployées par différents ministères et organismes.

Le Conseil du statut de la femme mise particulièrement sur la prévention, entre autres par la sensibilisation de la population et l’éducation dans les écoles. Cette stratégie pourrait notamment permettre de montrer les conséquences réelles des cyberviolences, d’informer les femmes touchées des ressources disponibles et des actions judiciaires possibles, et d’attirer l’attention du public et des instances politiques sur un problème social toujours minimisé. Dans son étude, le Conseil invite ainsi à une large mobilisation et à « promouvoir, par tous les moyens possibles et dans tous les milieux, des rapports égalitaires entre les femmes et les hommes ».

Besoin d’aide ou d’information?

Consultez le Répertoire de ressources sur l’hostilité en ligne contre les femmes. Cet outil de référence, adapté à la réalité numérique du Québec, a été développé par le Centre de documentation sur l’éducation des adultes et la condition féminine (CDÉACF), avec le soutien du Secrétariat à la condition féminine.